Le Président de la République a présenté ses voeux aux Français. Ce fut une démonstration de la nécessité qui s’impose parfois de distinguer le fond et la forme. La forme était hautement conventionnelle. Comme plusieurs de ses prédécesseurs, Emmanuel Macron a parlé assis derrière une table. La position oblige souvent a rassembler les mains devant soi en créant une sorte de barrière avec ceux à qui l’on s’adresse. Lorsqu’on est debout, le corps est plus libre et les gestes ont plus d’ampleur. Toutefois, les bras collés au corps, les coudes sur la table, l’absence de geste fort, comme le doigt levé de Pompidou, rendaient Macron plus distant, plus appliqué dans la démarche d’un professeur donnant la leçon à ses élèves. La diction était quasi parfaite, et sentait les cours de théâtre, comme d’habitude. Le ton de la compassion fut employé, mais à aucun moment la voix n’a su s’élever avec cette chaleur qui signale le véritable orateur, soulevant une émotion sur un mot prononcé avec force et conviction. Comment supposer de la sincérité quand il y a autant d’affectation ? Malgré les relativement bons sondages récents, il s’agissait pour l’intéressé d’un oral de rattrapage destiné à gommer les erreurs du début du mandat. Porté par l’esprit de la caste à laquelle il appartient, l’énarchie, il avait mis en relief ceux qui réussissent, les premiers de cordée, par rapport à ceux qui ne sont rien. Il a cette fois pris l’exact contre-pied en insistant lourdement sur une réussite nationale qui ne pouvait pas s’en tenir au « succès de quelques-uns ». La référence à la fraternité, à la solidarité avec ceux qui souffrent et à la cohésion nationale pour une renaissance française, fondée sur l’intelligence de notre pays, avait de quoi satisfaire les gens de gauche comme ceux de droite, les chrétiens et les patriotes, bref le grand groupe central sur lequel il pense s’appuyer durant son mandat. L’école, le travail, le climat, les territoires ruraux et les quartiers populaires, l’accès au numérique et la lutte contre les discriminations, la paix et la guerre au terrorisme ont été évoqués sans précision parce qu’il faut bien viser l’ensemble du public, même les opposants qu’il écoutera, dit-il. L’essentiel était dans un mot, un sujet pluriel : « vous » et non pas « nous ». » J’ai besoin de vous », « demandez-vous, chaque matin ce que vous pouvez faire pour le pays ». L’artifice est d’autant plus patent qu’il s’agit bien sûr, une fois de plus, d’une importation américaine, celle la fameuse formule de Kennedy. Mais les Français n’ont pas besoin de ce type de leçon de morale. Ils ont, parce que c’est dans leur tradition, besoin d’un chef qui les entraîne en même temps qu’il les protège et qui dit « nous », parce qu’il est parmi eux, lorsqu’il parle des chemins à tracer ou des difficultés à surmonter. Les formules précieuses, plus rares que d’habitude, comme « tension éthique » ou « grammaire de la paix et de l’espérance », qui ne veulent strictement rien dire, ont rappelé que le personnage narcissique n’était pas sorti de sa coquille.
Sur le fond, rien de neuf. Alors que les Français prenaient conscience, sous Hollande, du déclin du pays, de la perte de son identité, démographique et culturelle, d’un chômage désormais plus structurel lié au recul de l’industrie, et du rôle néfaste joué par l’Euro à cet égard, ils ont sur ces questions un Président qui passe outre. Il s’adresse à ses concitoyens européens, en feignant d’ignorer que le vote français a été l’exception, due à une manipulation de l’opinion plutôt qu’à un choix du peuple. Dans la plupart des autres Etats, c’est bien le risque migratoire qui pousse les populismes. Sa pédagogie pour séparer les migrants et les demandeurs d’asile, pour associer l’efficacité à l’égard des premiers et l’humanité pour les seconds, ne peut convaincre que les naïfs. Le fait qu’il ait lié le droit d’asile et l’accession à la nationalité française révèle qu’il se situe toujours dans cette ligne commune à la gauche et au Medef, qui consiste à accueillir le maximum d’étrangers, dont la présence s’efface en apparence dans les chiffres grâce à la naturalisation. « La France est leur patrie » a-t-il même osé dire ! Evidemment non ! La France est la patrie des Français qui ont hérité de leur nationalité, et de ceux qui l’ont voulue et l’ont méritée. Elle ne doit pas être le pays des Français de papiers, qui, ni le matin, ni le soir, ne pensent nullement à ce qu’ils pourraient faire pour elle. Il faut espérer qu’en cette année centenaire de la victoire de 1918, la grande illusion du macronisme se dissipera. Le poids de la dépense publique, de la dette et le niveau record des impôts, avec l’augmentation massive de la CSG, devraient ouvrir les yeux sur les grands changements. Il est frappant de constater que la mesure la plus sensible a été la suppression de l’ISF uniquement pour les possesseurs de capitaux mobiliers, c’est-à-dire la strate la plus fortunée, alors qu’on matraquait fiscalement les retraités. Je reste persuadé pour ma part que l’augmentation de la TVA était plus juste et plus efficace, en contrepartie d’une baisse des charges sociales. Elle n’aurait pas frappé ou favorisé un groupe plus qu’un autre, mais aurait en favorisant nos produits et nos services eu un rôle équivalent à une dévaluation désormais impossible. Faut-il ajouter que la TVA sociale aurait dû avant tout soutenir une politique familiale dont M.Macron ne parle pas, et non les invraisemblables aides sociales et médicales fournies aux immigrés y compris les clandestins.
En 1918, les Français ont cru à leur victoire et à la paix définitive. 22 ans plus tard le pays était occupé. En 1968, les Français ont cru faire une révolution sociale et sociétale. Les acteurs de l’une et de l’autre sont arrivés au pouvoir médiatique et politique dans les années qui ont suivi avec les conséquences mortifères pour le pays que nous continuons de subir. Peut-on vraiment croire que d’où il vient Macron pourra nous en délivrer. La courtisanerie empressée des médias après du locataire de l’Elysée doit nous en faire douter.
Bonne année à tous, et surtout bonne année à notre France !
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