Donald Trump, homme de l’année ? De quelle année ? De 2016, sans doute, puisqu’il a créé une surprise qui a tourné au séisme politique. Mais, mieux vaudrait qu’il le soit en 2017, lorsque après un an de Maison Blanche, on pourra juger du pilote aux commandes. Gagner une élection est une chose. Conduire un pays, et le plus puissant de la planète, en est une autre. Le vainqueur inattendu des primaires républicaines a bousculé le système sur la forme et sur le fond. Face à des politiciens professionnels prisonniers des codes, il a tranché par son outrance, il a enfoncé la grille du politiquement correct. Les immigrants mexicains, voleurs et violeurs, les musulmans interdits d’entrée aux Etats-Unis, Khirz Khan, le père pakistanais d’un soldat américain tombé au combat, traité avec peu d’égards, Hillary Clinton mise au pilori de chaque discours, ont été autant de cailloux qui selon les spécialistes de la politique américaine devaient faire trébucher l’homme d’affaires venu sur des chemins dont il ignorait les détours. Ce fut le contraire. La transgression des règles propres à l’ »establishment », au microcosme politico-médiatique, qui à Washington comme à Paris mène la danse, a été ressentie par beaucoup d’Américains comme une bouffée d’oxygène, une libération à l’égard du système. Evidemment cette réaction n’a pas été celle de la majorité des Américains, dans les grands centres urbains des façades littorales du Pacifique et du Nord-Est, mais elle a drainé vers Trump, tous ceux qui sont les victimes ou les oubliés du système, tous ceux qui, attachés aux valeurs profondes de l’Amérique, ne supportaient plus de voir le pouvoir confisqué par une oligarchie, une prétendue élite progressiste, plus soucieuse du mariage unisexe que de la grandeur de l’Amérique, plus encline à s’intéresser à l’usage des toilettes par les « transgenres » qu’aux vertus de la famille, composée d’un homme, d’une femme, de leurs enfants, et farouchement opposée à l’avortement. Au conservatisme s’est ajoutée la volonté patriotique d’un retour de l’Amérique et d’une protection du travail des Américains face à la mondialisation. Cette préoccupation a été décisive car elle a fait basculer nombre de comtés industriels de la « ceinture de rouille », et les Etats démocrates qui ont donné la majorité des grands électeurs, la clef du succès dans ce pays fédéral. En finir avec la dérive « socialiste » de l’Obamacare, avec une politique étrangère alignant les guerres sans issue et les alliances douteuses, avec la préférence accordée aux minorités par rapport à la majorité silencieuse, tel était l’espoir du vote Trump, ce candidat qui avait du Nixon et du Reagan en lui.
Toutefois, il est aussi très différent. Ce n’est pas un politicien, mais un entrepreneur, à la fois fonceur, et négociateur, pragmatique en un mot. On s’attendait à ce qu’il s’assagisse après la victoire. Son attitude envers la rivale battue et le Président sortant semblaient le vérifier. La désignation des responsables dont il souhaite s’entourer, si le Congrès les confirme, a constitué à nouveau, une double surprise. D’abord, la présence de milliardaires, comme Wilbur Ross, le « roi de la faillite » ou d’anciens de Goldman Sachs, comme Steven Mnuchin, risque d’éveiller des doutes sur l’authenticité du souci social chez le candidat populiste maintenant élu. En revanche, pour ceux qui, comme moi, ont été écoeurés par l’ouverture à gauche de Sarkozy, l’équipe qui se profile derrière Trump, est une « équipe de rêve » pour un conservateur. Le Vice-Président Mike Pence est un catholique converti à l’évangélisme, opposé à l’avortement comme à l’homosexualité, un pro-vie notoire qui a d’abord soutenu Ted Cruz, et ne partage pas toutes les orientations du futur Président, notamment en politique étrangère. Mais, le Secrétaire d’Etat pressenti, Rex Tillerson quittera la tête du géant pétrolier ExxonMobil, pour mettre ses relations internationales économiques au service de la politique, et notamment du rapprochement avec Vladimir Poutine, qu’il connaît bien. Ce renversement conforme au bon sens et aux intérêts du monde occidental auquel la Russie appartient davantage que l’Arabie Saoudite, sera peut-être le changement le plus radical. Le général James Mattis, « chien fou » et « moine-guerrier » à la Défense, de même que Mickaël Flynn, un autre général spécialiste du renseignement, et l’un des artisans de « Surge », le redressement militaire et politique en Irak, abandonné stupidement par Obama, confirment l’hypothèse de ce virage. Kissinger, 93 ans, devrait apporter son savoir-faire personnel dans ce rapprochement avec Moscou. C’est encore un général qui sera en charge de la sécurité intérieure, John Kelly. A la CIA, ce sera un faucon, Mike Pompeïo, partisan sans complexe du programme de surveillance. Un climato-sceptique, Myron Ebell sera en charge de l’environnement. Tom Price, opposé à l’avortement et à l’Obamacare exercera ses talents à la santé. Betsy De Vos, hostile à l’enseignement public, et favorable au « chèque-éducation » prendra l’éducation. Il y a un défi dans ces choix, soit une provocation, soit une véritable volonté de révolution conservatrice dont il faut espérer le succès. Si on ajoute le Sénateur de l’Alabama, Jeff Sessions à la Justice, hostile à l’avortement comme à l’immigration, et Ben Carson, neuro-chirurgien ultra-conservateur, au logement, et si toutes ces nominations sont entérinées, la secousse risque d’être puissante. Le « Buisson » américain, Stephen Bannon continuera à conseiller Trump, et, seule concession, Reince Priebus, rescapé du sérail Républicain, aura à gérer les relations peut-être délicates du Chef de l’Exécutif, avec la majorité parlementaire, certes républicaine, mais pas nécessairement « trumpiste ».
Cette révolution consterne les progressistes. Le monde du spectacle et de la presse, majoritairement, s’en afflige. Les vedettes promettent d’éviter le spectacle de l’investiture, le 20 Janvier. Nombre de « journaleux » attendent désespérément que le cauchemar de leurs pronostics brisés cesse : les manifestations d’abord, les recomptages ensuite, le vote des grands électeurs enfin n’ont pu enrayer la marche. Alors, le gentil Obama, cet apparatchik démocrate de Chicago, si sympathique et si malfaisant, savonne consciencieusement les planches de son successeur à coups de mesures tardives, surprenantes de la part d’un exécutif devenu moins légitime. Interdiction des forages, suppression du fichage des immigrés en provenance de pays musulmans, brutale opposition à Israël : ces politiques de fin de règne n’ont pas d’autre objectif que de contrecarrer les objectifs du Président élu. Il faut vraiment être aveugle pour voir dans le petit politicien qui quitte la Maison Blanche le grand Président que nos médias ont dessiné.
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