Ces dernières semaines s’est illustrée une tendance, déjà présente mais qui grossit à vue d’œil : la reconversion feutrée et rapide de certains ténors de la politique dans la chronique journalistique, à tel point que le paysage audiovisuel français commence à ressembler à une maison de retraite pour politiciens.
On se souvient ainsi de Roselyne Bachelot qui, après avoir démontré toute l’ampleur de sa cuistrerie au ministère de la Santé pendant le douloureux quinquennat Sarkozy, s’était retrouvée à en faire la démonstration sur les plateaux de D8, i-Télé, TF1 ou France2. L’expérience, toujours en cours, continue de choquer discrètement une partie des Français dont les troubles de stress post-traumatique apparaîtront probablement dans la prochaine décennie, achevant de mettre le pays à terre.
Dans la même veine, Laurence Parisot nous a fait bénéficier de son robinet à platitudes lorsqu’elle s’est commise comme chroniqueuse sur les plateaux de RTL et d’Europe1.
Mais avec l’arrivée au pouvoir de Macron et de toute sa nouvelle garde de trottineurs, c’est un véritable tsunami de politiciens désœuvrés qui se retrouvent à suivre le même parcours que ces deux exemples précédents.
Et c’est finalement sans grande surprise qu’on apprend qu’Orélifilipeti, l’onomatopée un moment en charge de la Culture, se retrouve à chroniquer sur RTL, bientôt rejointe par Gaspard Panzer Gantzer, le petit futé en charge de l’extraordinaire communication de François Hollande. Henri Guaino, démis de son mandat par « des électeurs à vomir », nous assommera d’un billet quotidien sur Sud Radio. Autre député sorti en juin, l’ex député PS de Seine-et-Marne Rihan Cypel va officier sur Nova. Julien Dray, lui, interviendra sur LCI, probablement pas pour parler de montres ou de cartes de crédits pendant que Raquel Garrido, porte-parlote de la France Mélenchoumise, devient chroniqueuse sur C8, sans oublier Jean-Pierre Raffarin qui sera sur France 2 le dimanche soir pour nous jouer un petit air de flûtiau certainement palpitant.
Quel déferlement ! Encore peut-on s’estimer heureux d’avoir su éviter la présence de la Reine des Neiges, Ségolène Royal, qui se voyait bien devenir chroniqueuse politique mais que les radios ou les télés se sont fort judicieusement empressées de ne pas contacter. Golène et les Glaçons devra se contenter de son job d’ambassadrice. Ouf.
Une telle vague s’explique cependant assez bien : apparemment, retrouver un travail rémunéré après être passé par la vie publique et l’exposition médiatique correspondante, ce n’est pas toujours simple comme en témoignent abondamment les ex-élus dont les sanglots et difficultés s’épandent dans une presse tendrement à l’écoute, comme par exemple pour Emmanuelle Cosse dont la recherche d’emploi va s’en trouver singulièrement boostée grâce aux nombreuses pleines pages que ces médias lui offrent ainsi.
En effet, si, pour les ténors, le carnet d’adresses peut suffire à les recaser, pour beaucoup d’autres politiciens en revanche, les aptitudes démontrées lors de l’exercice de leurs mandats ne suffisent pas à motiver les entreprises à les salarier (et parfois, c’est même plutôt l’inverse, tant les performances et raisonnements de nos élus indiquent assez clairement à quel point ils sont à côté de leurs pompes). Difficile pour certains d’apprendre un métier alors que la politique représente tout (et un peu trop) pour eux…
Conséquemment, cette rentrée de Septembre sera terrible : on va donc avoir droit à un déferlement continu de leurs pensées profondes, à un véritable Niagara ininterrompu de leurs petites phrases, de leurs opinions ou pire de leurs conseils à la télé, à la radio et dans certains journaux trop complaisants… alors que ces gens n’ont jamais été foutus ni de diriger correctement leurs cabinets en particulier, ni la France en général (il suffit pour s’en convaincre de voir l’état dans lequel la France a été rendue après 5 ans de Sarkozy puis 5 ans de Hollande en double-coup dur), et que leurs avis, opinions et conseils ont été largement proférés urbi & orbi.
Et au-delà de cette triste perspective, force est de constater qu’un paquet de ces politiciens, dont on croyait s’être débarrassés à la faveur des dernières élections, va donc continuer de téter aux mamelles bien trop nourricières des contribuables puisqu’on va les retrouver dans des radios ou des télévisions subventionnées voire carrément du service public : France Culture, France Inter, France-2 ou tous ces autres médias qui s’abreuvent aux subventions culturelles vont bel et bien perpétuer, pour ces nouveaux chroniqueurs, le paiement de ces encombrants et coûteux incompétents aux frais du contribuable.
Plus triste, cette vague de politiciens débarquant dans les officines journalistiques montre à quel point est grande la porosité entre le monde médiatique et le monde politique. C’est, véritablement, une belle histoire d’amour qui se joue devant nous entre les journalistes et les politiciens, avec toutes les dérives possibles auxquelles on assiste maintenant depuis plus de 10 ans avec une consternation croissante : « off », potins et confidences (à la Trierweiler, par exemple), rumeurs, « fake news » – avec le quinquennat hollandesque en point d’orgue.
Porosité telle qu’on ne compte plus les journalistes ou chroniqueurs qui sont passés de l’autre côté du miroir (on pourra se rappeler de Mamère, typiquement), et dont le dernier exemple, avec la nomination de Bruno Roger-Petit comme porte-parlote du gouvernement, démontre à quel point est mince la différence entre les clowns qui nous gouvernent n’importe comment et les clowns qui nous abreuvent de propagande débile.
Au passage, avec cette nomination désastreuse qui ajoute un caniche au nouveau labrador présidentiel, Macron – qui prétendait il y a encore trois mois dicter son agenda médiatique – montre à quel point il est victime de son propre hybris et de sa volonté farouche d’être aimé de tous et tout le temps. Ne comprenant pas que diriger, c’est faire des choix et donc discriminer, c’est-à-dire obligatoirement déplaire à une partie des Français, il est condamné à se vautrer dans les mêmes erreurs que ses prédécesseurs.
Sans doute peut-on voir dans cette déferlante de politiciens devenus chroniqueurs la démonstration qu’ils ne peuvent absolument pas se satisfaire d’un retour à l’anonymat, à la vie du commun des mortels. En pratique, ceux qu’on retrouve sur les ondes sont, très concrètement, infoutus de simplement se taire et nous laisser supporter en silence la vague de politiciens suivants. François Hollande y a évidemment renoncé, incapable de rester dans le néant dont il est pourtant issu.
Et compte-tenu de l’écosystème particulièrement méphitique dans lequel ces individus ont évolué avant de nous tympaniser avec leurs opinions néfastes, il n’y a aucune chance qu’un discours nouveau puisse émerger avec eux.
Tout ceci va encore nourrir le pire de l’ochlocratie à laquelle nous sommes maintenant soumis puisqu’on va continuer à abreuver le peuple des discours de ces tribuns médiocres, toujours plus paresseux intellectuellement, qui, au lieu de se contenter d’haranguer les foules avec un mégaphone à la faveur d’une manif, vont utiliser la puissance de la diffusion de leurs âneries dans des millions de foyers plus ou moins captifs.
Dans une espèce d’auto-allumage avec emballement catastrophique, ces nouveaux chroniqueurs, aux idées paresseusement collectivistes et incultes économiquement, vont alimenter les pulsions faciles des foules. À leur tour, ces foules, paresseusement collectivistes et de plus en plus incultes économiquement, nourriront les pensées idiotes des politiciens de demain qui seront aussi paresseusement collectivistes et incultes économiquement que les raisons électorales le leur permettront. Quand, enfin, ces politiciens seront recyclés comme chroniqueurs, la boucle vicieuse sera fermée.
Pas de doute : voilà qui va nous faire un joli zéphyr de changement intellectuel, ça, mon bon monsieur.
> H16 anime le blog Hashtable.
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