Les épargnants ne sont plus protégés en Europe

Plus le temps passe, plus on doit se rendre à l’évidence : Chypre a constitué une répétition générale, l’expérimentation d’un plan qui sera reproduit ailleurs. La déclaration de Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe, qui a parlé de “modèle”, avant de se rétracter, s’avère donc vraie.

La Commission européenne, et plus spécialement Michel Barnier, le commissaire en charge des banques, prépare en effet une directive qui mettra à contribution les dépôts de plus de 100 000 euros en cas de sauvetage bancaire. L’intention de départ est louable puisqu’il s’agit de ne plus mettre à contribution les contribuables, mais cet argument ne constitue-t-il pas qu’un prétexte ?

La directive prévoit qu’en cas de faillite d’une banque, les pertes seront d’abord épongées par les propriétaires et les actionnaires, suivis des créanciers “juniors” et “seniors” puis, en troisième rang, les déposants au-dessus de 100 000 euros. C’est seulement si l’ensemble de ces contributions s’avérait insuffisante qu’interviendrait l’argent public, à travers le fonds de secours européen, le MES.

Voilà pour la théorie, qu’en est-il concrètement ? Lorsqu’une banque affiche de mauvais résultats, les actionnaires en ont déjà payé le prix depuis longtemps ! Les grandes banques européennes ont déjà perdu environ 90% de leur valeur boursière depuis la crise (l’action Société Générale cotait 170 euros en 2006, 25 aujourd’hui, par exemple), il ne reste donc plus grand-chose de ce côté-là. Les créanciers ont également fait en sorte de partir. La seule vraie richesse qui reste, ce sont les comptes bancaires. Ils prendront donc sur eux l’essentiel de la ponction, il ne faut pas se faire d’illusion.

Mais les comptes de moins de 100 000 euros sont-ils bien à l’abri ? Certainement pas ! Il faut bien comprendre que les comptes bancaires chypriotes de moins de 100 000 euros ont été préservés parce que l’Europe et le FMI se sont engagés à apporter 10 milliards d’euros. Si la crise devait toucher un grand pays comme l’Espagne, l’Italie ou la France, ce n’est pas 10 milliards mais plusieurs centaines qu’il faudrait mobiliser. Qui peut croire que cela sera fait ? Qui peut croire que l’Allemagne fera exploser son endettement pour sauver les comptes bancaires des Espagnols, des Italiens ou des Français ?

D’autant que ceux qui détiennent des comptes supérieurs à 100 000 euros vont se dépêcher de les vider pour les répartir sur plusieurs comptes, et leur nombre va diminuer comme neige au soleil. Cette directive va aussi favoriser le bank run dès les premiers signes sérieux de crise.

En refusant de s’attaquer aux grands oligopoles bancaires et à l’opacité de leur fonctionnement, à cette logique du “too big to fail” qui encourage l’irresponsabilité, l’Union européenne évite les questions gênantes. Cette directive constitue surtout un aveu d’impuissance, et les épargnants en paieront le prix.

[Cette tribune de Philippe Herlin (blog) a initialement été publiée sur GoldBroker.com.]

Du même auteur :
> La garantie des dépôts de moins de 100 000 euros est un mythe

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17 Comments

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  • 0 / 10
  • Cril17 , 3 août 2013 @ 9 h 18 min

    Ce n’est pas directement lié au sujet de cet article, mais nul doute qu’Eric Martin et les experts qui fréquentent ce site ne sachent voir le lien subliminal avec cet article du fou du Roi Louis XVII …:

    Et une petite dépense privée pour le » sarkothon » , M le PDG d’Axa, serait-ce franchir les limites du raisonnable ?… ***

    http://cril17.fr/

  • trivi , 3 août 2013 @ 12 h 22 min

    Hélas qui le sait ? Personne.

    La décision fut prise en tête à tête avec eux-mêmes (je parle là de nos dirigeants européens), Chypre aura été le test… tout à baigner… Moralité de l’histoire ils font des conneries et le cochon d’épargnant et de déposant sera le plumé !!!

    Mais qu’attendons-nous pour virer cette bande de cloportes ?????

  • Gérard(l'autre) , 3 août 2013 @ 17 h 44 min

    Imaginons un chef d’entreprise qui jette l’argent par les fenêtres et qui se retourne ensuite vers ses employés pour leur piquer leur salaire et leur faire payer les factures ???
    Je ne suis pas “économiste” … mais il me semble que c’est le scénario ! Non ???

  • Eric , 3 août 2013 @ 19 h 50 min

    100 000 euros …il faut de je traduise 65 briques. Qui a 65 briques de coté, pas moi, je suis top racketé par les impots.

  • Marius , 3 août 2013 @ 22 h 40 min

    Le plan adopté à Chypre est très bien et se rapproche le plus du modèle liberal. Ne pas confondre le 1er plan, qui lui était odieux, a savoir taxer tous les comptes ; avec le plan finalement retenu : le bail-in (en opposition au bail-out qui est le renflouement public).

    Le libéralisme préconise qu’on est responsable, on gagne on garde, on perd on paye les pots cassés. Le bail-out (renflouement des banques avec l’argent publique) pratiqué par nos dirigeants jusqu’ici était totalement anti-liberal, les banques mal-gérées doivent faire faillite, les sauver tout le temps revient a encourager les pratiques odieuses qui amènent justement à ces crises. De plus le renflouement se fait avec l’argent de tous les contribuables, au nom de quoi ils devraient payer ? Le libéralisme préconise ainsi la faillite des banques, le bail-in mis en place par l’UE est une bonne chose : la banque fait faillite, on prend l’argent des plus riches pour garantir les dépôts des plus pauvres, et on ferme la banque. Tout ça est tout à fait logique, normal et souhaitable.

  • charlus , 4 août 2013 @ 19 h 35 min

    Bonjour,
    Je travaille dans le Tax Planning, si vous voulez de l’aide n’hésitez pas à me contacter.
    Je pourrais peut être vous conseiller (gratuitement, cela va sans dire).

    Il est évident que les européens sont tous des chypriotes en sursis.

    Jean

    [email protected]

  • charlus , 4 août 2013 @ 19 h 36 min

    Ce qui est intolérable, c’est l’autorisation de réserves fractionnaires

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