Dans un petit livre absolument remarquable intitulé Le Cœur Rebelle, écrit en 1994 (et publié de nouveau par l’éditeur Pierre-Guillaume de Roux, en mémoire à sa mort sacrificielle fin mai de l’année dernière), le célèbre historien Dominique Venner relate ses expériences de jeunesse et plus précisément ses souvenirs de la guerre d’Algérie et de sa lutte contre le pouvoir gaulliste qui suivi.
Dans le sixième chapitre de ce livre, il explique comment, peu à peu, il est devenu un véritable « ethno différencialiste », tant par ses dispositions et sentiments juvéniles que par l’expérience acquise au traverse de ce douloureux XXe siècle. Il a compris et accepté que la différence des races et en leur sein des ethnies et des peuples est profondément structurelle.
Bien plus que la religion, la race est le cœur des civilisations. Elle est un groupement humain spécifique forgée au travers les âges par le milieu éco-systémique environnant (le climat et les saisons , la géographie, la nourriture de la faune et la flore, etc.) qui va, doucement mais surement, conditionner par pressurisation sur l’humanoïde se trouvant en son sein une structure hormonale, cérébrale, musculaire, épidermique spécifiques conditionnant sa psychologie et donc sa vision religieuse à partir de laquelle sont engendrées ses institutions politiques et sociales.
A) L’ethno-différencialisme ou l’essence de la pensée de droite
Je me permets de reproduire un passage émouvant de ce sixième chapitre intitulé l’impératif du cœur décrivant une pensée authentiquement de droite :
« C’est un matin de début d’automne sur Paris. Soleil pâle sur les murs ternes d’une école autour d’une cour bitumée. Comme toutes les écoles françaises d’autrefois, elle ressemble à une prison. Au-dessus du préau, la classe de 7e est parfumée à la poudre de craie. Le maître a fait ouvrir les livres de lecture. Un élève lit à haute voix. Cet élève, c’est moi.
Je lis une histoire qui me plaît, une histoire de garçon. C’est le récit d’un combat du colonel Archinard contre Samory, seigneur noir de cette immensité imprécise qu’on appelait le Soudan. Etait-ce le combat de Kankan, au nord du Niger, en 1891 ? Je l’ai oublié. Ce dont je me souviens très bien en revanche, c’est de l’illustration du livre et de mes sentiments.
Deux troupes se font face. Au premier plan de dos, les Français, si l’on peut dire. Quelques marsouins et des tirailleurs sénégalais autour du drapeau, d’un canon et d’un officier. Ils s’apprêtent à tirer sur la troupe beaucoup moins disciplinée que l’on distingue au loin. Une troupe de cavaliers sauvages à n’en pas douter, qui brandissent des fusils et des lances, les « sofas » de Samory.
Sous la gravure, une légende explique que les soldats français apportent aux Africains la civilisation, c’est-à-dire des écoles, des médecins, des percepteurs et des lois. Dans l’instant suivant, ces soldats civilisés vont écrabouiller les guerriers moyenâgeux de Samory, des pillards et des esclavagistes, visibles là-bas sur leurs étriers.
Tout, dans le récit et l’image, était fait pour entraîner la sympathie de lecteurs acquis d’avances. Comment ne pas être du côté des soldats de la civilisation, qui plus est « nos » soldats ?
Et pourtant, le petit garçon que j’étais se sentait partagé. Certes, j’aimais nos soldats et c’était une belle aventure que celle de cette poignée de Français et de tirailleurs partis à la conquête d’une Afrique mystérieuse et immense. J’aimais moins que ce fût pour y ouvrir des écoles, sans parler du reste. Dans mon âme simple, je me disais que chez Samory, les gamins de mon âge avaient une sacrée veine d’échapper à la réclusion dans les geôles lugubres pour y apprendre le plus clair du temps des choses bien moins passionnantes que monter à cheval, courir la brousse et jouer à la petite guerre avec de vrais fusils. Confusément j’éprouvais de la pitié pour les farouches cavaliers noirs qui, avec l’arrivée des Français, de leurs machines et de leurs règlements, allaient perdre pour toujours la vie libre, insouciante et aventureuse qui avait été la leur depuis des temps immémoriaux.
Ces rebelles « au progrès » éveillaient ma sympathie. Par disposition naturelles, je penchais plus volontiers du côté du Téméraire que de Louis XI, de Bouteville que du Cardinal, et j’étais pour le loup maigre de La Fontaine contre le chiens gras qui en vient à oublier son collier et sa chaîne.
Le collier et la chaîne, voilà qui nous amène à la question de l’esclavage. La Fontaine le suggère proprement, beaucoup d’esclaves le sont sans être conscients de leur état. Bref, mon livre de lecture rappelait que Samory se livrait à une industrie coupable interrompue par nos soldats. Mais le sort des guerriers m’importait plus que celui des esclaves. Je ne connaissais pas à l’époque l’histoire de Samory. Je ne savais donc pas qu’avant de devenir un grand conquérant, il avait était lui-même capturé à dix-huit ans par un roitelet local. Au bout de sept années de servitudes il gagna sa liberté par les armes. Groupant quelques compagnons, il se tailla en huit ans, par ruse et violence, mais aussi par justice et sagesse, un empire grand comme la France. Pendant les vingt années suivantes ou presque, il tint nos colonnes en échec. L’issue je la connaissais. Je savais qu’il avait fini par être capturé par le capitaine Gourraud et qu’il était mort en détention après avoir tenté de se suicider.
La fin d’un monde qui avait sa grandeur est toujours poignante. Comme l’est celle d’un véritable homme libre. Tous les officiers qui ont connu Samory ou l’ont combattu, d’Archinard à Gallieni, ont dit leur estime, parfois leur admiration pour cet adversaire-là.
Grâce leur soit rendue. Ce fut leur grandeur. Jamais dans leurs propos ni leurs souvenirs on ne trouve trace de cette haine si fréquente chez les gens de plume. Par contre, un chantre du parti colonial, bon républicain, démocrate distingué, partisan convaincu des « droits de l’homme », le professeur Gaffarel, écrivait alors : « L’honneur français et les intérêts de la civilisation exigeaient. » Oui, vous avez bien lu : « l’honneur français et les intérêts de la civilisation », drôle de mélange. « Puisque Samory se mettait lui-même en dehors de l’humanité, poursuivait le professeur Gaffarel, il n’y avait plus qu’à le traquer comme une bête fauve ». Le propos n’est pas isolé à l’époque. D’estimables intellectuels suggéraient que le fait pour les indigènes d’être rebelle à l’idée de la civilisation qu’on se fait sur les bords de la Seine, les plaçait hors de l’humanité et qu’il convenait donc de les abattre comme des bêtes nuisibles. Voilà une chanson que l’on avait déjà entendue au profit d’autres croisades et qu’on attendra encore longtemps.
Le fait est que ce ne sont ni les théoriciens de la civilisation ni les prédicateurs des « droits de l’homme » qui nous ont gagné les loyautés des populations de l’empire disparu, mais les soldats -certains soldats- vestiges bien vivants d’une ancienne France juste, forte, guerrière et féodale.
A la même époque, dans leurs colonies africaines, les soldats du Kaiser, sans le secours des idées de 1789, mais en s’appuyant sur la même tradition militaire et européenne du pacte féodal, surent obtenir aussi bien que nous la confiance des populations de leurs propres colonies. Pendant la première guerre mondiale, à la différence des Français, les Allemands refusèrent de mêler les Africains au conflit en Europe même. En revanche, ils les engagèrent avec succès en Afrique. Malgré l’encerclement de l’Ostrafrika (futurs Tanganyika et Ruanda-Urundi), le général von Lettow-Vorbeck, avec une petite armée composée en majorité d’auxiliaires indigènes, réussit pendant quatre ans à tenir en échec les meilleures troupes de Sa Majesté qui disposaient pourtant d’une majorité écrasante.
A leur façon, les réticences de mon enfance et mes sentiments pour Samory anticipaient sur mes choix futurs, sur mon respect du droit des peuples, sur la défense des minorités. Les idées qui me guidaient vers 1960 ou 1970 étaient encore imprégnées par l’âpreté des conflits de l’époque. Ces années-là avaient été celles des guerres de décolonisation. Après l’Algérie, au Congo et ailleurs, les Européens d’outre-mer étaient devenus du gibier bon à abattre sans qu’il se trouvât personne en Europe pour les défendre. Ici et là des Blancs résistaient encore, surtout en Rhodésie, « terre des lions fidèles », comme l’écrivaient François d’Orcival.
Il a fallu du temps pour digérer les passions, les affronts, les massacres, tout cette haine déversée sur les nôtres. Il fallut du temps pour atteindre à une vue élargie et apaisée, pour passer d’un nationalisme de combat à la conscience sereine de l’identité. Oui, il a fallu du temps pour en arriver à cette idée nouvelle qu’en assurant l’identité de « mon peuple » je défends celle de tous les peuples, qu’en assurant le doit égale de chaque culture, j’assure le même droit pour les miens. Respecter la culture enracinée à tous les peuples ne signifie pas qu’on accorde une égale considération à n’importe quoi. Parler d’égalité des cultures n’a pas de sens. Les cultures ne se quantifient pas. Je respecte le mode de vie ancestrale des Boschimans de Kalahari et, si c’était en mon pouvoir, je le défendrai contre tout ce qui le menace-il est mortellement menacé. Cela ne signifie pas que je le compare à la culture de l’Italie du Nord au temps de Botticelli. Le respect des vraies cultures ne se confond pas non plus avec le culte de toutes les fariboles crées par la mode. Il implique au contraire la capacité de juger et de hiérarchiser autrement qu’en termes de marché.
Moi qui suis né à la conscience politique à travers un combat désespéré pour la défense de mes compatriotes, pour leurs droits de vivre librement sur la terre où étaient enterrés leurs morts, j’en suis arrivé à comprendre que le principe qui me guidait avait une portée universelle. Il incitait à soutenir partout le droit des peuples à leur identité et le respect dû aux minorités. Il me conduisait à porter aussi sur la colonisation un regard fort différent de celui de jadis. Irrépressible et fatale manifestation dont l’Europe était prodigue pour le meilleur et pour le pire, la colonisation portait en germe des effets effroyablement pervers pour les colonisateurs autant que pour les colonisés. Mais cela, les colonisateurs ne le savaient pas et ensuite personne n’y plus pouvait rien.
Ma sympathie instinctive pour Samory de mon livre de lecture venait aussi d’une admiration pour le rebelle qui ne se laisse pas prescrire sa loi, au risque d’y perdre sa vie. »
B) Empires chrétiens et postchrétiens contre Empires païens
La critique gauchiste de la colonisation européenne en Afrique est totalement idéologique et tout simplement infirmée par les faits historiques. Elle déclare, pour l’aspect négatif, que les Européens ont littéralement pillé les richesses de l’Afrique et pour l’aspect positif, que leur apport de la civilisation, puis lors de la décolonisation, des droits de l’Homme et de la démocratie a été bénéfique pour le continent noir. L’histoire montre exactement l’inverse : les Européens n’ont jamais pillé l’Afrique, ils s’y sont même ruinés comme l’ont très bien démontré les études des Africanistes Bernard Lugan et Daniel Lefeuvre. Par contre, le placage de frontières irréalistes au nom d’un universalisme onirique au mépris des réalité ethniques ancestrales, l’imposition de la démocratie individualiste, de l’économie de marché à l’occidental, et d’une christianisation bâclée, superficielle et sauvage démantelant les institutions tribales religieuses, politiques, familiales et sociales plurimillénaires qui choquaient la pudibonderie des missionnaires pour imposer leur vision évangélique sont les causes premières du chaos africain provoquant, notamment, l’explosion démographique et par contrecoup l’immigration-invasion de l’Europe. Les conflits interafricains actuels, notamment la monstruosité de la guerre d’Algérie des années 90 ou le génocide rwandais, ne sont que la conséquence de ce chambardement.
Ce n’est pas l’idée impériale qui est critiquable en soi. La colonisation directe ou indirecte d’autres territoires et de peuples est un phénomène naturel qui existe depuis l’aube des temps. Comme je le disais dans la troisième partie de mon article sur la Syrie : toute entité vivante individuelle ou communautaire n’existe que par le fait, continuel et toujours plus grand, de dévorer d’autres d’entités vivantes. Elle n’évolue dans le temps que par une croissance, qui ingurgite une énergie supplémentaire afin de sécuriser l’apport énergétique précédent.
Et ce qui vaut pour l’ensemble du monde vivant vaut évidemment pour l’homme, que ce soit sur le plan personnel ou social, qui grandit par la consommation croissante d’énergie. C’est dans cette expansion naturelle afin de protéger ce qui a déjà été conquis que réside toute la tragédie de l’Histoire. Expansion naturelle qui incite une communauté humaine développée à aller chercher d’autres ressources en d’autres lieux pour sécuriser son développement. La colonisation de l’Afrique fut évidemment poussée par le désire de capter des minerais afin de soutenir la deuxième révolution industrielle européenne. Même la France, Etat-nation par excellence, si elle veut se redresser et redevenir libre par la maitrise de son approvisionnement énergétique devra chercher par elle-même ses propres matières premières à l’étranger puisqu’elle n’a rien sur son propre sol et sécuriser son extérieur proche pour protéger ses frontières.
Les paganismes hindous et gréco-romains ont créé une conception originale de la geste impériale : s’il est possible pour une communauté d’additionner d’autres territoires et ressources pour son intérêt, il est en revanche sacrilège de vouloir imposer aux peuples conquis ses propres dieux, normes politico-sociales et culturelles et migrations de peuplement. Voici ce que disait le célèbre indianiste Alain Daniélou dans son livre Les Quatre Sens de la Vie sur la société indienne :
« Il n’y a pas d’objection morale à la conquête par un prince ou un état d’autres territoires, d’autres races, s’il on en est capable, à condition que l’on observe les restrictions de caste et les devoirs du conquérant. Si nous nous attribuons les prérogatives de plusieurs races, nous sommes des tyrans. Le conquérant a parfaitement le droit de jouir de ses conquêtes, mais en chevalier, en Kshatriya. Il peut percevoir des taxes, exigé des tributs. Mais, s’il se sert d’avantages acquis militairement pour imposer sa langue, sa culture, sa religion, ses mœurs, il brise les lois ethniques et son empire ne pourra durer, car les conflits seront inévitables.
C’est cette erreur qui a causé la faillite de tous les empires coloniaux de l’Occident. L’emploi de missionnaires utilisant le christianisme comme moyen d’assimilation des peuples soumis a eu partout des résultats désastreux. Les devoirs du conquérant sont clairement définis par les législateurs hindous.
« Le Prince doit considérer comme la loi ce que la religion des peuples conquis ordonne » (Manu, 7.203)
« Quelles que soient les mœurs, les coutumes, les institutions familiales d’un pays conquis, c’est conformément à elles qu’il faut gouverner » (Yajnavalky smriti) ».
C’est grâce à cette conception du monde que les empires païens ont souvent eu une longévité remarquable. La Rome antique, malgré la rusticité du conquérant du Latium, a su faire vivre globalement pacifiquement pendant une durée de 400 ans des peuples complètement étrangers les uns aux autres. Quels liens entre les tribus de Grande-Bretagne et celles de Libye, entre celles d’Espagne et d’Irak ? Jamais les Romains n’ont imposé leurs religion, coutumes, langue, règlements et migrations de peuplement. Si les grandes villes, surtout Rome, étaient multiraciales, l’écrasante majorité des populations qui était rurale est restée intacte bio-culturellement. Plus encore le pouvoir romain, comme celui des perses achéménides et sassanides, ou des Cholas indiens, se fondait sur la complicité des chefferies locales. Dans ces empires, souvent seules la monnaie, l’armée et la diplomatie étaient communes, bien que très souvent déléguées, le reste étant géré localement comme avant la conquête.
A l’inverse, les empires chrétiens et postchrétiens (empire romain chrétien, napoléonien, coloniaux, soviétique, américain, etc.), en règle général, n’ont jamais pu durer plus d’une génération. Pris dans la logique de la « Vérité Unique » du dogme religieux puis laïque au mépris de la diversité de la création. Le contre-exemple très notable fut celui du Saint-Empire romain germanique, devenu austro-hongrois qui de sa création initiale par Otton le Grand au Xe siècle à sa désagrégation définitive après la Première guerre mondiale a su, au travers de ses considérables mutations dans le temps, s’adapter systématiquement aux peuplades conquises. “Romain”, car il ambitionnait comme son prédécesseur d’être respectueux des identités locales, condition de sa longévité exceptionnelle.
Conclusion : le devenir de la France
La situation actuelle ne peut tout simplement plus durer. C’est pour cette raison que j’estime que la droite patriote arrivera à moyen terme à prendre le pouvoir. Néanmoins, cela ne signifiera pas pour autant que la France soit sauvée. Car cela dépendra de ce que nous ferons du pouvoir. C’est pour cette raison que nous devons acquérir une vision claire du monde. Celui qui n’accepte pas les diversités raciales, ethniques, locales, culturelles et sexuelles avec toutes les conséquences que cela implique n’est tout simplement pas de droite, puisque ce courant est fondé sur la beauté de la multiplicité de l’univers. Certains de droites, catholiques notamment, -comme certaines personnes qui se croient païennes d’ailleurs- pensent que le danger principal de la France est son islamisation.
En réalité, l’islamisation, si grave soit-elle, n’est pas la racine du problème mais « qu’une surinfection de la plaie » du multiracialisme (Bernard Lugan). Le Brésil, la Colombie, le Venezuela sont majoritairement chrétiens, ou tous partagent globalement les mêmes langue, religion, nourriture et culture. Pourtant ces Etats multi-ethniques sont de véritables enfers. Le criminologue Xavier Raufer soutient même que les homicides sont plus important en proportion égale à Rio de Janeiro qu’à… Bagdad qui est pourtant en pleine guerre de religion entre sunnites et chiites !
« On peut intégrer des groupes mais pas des masses », disait judicieusement De Gaulle. Si on n’abandonne pas l’illusion fumeuse de l’universalisme prenant directement racine dans le christianisme. Si on n’engage pas des politiques de remigrations (tout simplement en arrêtant la pompe aspirante des allocations) et on n’aide pas l’Afrique à redevenir elle-même par une refonte de ses frontières et des pouvoirs collant aux réalités ethniques ancestrales, tout projet de redressement de la France sera voué à l’échec.
18 Comments
Comments are closed.