« 26 enfants parqués dans 25m² à Marseille », « Crèche clandestine : 25 bambins dans un F2 », « Un enfant par mètre carré : la crèche clandestine fermée ». L’horreur absolue : des bébés empilés en palettes-cargo, dans des petites boîtes étroites, sans espoir de voir la lumière toute la journée durant. Heureusement, l’État est intervenu et a fait stopper l’abomination.
C’est donc, si l’on en lit les articles de la presse, ce qui s’est passé : des bourreaux d’enfants entassaient tous les jours des bébés sur une surface minuscule, prétendant sans honte faire tourner une crèche. Il suffit de lire l’un de ces articles pour en être convaincu : l’intervention de l’État aura évité que l’horreur ne perdure.
« Les nourrices de cette crèche clandestine ne respectaient aucune règle de sécurité et d’hygiène. » Aucune, qu’on vous dit. Les enfants nageaient dans les épluchures de patates, les couches usagées et le mildiou, au moins ! Évidemment, le comportement scandaleux des monstres qui empilaient ainsi les enfants est parfaitement explicable et, là encore, c’est ce que font les articles en sous-entendus bien dosés : « Elles recevaient jusqu’à 25 enfants dans ce local pour un prix dérisoire : 17 euros par tête et par jour. »
Dérisoire en effet !
Voilà bien la preuve, encore, de ce à quoi poussent le libéralisme total, débridé et sans la moindre régulation, le capitalisme et la cupidité la plus veule ! Pas de doute ! Il faut, il est même impératif que les autorités interviennent pour, enfin, mettre un point d’arrêt à l’exploitation de l’enfant par l’homme, des bambins par les femmes marâtres et tout ça !
Mais le pire est atteint lorsqu’on apprend, en fin d’article en général, que les parents acceptaient les règles de ce jeu sordide et, abomination absolue, étaient au courant ! RaaAaragh mais c’est troporiblabominablétouça !
À la lecture de ces nombreux articles, une seule idée m’est venue à l’esprit, un seul sentiment, résumé ici en une petite image simple :
Eh oui.
Nous sommes, encore une fois, en face d’une magnifique pignouferie comme seule la plus fine équipe de branleurs encartés « Presse » peut se le permettre en France. Je tiens ici à dire qu’il existe, parmi les journalistes, des professionnels honnêtes, qui font leur travail correctement et cherchent à comprendre les tenants et les aboutissants des informations qu’ils relaient et font connaître auprès du public. Dans leur rôle de journaliste, ils posent à ceux qu’ils croisent et, aussi, à eux-mêmes, les questions dérangeantes, exposent ensuite ces questions et les réponses, s’il y en a.
Mais voilà : ces journalistes-là ne sont pas ceux dont les articles paraissent en première page. Ils sont rares, ils sont inaudibles, et ils sont même cachés par leurs rédactions qui ont du divorce Katie/Tom à relater, des frasques entre Jean Sarkozy et Patrick Devedjian à faire sortir au grand jour, et qui ne souffrent aucun délai dans la rédactions d’articles palpitants sur la prochaine tuyauterie chromée que les institutions européennes vont mettre en place pour vider les poches des contribuables par turbo-aspiration.
Et comme ces journalistes-là n’ont pas droit de cité, on ne trouve que bien difficilement des articles remettant un peu de perspective dans l’événement décrit.
Car une fois la stupeur écartée, que reste-t-il de cette histoire ?
Il reste des parents qui ont, en toute connaissance de cause, laissé leurs enfants à deux personnes qui ont organisé une crèche « clandestine », crèche connue des autorités selon toute vraisemblance, et laissée en activité à cause de la grave pénurie d’établissements dans la région marseillaise.
Grave pénurie d’ailleurs entretenue par la liste consternante et tous les jours croissante de règlements à suivre pour espérer seulement avoir le droit d’envisager d’ouvrir une crèche un jour… Règlementations délirantes d’ailleurs imposées par l’État.
Les parents avaient pu constater par eux-mêmes de la bonne tenue de l’établissement, jugée largement suffisante en tout cas pour y laisser ce qu’ils avaient de plus précieux pendant quelques heures. On doute ensuite de l’aspect insalubre ou dangereux des locaux une fois cette information connue.
On s’étonnera, a contrario, de l’absence d’étonnement des journalistes lorsqu’on apprend que la descente des fiers inspecteurs du travail dissimulé n’est due qu’à une dénonciation anonyme.
Une dénonciation anonyme, dans ce pays ? Dans d’autres articles et d’autres temps, nous aurions eu le droit, immanquablement, au petit couplet ridicule sur les Heures Les Plus Sombres de Notre Histoire. Sans verser dans la caricature, on ne peut s’empêcher de constater qu’encore une fois, les services de l’État ont toutes les peines du monde à mobiliser le citoyen lorsqu’il s’agit de vols, dégradations ou de jets de parpaings, mais dès qu’il s’agit de dénoncer du – oh, horreur ! – travail (gasp !) et dissimulé, en plus, alors là, pas de souci.
Le pays est décidément toujours aussi accueillant pour les cancrelats et les misérables qui savent gagner des bons points auprès des administrations en dénonçant le voisin un peu trop riche, l’association un peu trop utile, le travailleur un peu trop professionnel. D’ailleurs, la seule existence d’une brigade du Travail Dissimulé laisse pantois, à bien réfléchir : en France, on travaille au grand jour, ou pas du tout. Mais travailler sans en informer l’État et tous les suceurs de taxes et d’impôts, ça, môssieur, c’est Ganz Verboten !
En conclusion de tout ce bazar, qu’avons-nous ?
Au départ, une crèche qui fonctionne certes clandestinement, mais très bien, avec l’accord des parents, des bambins, et le tout pour un prix modique. Deux emplois peuvent en vivre. C’est donc un abominable crime, avec aucune victime.
À la fin, nous avons une crèche fermée, deux emplois perdus, des parents qui ne trouvent pas de places pour les enfants, des enfants qui ne pourront plus jouer avec leurs petits camarades et sont le dernier des soucis des autorités agissantes. Et voilà une belle brochette de victimes directes de l’intervention judicieuse de l’administration.
L’État a donc transformé une situation gagnante pour tous en échec économique et social pour tous y compris l’État lui-même.
Mesdames, messieurs, on applaudit bien fort.
—
P.S. : On apprend qu’une aventure par bien des aspects similaire a été subie par un boucher retraité. L’exercice est laissé au lecteur de trouver, selon ce que raconte M. Jacquey, parasite représentant du ministère public, les dommages causés « à la fois la société et aux autres bouchers ». CPEF.
> h16 anime le blog hashtable.
4 Comments
Comments are closed.