Tribune libre de Renaud Dozoul*
Le gouvernement Ayrault ne pouvait sans doute pas démarrer plus mal, et la sérénité de la Haute Assemblée risque d’être sérieusement bousculée cette semaine, devant le mépris du Premier ministre. On sait depuis longtemps que la gauche n’aime la démocratie que lorsqu’elle est dans l’opposition. Elle le confirme malheureusement aujourd’hui en privant le Sénat du vote de la déclaration de politique générale du Premier ministre mercredi prochain.
Depuis bientôt quarante ans, tous les Premiers ministres sont allés exposer leur déclaration politique générale à l’Assemblée nationale et au Sénat, afin de la soumettre au vote des parlementaires. À une exception près :
– Lionel Jospin en 1997 (à qui l’on pourrait malgré tout trouver une circonstance atténuante, la majorité sénatoriale étant alors de droite).
En passant aujourd’hui par dessus le Sénat, Jean-Marc Ayrault se situe dans la continuité de cette gauche du mépris, considérant sans doute la Haute Assemblée comme une anomalie de la République, puisque même quand la majorité lui est favorable, il estime superflu de la consulter.
Cet affront est de très mauvais augure pour un gouvernement censé réconcilier la France avec elle même et faire preuve de respect et d’exemplarité.
Il faut comprendre au moins deux choses de ce passage en force :
La première, c’est le manque de respect le plus total de François Hollande et de son Premier Ministre pour les institutions de la République, et le profond mépris des socialistes pour la démocratie.
La deuxième, qui est plus inquiétante pour le gouvernement, est son isolement de plus en plus marqué dans une gauche dont le pluriel a disparu, au profit d’un socialisme sectaire, qui ne se conjugue qu’au singulier. Isolement qui le pousse aujourd’hui à éviter le vote du Sénat, tant les divisions sont profondes, et le risque d’une sanction évident.
Les vieux démons totalitaires de la gauche n’auront pas tardé à la rattraper, et les litanies antisarkozystes des cinq dernières années trouvent aujourd’hui une saveur particulièrement délicate. Mais François Hollande devra rapidement sortir de ce refus pathologique de la réalité, car il y a fort à parier que les parlementaires ne supporteront pas longtemps cette arrogance, fut-elle imbibée de “normalité” et d’incantations auto-satisfaites.
*Renaud Dozoul est architecte, chercheur à l’Institut économique Molinari, et écrivain. Il vient notamment de publier 10 très bonnes raisons de restaurer la monarchie et Citations à l’usage du réactionnaire authentique chez Muller édition.