Ah, que n’entendons-nous pas au sujet de cet inconnu dans lequel ce méchant virus nous aura tous plongé d’un coup, au détour d’une pandémie que nos dirigeants se sont appliqués à ne pas prévoir ni voir même lorsqu’elle était là ? C’est sûr : à lire la presse, le monde d’après prend déjà forme !
Et dans ce monde d’après, on va forcément remettre en cause toutes ces choses que le néolibéralisme ultracapitaliste aura poussées à l’extrême. Puisque cette pandémie est – évidemment – la faute du libéralisme et de la mondialisation, certaines actions fermes et concrètes devront être entreprises pour que ces errements lamentables ne se reproduisent plus.
Comptez-bien sur tout ce que le pays compte de collectivistes pour s’y employer : à l’évidence, le monde d’après sera composé d’écologie, de solidarité et de toutes les bonnes idées socialistes de distribution facile d’argent gratuit des autres. Bref, réjouissez-vous, le paradis collectiviste est à portée de virus !
Cependant, tant qu’à se lancer dans la prospective sur le monde d’après, si l’on s’en tient aux faits, on peut raisonnablement douter que le résultat soit conforme à ces visions où l’État intervient partout encore plus et où tout le monde se syntonise avec Gaïa.
Eh oui : force est de constater que dans le monde d’avant, on nous a largement vanté et forcé (fiscalement autant que légalement) à prendre les transports en commun en dénonçant l’individualisme scandaleux des conducteurs au volant de leurs voitures qui polluent ! Si la crise sanitaire a bien montré plusieurs faits saillants, c’est que, d’une part, la pollution automobile est très loin d’être aussi prépondérante que ce que les bobards gouvernementaux tentaient de nous faire croire.
D’autre part, difficile de nier l’importance des transports en commun à la fois comme vecteurs et comme principal lieu de propagation des virus : les métros et les bus bondés entraînent une promiscuité qui rend impossible toute distanciation sociale indispensable à casser les chaînes de propagations virales. Quant aux poignées, barres, fauteuils et portes, ils sont régulièrement enduits des miasmes des passagers qui se succèdent à un rythme effrayant.
Pas de doute, si on doit mettre en place un « monde d’après », ce sera celui du retour en grâce de l’automobile individuelle, seule garante de la distanciation sociale et de la limitation virale !
Dans le monde d’avant, il était de bon ton de combattre les emballages plastiques, source d’une (bonne) partie des malheurs du monde (en ce compris les interventions de Greta Thunberg). Pas une paille au McDo, pas un gobelet de Starbucks, pas un emballage ni le moindre sachet ne pouvaient trouver grâce aux yeux de ces militants d’un monde d’après résolument déplastifié…
Manque de pot, la crise sanitaire nous rappelle (quitte à tuer pour le faire) que le plastique, c’est fantastique, ça fait plus que dépanner les personnels soignants dépourvus, ça emballe bien ces fruits et ces légumes sur lesquels se jettent maintenant les consommateurs qui se sentent ainsi mieux protégés d’une éventuelle contamination. Le plastique, c’est aussi ces plexiglas qui permettent de protéger les caissières particulièrement exposées. Et puis les gobelets en plastique jetables, c’est la possibilité d’éviter la propagation du virus par les tasses et autres verreries des selfs, cantines et autres aux pauses café des entreprises…
S’il y a, un jour, un monde d’après, on voit mal comment il pourra se passer de plastique, et comment il pourra souffrir d’y trouver des militants acharnés contre ce qui sera une vraie barrière contre les pandémies…
Il y a plus fort encore ! Dans le monde d’avant, il semble évident et sans discussion possible que la santé ne peut être une marchandise : rendez-vous compte, si le marché devait envahir ce secteur, nul doute que les pauvres seraient exclus de tous soins et que les capitalistes avides de profit s’en mettront plein les poches sur le dos des mourants !
Cependant, la crise sanitaire nous a posé une démonstration éclatante de la force de la sociale-démocratie, ainsi que les effets formidables du retrait hors du marché des produits sanitaires indispensables pour que tout un chacun puisse lutter contre la pandémie : grâce à la pertinence des réquisitions d’État sur les masques et le gel, grâce aux décrets interdisant puis pénalisant tout marché (tout achat, toute vente) sur ces produits, il est maintenant impossible de trouver ces marchandises de santé indispensables.
Eh oui : c’est bien joli de faire disparaître un marché, mais comme il s’agit du seul moyen qu’a jamais trouvé l’Humanité pour subvenir à ses besoins, le faire signifie se créer de nouveaux soucis, logistiques notamment. Bien joué pour le monde d’avant !
Pour le monde d’après, il semble indispensable que l’État retire ses gros doigts boudinés de tous les pots de confiture, de tous les marchés où il s’est inséré de force et où il n’a pas arrêté de créer distorsions, connivences et chasses-gardées. S’il y a un monde d’après qui doit tenir la route, il ne pourra se faire que grâce au marché.
Et puis, finalement, dans le monde d’avant, les technophobes dénonçaient – généralement sur les réseaux sociaux technophiles, en utilisant des moyens technologiques assez avancés – la présence des smartphones et de tous les outils technos modernes. Le constat d’une société toujours plus basée sur les écrans, dont le côté numérique voire virtuel ne cesse de s’accroître, les hérisse tant tout cela conduit forcément à la destruction du vivrensemble et l’évidente déliquescence des liens sociaux.
Pourtant, force est de constater qu’en terme de destruction de liens sociaux, on trouvera difficilement plus violent que l’État, que ces pourfendeurs de technologies appellent bruyamment de leurs vœux : qui, sinon l’État, a confiné des millions d’individus, leur imposant les plus humiliantes démarches pour simplement pouvoir sortir de chez eux ? Qui, sinon l’État, a imposé que nous nous éloignions tous les uns des autres ? Et inversement, qui nous a rapproché, qui a permis la perpétuation des liens sociaux, l’atténuation de l’isolement, sinon ces technologies abhorrées par ces thuriféraires d’interdictions idiotes ?
En toute bonne logique et si l’on devait apprendre de nos erreurs, si l’on devait tirer un enseignement de ce monde d’avant et des catastrophes qu’il a engendrées, on en tirerait comme conclusion que le monde d’après devra se passer d’État autant que possible, qu’il devra faire confiance au marché, que l’écologie ne devra certainement plus s’inscrire dans les combats idiots qu’on nous propose stérilement depuis des décennies et qui ont amplifié le problème actuel au lieu de l’atténuer.
Mais en réalité, on n’apprendra rien.
À la France d’avant succédera le monde de l’à-peu-près, cet à-peu-près rempli des clowns à roulettes qui nous ont gratifié de leur excellente performance globale dans la gestion d’une crise sanitaire historique et qui, n’en doutons pas, remettront le couvert lors de la future gestion de la crise économique historique qui s’en vient.
Forcément, ça va bien se passer.
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