Des nouvelles nous ont remis un peu de baume au coeur. La vente de 12 sous-marins à l’Australie prouve la qualité de notre industrie navale et justifie la réputation de ses ingénieurs et techniciens. La décrue du chômage la plus importante en un mois depuis longtemps est la seconde. Il convient de les relativiser. Le contrat passé avec l’Australie impose un transfert de technologie et d’une partie du travail. L’amélioration de l’emploi passe surtout par le basculement de chômeurs à temps complet vers des embauches intérimaires ou à temps partiel. Mais la reprise parcourt toujours cette étape. Cette évolution permet au gouvernement de défendre une politique et des mesures mises en oeuvre chez nos voisins plus rapidement et avec plus d’énergie ; avec des résultats, aussi. Globalement, le contexte est porteur avec l’alignement des étoiles d’un Euro raisonnable, de taux d’intérêts attractifs et d’une énergie à meilleur marché. Le fait que notre pays soit en retard, et freiné par une inertie liée au poids de la dépense publique et de l’Etat, n’est pas rassurant. La crise nous fait perdre moins d’emplois mais le redémarrage est toujours plus lent que dans les pays plus libéraux. Surtout, nous ne sommes pas à l’abri d’un retournement de conjoncture alors que l’économie est toujours sur la piste d’envol. La planche à billets de la BCE est une drogue dont les effets euphorisants demandent l’augmentation des doses. Or, le maximum est atteint et la bulle, l’overdose en somme, n’est pas à exclure.
Ces questions essentielles ne sont pas au coeur de nos débats. Beaucoup semblent penser que la France est une île qui pourrait sauvegarder ses « exceptions » économiques et sociales par la simple volonté politique. Europe ou pas, Euro ou pas, la France est contrainte d’échanger et exposée pour ce faire à la compétitivité étrangère, celle des pays émergents, et surtout celle de nos voisins qui ont su réformer à temps. La confusion des idées qui règne actuellement dans notre pays révèle sans doute l’aspect le plus grave de la situation du pays : l’effondrement de l’intelligence collective. Les médias d’information à flux tendu, notamment, donnent la parole à n’importe qui, en perdant le sens de l’équilibre entre les points de vue, sans souci de cohérence ni de continuité.
Le flot des images et des sons déverse des faits qui effacent les valeurs sans lesquelles une nation ne peut exister. Le peuple se dissout pour laisser place à une masse de spectateurs passifs, presque lobotomisés… Des « intermittents » occupent des théâtres nationaux, comme s’ils en étaient propriétaires, font annuler des spectacles. Ils obtiennent gain de cause. Le gouvernement recule, revient à la situation d’avant 2003 pour le régime de l’indemnisation, et allonge en prime 90 millions qui sortent d’on ne sait quel chapeau. Une intermittente interrogée ose dire que c’est la culture qui sauvera le pays, comme si cette formule creuse avait le moindre sens. Qu’un individu puisse sans complexe affirmer que dans le maintien d’un avantage catégoriel réside le salut de la nation pourrait être drôle si la ministre n’osait dans le même temps se féliciter d’un recul de l’Etat sous la pression d’occupations illégales, en invoquant l’intérêt général. Que l’exception culturelle, la seule qui soit légitime, justifie un régime favorable aux intermittents, soit. Mais l’augmentation de leur nombre, le déséquilibre entre les cotisations et les allocations (de 1 à 5,5), l’utilisation du dispositif au profit d’un cercle d’entreprises qui déborde le secteur culturel comme les télévisions, devraient inciter à plus de réalisme.
Les affrontements entre des casseurs cagoulés, dont on souligne l’organisation en progrès, et la police deviennent d’une étrange banalité. Une présentatrice ose dire que les manifestants et la police se renvoient la balle comme s’il s’agissait d’une bagarre entre deux camps qui commanderait au spectateur et au commentateur de respecter la neutralité. La loi impose le visage découvert sur la voie publique. C’est ce qui justifie l’interdiction de la Burka, qui d’ailleurs n’est pas respectée. On tolère cependant que des centaines de personnes se cachent le visage, détruisent des caméras de video-surveillance, incendient des voitures, et bien sûr agressent les policiers. On donne néanmoins la parole à un crétin profond qui se prend pour le peuple et proclame son droit à casser le système, et ceux qui le défendent. Les forces de l’ordre doivent protéger les équipements publics et les biens privés. Elles doivent faire respecter la loi. Il ne s’agit pas d’un match entre deux équipes, ni d’une échauffourée entre bandes rivales. Trois policiers ont été grièvement blessés. Il serait temps de rappeler qu’un individu qui lance un pavé sur une autre personne donne à celle-ci le droit de légitime défense, et qu’au demeurant, l’emploi de la force au nom de l’ordre républicain est légitime. Mais, au contraire, on tend le micro à M. Martinet, qui prolonge ses études pour présider l’Unef et se préparer un avenir politique. Il nous explique que les flash-ball sont dangereux. Oui, les pavés aussi. Simplement les policiers et les gendarmes ont le droit de leur côté, un détail sans doute.
Depuis bien des années, il est devenu courant de niveler la hiérarchie des valeurs et des hommes, voire de l’inverser dans le cadre de l’absurde discrimination positive. Le policier n’est pas un simple citoyen dès lors qu’il remplit une mission, un citoyen n’est pas un simple résident, un immigré clandestin n’est pas un habitant, un professeur n’est pas un élève, un délinquant n’est pas une victime etc… Distinguer les différences et percevoir les rapports sont les voies naturelles de l’intelligence. Elles semblent quelque peu obstruées.
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