Alstom, ou comment la tactique du court terme et de la communication empêche la stratégie efficace

Il y a deux manières d’aborder le problème posé par la situation d’Alstom. Soit on s’en tient à l’intérêt industriel du projet, soit on pose de façon plus large la question de l’avenir économique du pays. Dans le premier cas, la solution la meilleure à court ou moyen terme réside dans la reprise par Général Electric du secteur énergie d’Alstom. Comme le PDG Patrick Kron, suivi par le Conseil d’Administration l’ont pensé, la complémentarité des entreprises et la nécessité de constituer un géant dans la production des turbines pour faire face à la concurrence asiatique fournissent les arguments de la meilleure réponse aux difficultés actuelles du groupe français. GE pèse autant que Alstom et Siemens réunis, et sa division énergie, une fois et demie l’ensemble du groupe français. Il fournit plus de 30 turbines à gaz par mois quand Alstom se limite à 10 par an. Les savoirs-faire de l’Américain sont complémentaires de ceux du Français. Il paye la reprise 12,35 milliards. Or Alstom a besoin de fonds pour investir, toujours pour faire face à la concurrence, cette fois dans sa branche transport.

Selon une habitude de moins en moins légitime en fonction de ses moyens, l’État a cru nécessaire d’intervenir. Avec une emphase de plus en plus ridicule, Montebourg a évoqué une « vigilance patriotique », s’est plaint de ne pas avoir été informé des contacts par le PDG d’Alstom alors qu’il lui posait la question. Le Président de la République a cru bon de recevoir le PDG de Général Electric. Ces gesticulations n’ont pas modifié les intentions. Elles ont tout juste permis à l’exécutif de chercher à faire croire que notre Etat providentiel avait obtenu des garanties du groupe américain pour le maintien de l’emploi et des sites, le développement de la recherche en France et le respect de la souveraineté française. Elles ont aussi permis de constater que le soutien de l’exécutif à une solution plus européenne avec Siemens était de peu de poids. On est habitué aux rodomontades de notre Ministre verbalement très productif : ni sur Mittal à Florange, ni sur SFR, ni sur Titan à Amiens, les effets de manche de notre avocat n’ont eu de résultat. A nouveau, c’est l’échec, qui témoigne de deux faiblesses : d’abord, l’appauvrissement de notre pays, qui n’a plus les moyens d’agir, ensuite l’ignorance totale de nos dirigeants sur la conduite des entreprises. Celles-ci ont besoin de secret. Quand l’État n’a plus de part dans leur capital, il n’y a aucune raison qu’elles affaiblissent leur stratégie par des considérations politiques, et encore moins qu’elles s’exposent à des manipulations médiatiques.

En 2004, Sarkozy avait tiré un avantage politique évident d’un premier sauvetage d’Alstom, en grande partie préparé par son prédécesseur à l’Économie, Francis Mer. La participation de l’État, le délestage de quelques activités avaient permis à l’entreprise de surmonter un endettement dangereux. La Commission européenne avait accepté le plan français en formulant des exigences. On a considéré que Sarkozy avait été un excellent avocat, mais cette affaire figure parmi celles qui ont persuadé les Français que l’Europe était un obstacle et non un levier. Deux ans plus tard, l’État revendait ses parts à Bouygues, qui aujourd’hui détenteur de près de 30% du capital, souhaiterait se retirer. A l’époque, une volonté politique claire de maintenir l’industrie nationale et de sauver les activités qui pouvaient s’intégrer dans une stratégie d’excellence de la France à l’international, avait été privilégiée. Aujourd’hui, l’exécutif affirme privilégier l’emploi, et l’Europe. Or, les activités redondantes de Siemens par rapport à Alstom conduiront nécessairement à la suppression d’un certain nombre de doublons. Cherchez l’erreur ! D’ailleurs, on ne le dira jamais assez, l’emploi est une conséquence de l’activité d’une entreprise, et non son objectif. Les pays qui ont musclé leur compétitivité n’ont pas fait du chômage la priorité, mais ils ont obtenu sa diminution comme une conséquence de réformes structurelles qui ont pu l’augmenter dans un premier temps. C’est ce qui s’est produit sous les gouvernements de Mme Thatcher au Royaume-Uni. Posséder une industrie performante, par la qualité de ses produits, l’avance de sa recherche, le choix de ses créneaux permet même de laisser au second plan le coût du travail. Les Allemands ou les Suisses en fournissent la démonstration. Le drame de notre pays est de voir régresser les activités où il était champion, tout en maintenant un coût du travail et une fiscalité d’entreprise peu compétitifs. Il est souvent nécessaire de préférer l’investissement à l’emploi, ce qui est le plus sûr moyen de préserver voire d’améliorer ce dernier à long terme et de manière globale. Ce choix que Sarkozy avait proclamé en 2008, après la crise, ne s’est pas traduit par une politique cohérente, sélective et efficace. C’est cet échec qui crée le sentiment que notre puissance industrielle est entraînée dans une spirale de déclin, et que l’État lui-même n’a plus les ressources nécessaires pour arrêter le processus. L’État participe au capital de Peugeot, mais aux côtés d’un partenaire chinois. L’État doit-il intervenir à nouveau dans un domaine stratégiquement peut-être plus important que l’automobile, celui de l’énergie ? Le discours de nos gouvernants actuels fait preuve d’un amateurisme angoissant. Ils ne paraissent rien y connaître, multiplient les contresens et surtout leur incompétence qui a galopé pendant deux ans a réduit les marges de manoeuvre du pays. Un pays obligé de se serrer la ceinture sous la surveillance de Bruxelles a-t-il les moyens d’investir pour sauver ses industries, ou leur conserver une identité nationale ?

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5 Comments

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  • jsg , 2 mai 2014 @ 17 h 37 min

    Boof, depuis l’énorme claque des rames du tunnel sous la manche où le choix “judicieux” s’est fait sur le matériel Allemand, dont les caracteristiques d’attelage des rames n’offrent pas les mêmes garanties de sécurité que notre TGV Alstom, on peut se poser des questions sur l’efficacité et des commerciaux de la boutique en question et de l’État Français !
    De plus, considérant le bouillon financier dans lequel semble surnager notre “fleuron national”, n’y aurait-il pas là-dedans une vente à perte des turbines hydro-électriques fournies par Alstom pour le barrage Chinois des sept gorges ? -entre-autres, bien entendu-
    Simple question, votre Honneur…. Merci de le l’avoir posée…
    Non sentiment, cette Europe dont on nous rebat les oreilles n’a pas été foutue de favoriser un rapprochement judicieux entre Siemens et Alstom, alors maintenant, la seule option pour l’honneur serait de refiler le bébé à CGE, car avec Siemens il n’y a rien a espérer ! (un simple exemple de bonne kollaboration : le système informatique différent concernant Airbus… et qui a provoqué un GROS MERDIER…. Ouaf,ouaf,ouaf….
    L’Europe, l’Europe, l’Europe…ça ne vous rappelle rien ?

  • pas dupe , 3 mai 2014 @ 19 h 51 min

    Ce qu’il faut voir. Voilà une société qui avait notamment comme objectif un marché avec la Russie. Il faut donc le casser, l’interdire ! Il faut fermer à la France le partenariat Russe !
    Il y Un éventuel marché TGV aux USA ! Il faut donc le contrer.

    Comment ????

    Alstom représente l’énergie. Donc l’amérique veut dominer le marché de l’énergie et interdire à la France toute possibilité d’évolution grâce à ce marché où elle est performante ! Cela risque de toucher le nucléaire. La force de dissuasion française est en danger !

    Alstom est un fournisseur de la SNCF française. C’est le fleuron de notre pays notamment pour les TGV qui sont construits à Belfort !

    Par ailleurs ce pays, USA, qui a refait l’Histoire de la seconde guerre pour se mettre en avant, a financé Hitler, tout en se déclarant neutre, et lui a fourni des camions, du matériel, des munitions, pour ses campagnes de guerre contre l’Europe ! Jusqu’à l’attaque du Japon.

    Les états-unis sont en retard question réseau ferroviaire et notamment TGV. Un appel d’offre ayant été lancé, ce pays a tout intérêt à s’approprier Alstom pour économiser quelques milliards sur le dos de la France ! Et ainsi installer à moindre coût des lignes TGV ! Sur ce marché, la Chine est concurrente ! Tout comme l’allemagne d’ailleurs.

    Il faut rappeler que ce pays a exigé de Guillaume Pépy la reconnaissance de la complicité de la SNCF dans la déportation de juifs !!!! Malgré un arrêt de la Cour de cassation qui stipule que sous Vichy, la France étant occupée et dominée par les allemands, elle ne pouvait refuser d’obéir ! Par ailleurs, les trains étaient allemands. Ce pays passant évidemment sur les actes héroïques des cheminots qui sont morts pour la France du fait de leurs sabotages ! Guillaume Pépy a trahi la France !!!!

    Comme les américains ne sont pas à un coup bas prêt, ils ont donc interdit à la SNCF toute possibilité de marché avec les états américains du fait des transports de juifs ; l’amérique se prétendant victime !

    Plusieurs états américains essaient par des lois d’attaquer la France en indemnisation. Ce qui expliquerait également le pourquoi du voyage de Hollande aux USA en février !

    “Des élus républicains et démocrates du Congrès américain ont déposé un nouveau projet de loi pour autoriser des poursuites contre la SNCF pour son rôle dans le transport des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale vers les camps de la mort.

    Un texte similaire avait été présenté il y a deux ans par les élus américains mais n’avait jamais abouti. Cette nouvelle mouture a été déposée mercredi soir par le sénateur Chuck Schumer et un groupe d’élus des deux bords. Si elle était approuvée, elle permettrait de contrer l’argument selon lequel la compagnie française ne peut être poursuivie aux Etats-Unis en raison d’une loi américaine qui lui garantit l’immunité en tant que société contrôlée par un Etat étranger.

    “Cela fait longtemps que les survivants et les parents de ceux qui ont péri tentent d’établir la responsabilité de la SNCF pour le rôle actif qu’elle a joué pendant l’Holocauste, mais jusqu’à présent la société a réussi à se draper dans l’immunité et à éviter ainsi toute procédure devant les tribunaux américains”, a expliqué M. Schumer dans un communiqué. Cette loi “permettrait aux survivants et aux parents (des victimes) de faire rendre des comptes à la compagnie ferroviaire française devant un tribunal pour avoir envoyé des milliers de personnes à la mort durant la Seconde Guerre mondiale”, poursuit-il.

    S’il est adopté, le texte doit être envoyé au président Barack Obama pour promulgation. En 2011, le président de la SNCF Guillaume Pepy avait reconnu les responsabilités de l’entreprise, qui fut “un rouage de la machine nazie d’extermination”. Mais la compagnie note aussi que 2.000 cheminots ont été exécutés par l’occupant nazi.

    Réquisitionnée par l’Etat Français de Vichy à la demande des autorités d’occupation allemandes, la SNCF a transporté 76.000 juifs deFrance dans des wagons de marchandises à travers le pays et vers les camps d’extermination entre 1942 et 1944. La SNCF est actuellement à la recherche de contrats pour la construction de lignes à grande vitesse aux Etats-Unis.”
    http://www.france-amerique.com/articles/2013/08/02/projet_de_loi_au_congres_americain_visant_la_sncf_pour_son_role_dans_la_shoah.html

  • pas dupe , 3 mai 2014 @ 20 h 00 min

    L’Histoire comme la loi Gayssot a bon dos notamment lorsqu’il s’agit de piller des pays qu’il est aisé d’accuser constamment et alors que l’amérique a fait main basse sur les scientifiques nazis qui lui semblaient intéressants pour sa politique de domination du monde !!!!!!!! de l’après guerre !

    “Paris et Washington ont entamé des négociations sur d’éventuelles indemnisations des familles des victimes américaines de l’holocauste transportées par la SNCF entre 1942 et 1944, dossier sensible qui menace de priver le groupe ferroviaire français de contrats aux Etats-Unis.

    Après plusieurs rencontres informelles en 2013, des diplomates des deux pays ont entamé ces négociations le 6 février à Paris, ont indiqué vendredi à l’AFP l’avocat des familles des victimes, Stuart Eizenstat et l’ambassade de France à Washington, confirmant une information du Washington Post.

    Refusant de divulguer le contenu des discussions, M. Eizenstat, qui est également conseiller du secrétaire d’Etat américain John Kerry sur les questions d’holocauste, a tenu à rendre hommage au gouvernement français ‘qui, plus de sept décennies après la fin de la Seconde Guerre mondiale, a initié une démarche visant à (…) rendre justice aux Américains déportés vers des camps de concentration par la SNCF”.

    Cet avocat, qui a déjà obtenu des compensations pour des victimes de la Shoah en Allemagne, en Autriche et en Suisse, a juste précisé que les deux parties “étaient en train de définir le nombre” de victimes concernées.

    Réquisitionnée par le régime de Vichy, la SNCF, entreprise publique, a déporté au total 76.000 Juifs dans des wagons de marchandises à travers le pays et vers les camps d’extermination entre 1942 et 1944. Environ 3.000 d’entre eux seulement ont survécu.

    En 2011, le groupe avait reconnu avoir été un “rouage de la machine nazie d’extermination”.
    http://www.i24news.tv/fr/actu/international/140222-la-sncf-pourrait-dedommager-les-victimes-americaines-de-la-shoah

  • pas dupe , 3 mai 2014 @ 20 h 19 min

    Rappel historique :

    “Quelques chiffres :

    – 8.938 cheminots ont été tués sous l’Occupation,
    – 15.977 blessés pour faits de résistance,
    – 2.480 déportés et quelques dont 1.157 sont morts dans les camps nazis.

    Selon la CGT 6.500 cheminots de la Reichsbahn avaient été détachés dès 1940, et beaucoup plus après, dans la cadre de la politique de collaboration.

    Deux lois d’époque, qui témoignent de la vitalité de la Résistance.

    La première est la loi n° 4336 du 28 octobre 1941 (JO du 29 novembre 1941, page 5140), portant création d’un service de « garde des communications ». Déjà, la Résistance marquait des points sérieux dans la bataille des ponts et des chemins de fer, alors qu’en juin1941 avait eu lieu le tournant de la guerre, par l’ouverture des hostilités entre l’Allemagne et l’URSS.

    Le dispositif était un aveu, même s’il restait modeste : c’était la création d’un corps de sécurité.

    « Art. 1°. – Il est constitué un « corps des gardes des communications » dont les détachements, stationnés en différents points du territoire, ont pour mission essentielle d’assurer la surveillance des ouvrages d’art des voies de communication et des installations s’y rattachant directement, et pour mission accessoire d’assurer, éventuellement, la surveillance dans les trains et dans les gares, dans leur zone d’action, ou en renfort des détachements voisins ».

    La loi restera inefficace. La direction des services de l’armistice a recensé, pour la période allant de janvier 1942 à juillet 1944, 13 998 attentats et sabotages dirigés contre les occupants. Parmi eux, 43 % visaient les moyens de communication, dont essentiellement les équipements ferroviaires. La moyenne mensuelle passera de 72 début 1942, à 584 sur le second semestre 1943, et 1237 jusqu’en juillet 1944 (Dictionnaire historique de la Résistance, Robert Laffont, 2006, p. 693).

    Le phénomène s’amplifiant, il fallut procéder à l’armement de ces forces de l’ordre, avec la loi n° 646 du 23 novembre 1943 (JO 11 décembre 1943, p. 3166).

    « Art. 1°. – Dans l’exécution de son service, le personnel du corps des gardes des communications doit faire usage de ses armes :

    « 1° Lorsque, se trouvant en présence de bandes ou d’individus armés, il est, de ce seul fait, en état de légitime défense ;

    « 2° Dans tous les cas où l’usage des armes est nécessaire à l’exécution de sa mission ».

    Donc, monsieur Guillaume Pépy pourrait récupérer les marchés en vantant l’âme résistante de la France, et ce dès les premiers temps de l’Occupation, ce qui aurait de l’allure, mais il préfère vendre l’âme de cette grande entreprise aux intégristes californiens.

    L’histoire est tragique…”
    http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/archive/2010/11/13/deportation-les-excuses-marchandes-de-la-sncf.html

  • Psyché , 4 mai 2014 @ 13 h 05 min

    Voici un lien avec une video intéressante qui renforce la démonstration de pas dupe :

    http://www.upr.fr/actualite/france/le-vol-est-parfait-lindustrie-francaise-strategique-est-en-train-de-nous-etre-volee
    Vous apprécierez la déclaration de Mitterrand telle que exprimée à la fin de la vidéo ..

    Mon idée est que Sarko s’est opposé au rapprochement d’Alstom avec Siemens car Alstom était déjà visé par les américains …

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