Holà ! Un peu de sérieux !
L’heure est grave !
C’est souvent dans les alcôves que se joue l’avenir, l’avez-vous remarqué ? Je sais, neuf mois plus tard.
Je veux dire, l’avenir politique.
Si vous ne le croyez pas, lisez le truculent ouvrage de Guy Breton, Histoires d’amour de l’histoire de France. Publiées entre 1954 et 1965.
Je sais, ça ne nous rajeunit pas.
Mais ça donne à réfléchir. D’où la digression qui suit (si vous vous perdez, appelez-moi – Guatemala, indicatif 507).
« Il croit ce qu’il dit ? »
Christian Beulac, alors (1978) ministre de l’Éducation nationale, était interrogé à propos de l’école unique. Question : beaucoup de parents se demandent si c’est une formule heureuse de mettre ensemble les bons et les mauvais élèves. Réponse du ministre : “pour moi, il n’y a pas de bons ou de mauvais élèves, il n’y a que des élèves tout court”.
Alain de Benoist* rapporte ce propos au professeur Debray-Ritzen qui répond après un long silence : “À votre avis, il croit ce qu’il dit ?”
Soit le ministre était un imbécile – ce qui n’est pas à exclure -, soit il ne l’était pas (il est d’ailleurs revenu sur ce thème, de façon plus réaliste). Néanmoins, il s’est cru obligé de réciter machinalement son credo à l’usage des crétins, un credo auquel il ne croyait pas. Un rite compulsif parmi tant d’autres.
Ce credo, c’est bien sûr celui de l’égalité.
Que l’égalité telle qu’on l’entend aujourd’hui soit un mythe –mythe nécessaire, c’est une autre affaire -, voilà qui n’est plus à démontrer.
Différence, donc inégalité des talents, entre les hommes et les femmes, entre les individus, entre les groupes humains, le simple bon sens le suggère, et la science le confirme.
Mais l’idée d’inégalité fait peur. L’idée de supériorité ou d’infériorité effarouche. Elle révolte.
Elle n’intimide que les esprits faibles.
Il y a tant de façons d’être “égal” !
Il faudra y revenir.
Binôme gouvernants/gouvernés
Pourquoi la démocratie impossible ? Ou plutôt pourquoi l’est-elle devenue ?
L’homme a toujours vécu dans des formes d’association, de plus en plus complexes, mais qui peuvent se réduire au binôme gouvernants/gouvernés.
Certes, différents types de hiérarchies s’entrecroisent, collaborent, se combattent. Il n’en reste pas moins qu’une seule, aujourd’hui, surmonte (théoriquement) les autres, celle du pouvoir politique.
Sans entrer dans les détails où le diable se niche, elle seule détient le monopole de la force (celle d’imposer) et ce monopole repose sur la légitimité. Sans légitimité, la force devient arbitraire, et c’est bien ce qui se produit de nos jours.
Un mot sur la force, avant de parler de la légitimité. Il ne s’agit bien sûr pas que de la force sous sa forme violente, mais aussi et surtout de la force de persuasion, à laquelle les médias français, trahissant leur rôle, prêtent si joyeusement la main. Les bobards d’or 2014 ne sont malheureusement que la partie émergée de l’iceberg.
La légitimité autorise l’emploi de la force, de quelque type qu’elle soit. S’agissant de la légitimité du pouvoir politique, inutile d’insister sur deux aspects abondamment dépeints par ce que les enfants de soixante-huit, experts en formules incapacitantes, nomment la réacosphère.
Premier aspect, la médiocrité patente de nos dirigeants, qui avec Hollande bat de nouveaux records.
Second aspect, l’illégitimité de places conquises par le clientélisme.
Mettons cela de côté, et creusons plus profond, au risque de vous perdre de vue. C’est aux racines même de l’idée démocratique que se trouve la cause essentielle de la crise de légitimité.
Gouvernants/gouvernés. L’existence de ces deux classes a pu être soutenue par le droit divin. Cela a été le cas, sous une forme ou une autre, depuis l’aube des civilisations.
Le retrait, ici et maintenant, des croyances religieuses, a laissé la place à d’autres croyances. Un drapeau, un messianisme historique, une race élue, faisaient du chef l’interprète inspiré d’un devenir collectif. Sa lucidité supérieure en imposait.
L’exercice démocratique n’est possible que s’il existe, plus ou moins, une reconnaissance implicite, chez les gouvernés, d’une supériorité quelconque sur le commun, supériorité qu’on admet comme méritée.
Une inconscience himalayenne
L’idée égalitaire, malheureusement si vivace aujourd’hui, ne peut qu’interroger cette supériorité autrefois admise comme allant de soi ; cela d’autant plus que les dirigeants, par leur comportement, prêtent le flanc à la critique.
Il faut une inconscience himalayenne pour ne pas comprendre que lorsque la légitimité née de la compétence s’effrite, il reste au moins au gouvernant un ultime atout, la dignité ; que même en cas d’échec patent, il reste encore une marche a descendre pour se mettre au niveau du commun. Les scènes conjugales de l’homme de la rue s’accompagnent parfois de vaisselle cassée. Quand ça se passe chez son voisin à Kremlin-Bicêtre, il rigole, l’homme de la rue. “Voilà encore mémère, ou pépère, qui prend sa trempe !” Quand les bruits de vaisselle (de Sèvres) viennent de l’Élysée, même si c’est une rumeur, il rigole encore plus, jusqu’au moment où il se demande qui va payer.
Il faudrait moins rigoler, et se dire que là, pour le coup, il ne reste rien. Que la démocratie est morte.
D’un dirigeant qui peut et doit se considérer ès fonctions comme « au-dessus » mais qui par ses actes se rabaisse à un niveau d’indécence qui peut être celui de monsieur tout le monde, scènes de ménage incluses ; de ministres qui s’empêtrent dans des mensonges contradictoires, que peut-on dire ?
D’un président qui ne peut que (feindre de) croire a l’égalité, que cette supposée égalité repose sur le mérite, et qui se conduit d’une manière indigne de sa fonction, qu’en conclure ?
J’en conclue qu’il ne croit pas au credo qu’il professe, celui de l’égalité. Soit le mérite est le nécessaire contrepoids de l’idée d’égalité (idée fausse, je le soutiens), auquel cas l’idée d’égalité est (difficilement) défendable, soit on biffe l’idée de mérite, et le concept d’égalité s’écroule.
Ils y croient, à ce qu’ils disent ?
L’exemple Hollande et de sa croquignolesque équipe, fût-elle remaniée, n’est bien sûr pas unique. Ils pullulent, les petits marquis de la république. Croient-ils à l’égalité ? La pratiquent-ils, cette foi, même sous la seule forme qu’elle devrait connaître, l’égalité devant la loi ?
Évidemment non !
C’est ce que j’ai appelé le secret des dieux : feindre de croire en une religion à laquelle on n’obéit pas, comme le boiteux à qui Napoléon demandait de faire semblant, au moins.
Au fond de lui-même, un dirigeant se pense comme d’une catégorie supérieure. Je le pense aussi, encore faut-il qu’il montre qu’il est digne d’être élevé au-dessus du commun.
À partir du moment où ses actes contredisent les principes auxquels il doit sa position, ce n’est qu’un hypocrite, qui nous demande de nous agenouiller devant une idole qu’il ne révère qu’en tant qu’utilité, ad usum populi.
L’idée d’égalité est sapée par les actes de ceux-la même qui en vivent.
Je sais, il faut bien gagner sa croûte, comme vous et moi. Moins bien, plus ? Oui, un peu plus.
Reste la grande question. La démocratie peut-elle faire l’économie de l’idée égalitaire, quand celle-ci, se heurtant au réel, a dégénéré en égalitarisme (rendre égal, par la contrainte, ce qui ne l’est pas naturellement).
Cette question doit être posée, puisque très vite il n’y aura plus personne pour y croire, qu’il s’agisse des grands pontifes de la religion égalitaire, ou de l’homme de la rue – pour la femme, chez qui le poncif égalitaire sert encore de vade mecum, cela prendra sans doute un peu plus de temps !
Oui, les talents et les caractères sont différents, et inégaux. Et bien davantage de façon innée qu’en fonction du milieu.
Il faudra faire avec.
*Au Temps des Idéologies à la Mode, éditions Copernic
> René-Pierre Samary anime un blog
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