Derrière le «mariage pour tous», le ressentiment

Tribune libre de Jean-Michel Castaing*

Le projet de loi « mariage pour tous » est porté par l’idéologie du gender. Celle-ci tente d’accréditer l’idée selon laquelle la différence sexuelle homme-femme relève de l’ordre purement biologique, et ne touche pas l’identité profonde des personnes. Ainsi le corps est a priori insignifiant pour ce qui regarde l’orientation sexuelle (hétéro, homo, bi, trans, etc) que chacun souhaite prendre. Le sexe de la personne ne serait pas déterminant en cette matière. La subjectivité de l’individu déciderait au contraire de tout, même si son choix est déconnecté de la corporéité de l’intéressé.

Je voudrais souligner ici que cette idéologie du gender, qui agit en sous-main dans cette bataille législative, est elle-même dirigée par une tendance lourde de la pensée de la modernité, dont elle ne représente qu’un avatar, un rejeton. De quoi le « mariage pour tous » est-il le signe en effet? Tout simplement d’une révolte contre l’ordre naturel. Mais les mots sont souvent piégés et demandent parfois à être décryptés. Les tenants d’une sexualité affranchie de la différence sexuelle biologique légitiment leurs revendications en agitant l’épouvantail de « l’ordre naturel » et de son supposé déterminisme liberticide, de la même façon que jadis on exhibait le chiffon rouge du « retour de l’ordre moral » chaque fois que le bon sens voulait s’immiscer dans les débats. Comme si la liberté ne pouvait se gagner que sur le cadavre de cet ordre naturel, sur son démembrement, sa déconstruction. La loi naturelle, voilà désormais le nouvel ennemi, maintenant que le règne de l’argent est définitivement entériné ! Le libéralisme a triomphé ! Mais il reste encore à aider son supplétif à venir le rejoindre sur l’estrade : le libertairisme.

Cependant, ne restons pas dupes des slogans (« l’existence précède l’essence » de Sartre), des mots d’ordre mobilisateurs. Derrière cette volonté d’affranchir l’humanité des contraintes de la nature, au besoin par la force de la loi (par exemple en exigeant que les garçons s’accroupissent pour uriner – il est grand temps de mettre un terme à ce privilège exorbitant de la station debout en ce domaine !), se dissimulent des sentiments moins avouables. Ce n’est pas seulement dame Nature à qui les thuriféraires du mariage gay désirent régler son compte, mais surtout à Celui qui symbolise l’hétéronomie, c’est à dire cette loi qu’on ne choisit pas préalablement, qui nous précède. C’est l’Être transcendant, Dieu, qui est visé, consciemment ou non. Lui qui a inscrit dans nos corps cette différenciation sexuelle et qui voudrait, dans la foulée, nous inculquer les standards culturels qui l’accompagnent, comme donner aux garçons des repères éducatifs masculins et aux filles des repères éducatifs féminins !

“Avec le « mariage pour tous », l’homme du ressentiment tient l’occasion de prendre sa revanche, de régler ses comptes avec Dieu, le concurrent déloyal qui a profité d’être là avant lui, et de sa force supérieure, pour imposer sa loi.”

La liberté illimitée tant revendiquée par l’âge moderne supporte difficilement toute donnée de nature, et plus encore qu’un législateur suprême (s’il existe !) ait inscrit dans nos corps une grammaire pour nos identités. Mais ce ressentiment, comme je l’ai dit, va infiniment au-delà de la problématique portée par le gender. Il a partie liée à une révolte métaphysique. L’homme post-moderne n’est prêt à accepter aucun autre créateur que lui-même. De même que la plupart des organisations humaines s’accommodent mal d’une direction bicéphale, de même le monde selon lui ne saurait avoir deux maîtres. C’est Dieu ou l’homme. En ce domaine, la synergie n’est plus de mise de nos jours, et encore moins la subsidiarité.

L’individu post-démocratique ne se remet toujours pas de ne pas avoir été à l’origine de l’univers. Qu’un autre l’ait devancé lui reste en travers de la gorge. On n’agit pas ainsi avec les gens ! Il aurait pu nous consulter au préalable ! Prendre conseil auprès de nous ! Les choses auraient tellement mieux tourné ! Heureusement, avec le « mariage pour tous », l’homme du ressentiment tient l’occasion de prendre sa revanche, de régler ses comptes avec le concurrent déloyal qui a profité d’être là avant lui, et de sa force supérieure, pour imposer sa loi. Ainsi, sous le paravent d’une soi-disant lutte contre toutes les discriminations, s’est engagé une révolte métaphysique d’autant plus implacable que ces acteurs n’en ont pas toujours conscience. Rien d’étonnant à cela : les plus puissants sentiments agissent souvent à l’insu de ceux qui les nourrissent. S’ils affleuraient à leur conscience, ils risqueraient en effet d’effrayer les plus timorés de la conjuration, et risqueraient de la faire capoter. Le gender n’est que la position la plus avancée d’un courant de pensée plus redoutable auquel il sert de leurre, et derrière lequel cette révolte métaphysique s’avance masquée.

Vérifier la pertinence de cette grille de lecture ne devrait pas prendre trop de temps, une fois l’hypothèse de travail acceptée. Les non-dits sont souvent plus déterminants, dans le genre d’affaire comme celle du « mariage pour tous », que les arguments avancés dans l’arène médiatique. J’ajoute que ce non-dit est d’autant plus prégnant qu’il est de bon ton, parmi les tenants les plus durs de cette révolution anthropologique, de se revendiquer athée. Mais cet athéisme de façade n’enlève rien au bien-fondé des motifs analysés ici. Il s’agit bien d’un ressentiment envers le Créateur, même si le politiquement correct et le conformisme idéologique lui dénient l’existence, ou le droit à l’existence dans l’espace public. De plus, le monde où nous vivons présente une dimension festive et bon enfant un peu trop appuyée pour ne pas en devenir suspecte. Les coulisses de ce projet de loi réservent des surprises moins ragoûtantes.

*Jean-Michel Castaing est l’auteur de 48 objections à la foi chrétienne et 48 réponses qui les réfutent aux Éditions Salvator.

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37 Comments

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  • Eric Martin , 4 avril 2013 @ 16 h 32 min

    Peut-être parce qu’ils ne vont pas dans le sens de la confusion des sexes prônée par la théorie du genre ?

  • jejomau , 4 avril 2013 @ 19 h 46 min

    Le vendredi 05/04 Erwann Binet sera à l’Université Tréfilerie de Saint-Etienne dans la Loire vers 17h00′

    Venez nombreux l’encourager dans son délire !

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