Deux exemples tout frais, tout chauds : un lycéen poignardé dans l’Est parisien, six musulmans tués dans une mosquée de Québec. Deux crimes qui, du fait de leur éloignement géographique, n’ont apparemment pas d’autre lien que leur concomitance, leur quasi contemporanéité. Voire !
Quand les annonces de ces sanglants forfaits tombent, annonces brutes, encore dépourvues de tous détails précis en éclairant le contexte et les circonstances, celui qui les apprend par la radio ou les découvre sur Internet s’interroge et se livre dans son coin à des conjectures : Qui ? Pourquoi ? Comment ? Demeurant dans l’expectative, il essaie d’interpréter les silences et les non-dits médiatiques, les évitements et les précautions plus ou moins acrobatiques auxquels se livrent journaux et sites Internet.
Pour le lycéen de 17 ans poignardé, l’observateur attentif de l’actualité en arrive assez vite à deviner (bien que les différents moyens d’information se soient bien gardés de nous fournir ce détail pourtant pas du tout anodin) que le malheureux était d’origine africaine et, en cherchant mieux, qu’il s’appelle Madiara. Alors, notre Sherlock Holmes poursuit sa réflexion, passe en revue toutes les hypothèses et, inévitablement, envisage celle d’un acte raciste. Mais sur ce plan, il est assez vite rassuré : si cela avait été le cas, le crime serait vite venu occuper la une des médias, lesquels, avec un empressement gourmand, n’auraient pas manqué de s’en emparer pour le monter en épingle et lui donner un retentissement majeur.
Alors, il en arrive, mais tout seul comme un grand, par simple déduction logique, en lisant entre les lignes de nos médias devenus soudain très discrets et fort pudiques, à la conclusion qui s’impose : les meurtriers sont d’autres jeunes Africains, ce que personne ne dit, pas même le Quotidien ou le JIR ! Entre temps, ce « grave incident », s’est d’ailleurs rapidement trouvé relégué à la dernière page des journaux et des bulletins d’information, comme si l’on était pressé de le mettre sous le boisseau. Le fait que l’on puisse ainsi assister à l’ensauvagement progressif de certains quartiers parisiens livrés à des sortes de guerres tribales, ne mériterait-il pas pourtant plus de considération et ne devrait-il pas interpeller de façon plus marquée nos si vigilants sectateurs du « vivre-ensemble » ?
Pour ce qui est du massacre perpétré dans la mosquée canadienne, après un moment de flottement lié au fait que dans un premier temps l’on a pu croire qu’il y avait deux tireurs, un Arabe et un « canadien de souche », les gens des médias et les hommes politiques locaux se sont d’abord montré fort circonspects dans leurs commentaires. Il semblerait que l’Arabe un moment soupçonné dût désormais être exonéré de toute participation à l’attentat. Il ne reste donc plus comme coupable possible que le « de souche », un dénommé Alexandre Bissonnette, étudiant de 27 ans, lequel saisi par le remords, semble-t-il, quelques minutes à peine après son forfait, s’est lui-même livré spontanément à la police… Alors, très perceptible soulagement général : le coupable est un Blanc, et un canadien de souche…
On aurait pu en rester à ce simple constat, se contenter de parler, à propos de l’assassin d’individu dérangé, psychologiquement perturbé, comme cela avait été fait lors de différents attentats islamistes perpétrés ici et là par des musulmans en 2014. Mais pas du tout puisque, dans chaque bulletin d’information, on s’empresse maintenant de répéter haut et fort que l’assassin est « un admirateur de Marine Le Pen, de Donald Trump, du parti séparatiste québécois ou encore de l’armée de défense d’Israël ». Comme si mettre en avant l’idéologie « identitaire » dont se réclamerait ce garçon, permettait d’expliquer son geste insensé. Et comme si, à travers lui, on aurait impunément le droit d’incriminer Marine Le Pen ou Donald Trump ou quiconque celui-ci aurait déclaré apprécier… N’y aurait-il pas là un raccourci un peu trop facile et ne serait-ce pas le moment de ressortir le fameux « Pas d’amalgame ! », cette injonction naguère psalmodiée sur tous les tons comme un mantra sacré par toutes nos autruches antiracistes, dans le but de circonvenir le bon peuple et de tâcher de prévenir les légitimes réactions de colère à l’égard des musulmans qui auraient pu finir par s’emparer de celui-ci ?
Je me souviens qu’il y a quelques années, le 26 mars 2002, un certain Richard Durn avait ouvert le feu sur le conseil municipal de Nanterre. Avant d’être maîtrisé, il avait eu le temps de tuer huit élus et d’en blesser dix-neuf autres (dont quatorze grièvement). Deux jours plus tard, il se suicidait dans les locaux de la brigade criminelle. Sur les affiliations politiques de Richard Durn, qui militait chez les Verts, était un ancien adhérent du P.S. et le trésorier en exercice de la section nanterroise de la Ligue des Droits de l’Homme, on a été à l’époque plutôt discret. Surtout je ne me souviens pas qu’aucun média, même de droite, se soit alors permis d’établir une corrélation, même ténue, entre les engagements politiques qui étaient ceux de l’assassin et la folle démarche meurtrière dans laquelle il s’était lancé. Personne alors n’avait osé incriminer les Verts, le PS ou la LDDH et personne n’avait cherché à leur attribuer la responsabilité du massacre.
Mais ce qui vaut apparemment pour certains assassins ne vaut pas pour d’autres et certains publicistes ne peuvent visiblement s’empêcher d’assaisonner l’information de façon à ce qu’elle puisse servir aux mieux les intérêts bassement propagandistes que prioritairement ils poursuivent.
André Pouchet
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