En ligne le 31 décembre, le quotidien supposé de référence Le Monde publiait un panorama de ce que les rédacteurs et/ou les maquettistes du journal considèrent comme trois réformes à hauts risques[1].
De son côté, présentant de manière pathétique la situation, Le Figaro du 2 janvier s’interroge gravement pour déterminer si oui ou non M. Macron pourra poursuivre ses réformes. Car ni l’un ni l’autre des deux organes de presse n’en doute, il s’agit de l’action de “l’exécutif” lequel “se penchera sur l’assurance-chômage, la réforme de l’État et la révision de la loi de 1905″[2].
Le débat quant au vocabulaire utilisé ne doit pas être sous-estimé. On pourrait presque le tenir pour central dans la crise qui affecte l’État central demeuré jacobin depuis le XIXe siècle. On le résumait de manière ironique autrefois en constatant que ce pays adore les révolutions tout en détestant les réformes.
Tout pourrait se situer, au départ, dans ce dilemme, sachant que l’on accepte de considérer comme réforme toute décision de l’exécutif publiée au journal officiel. Le mot ne veut plus rien dire, et les commentateurs agréés eux-mêmes contribuent à rendre plus opaques, ou simplement dérisoires, les dispositions légales en les attribuant au gouvernement, chargé par la constitution de les appliquer mais non de les concevoir. Cette violation de l’esprit des lois, constante depuis 1958, aboutit à des textes de rédaction administrative dans une proportion de 99 %, répartis de plus, depuis le marchandage opéré à Maastricht en 1991, entre deux capitales rivales en technocratie, Paris et Bruxelles.
De ce premier point de vue, un rétablissement de la représentation nationale, et de celle des peuples, paraît l’urgence fondamentale.
D’un autre côté on s’interrogera, non plus sur le sujet – qui légifère ? – mais sur l’objet : sur quoi porteront les décisions nécessaires.
Le petit inventaire du Monde nous indique à sa manière où nous en avons été conduits par les communicateurs d’un candidat présenté en 2017 comme le réformateur n° 1, au gré d’un livre qu’on osa intituler “Révolution”. Ses dupes d’alors peuvent l’avouer aujourd’hui. Ceux qui s’en disaient convaincus, ceux qui parfois l’avaient acheté et placé sur leurs tables de nuit ne pouvaient pas vraiment l’avoir lu. L’auteur, révolutionnaire d’opérette, se laisse deux ans plus tard surprendre en villégiature de bon goût à Saint-Tropez. Voilà où mène le recours à des professionnels du conseil. Abusant du franglais, ils confondent le mot français peuple et son faux ami américain people.
Si donc on s’en tient aux projets de la nomenclature précitée on a renoncé en haut lieu, dès 2018, aux grands chantiers promis. On a différé la question des retraites. On a donné verbalement raison aux contestataires. Tout ceci pour s’acheminer vers quelques débats putrides, dont ceux, d’une part, de l’assurance chômage, inextricable puisque les syndicats n’en veulent pas, et, d’autre part, de ce qu’on appelle toilettage de la loi de séparation de 1905.
Sur la transformation envisagée des pratiques laïques nous serons vite amenés à tirer encore plus fort sur la sonnette d’alarme. On se propose de violer deux principes essentiels du texte législatif. Accouché dans la douleur, il a été curieusement incrusté dans la doctrine constitutionnelle depuis le préambule de 1946, qualifiant la France de république laïque. Cet État avait décidé de ne plus salarier aucun culte. Il se propose désormais de subventionner l’islam. Il ne reconnaît en principe aucune des trois religions implantées en France depuis des siècles. Mais il ambitionne d’organiser, d’administrer et de former cette prédication communautaire qui, en théorie du moins, ne veut ni clergé ni frontière et ne se revendique que d’une seule langue, qui n’est pas la nôtre.
Rien de tous ces projets à court ou moyen terme ne viendra ni du peuple français dans son ensemble, ni de nos syndicats subventionnaires et sclérosés, encore moins de notre administration de plus en plus tentaculaire et paralysante.
La renaissance du pays, de ses libertés professionnelles et régionales, ne s’inscrit toujours pas à l’ordre du jour de cette confusion entre réformes impossibles et révolutions infructueuses. Telle demeure cependant l’urgence pour guérir la grande pitié de ce malheureux royaume.
> Jean-Gilles Malliarakis anime le blog L’Insolent.
Apostilles
[1] cf. “Au premier trimestre 2019, trois réformes à hauts risques” par Benoît Floc’h, Cécile Chambraud et Sarah Belouezzane.
[2] cf. sous-titre de l’article précité du Monde.