Tribune libre de Christian Vanneste*
Crédit et confiance sont les deux piliers de notre système. La démocratie repose sur la confiance dans un État de droit qui sauvegarde les libertés individuelles et sur le crédit que le peuple accorde aux hommes à qui il confie le pouvoir, lesquels se doivent d’être fidèles à leurs engagements et aux principes qui garantissent le bon fonctionnement du système. De même, l’économie libérale a besoin du crédit et celui-ci n’est accordé qu’en rapport avec la confiance qu’inspirent des activités et les hommes qui s’y investissent. On le voit, ces deux piliers n’en sont qu’un : démocratie et capitalisme ont un même moteur qui est la confiance. Les agences de notation et les sondages ponctuent les évolutions de celle-ci. Le droit et la justice encadrent le marché et le pouvoir politique, en définissent les termes et en sanctionnent les défaillances. Toutefois, l’essence du système n’est pas juridique, mais morale. Elle exige une certaine qualité d’hommes et une éthique rigoureuse qui doit les animer. L’évolution actuelle de la France tourne résolument le dos à cet impératif et nous mène à une catastrophe dont on ne mesure pas encore l’ampleur.
L’actualité nous fournit, hélas, de nombreux exemples. Il y a quelques jours, le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg, après avoir brandi la menace de la nationalisation, annonçait lors de la séance des questions au gouvernement l’arrivée d’un investisseur à hauteur de 400 millions d’euros. On apprend aujourd’hui que cette annonce était dénuée de tout fondement. Arcelor-Mittal demeure propriétaire du site. Il continuera, comme il l’avait prévu, d’en utiliser la filière froide et se contentera de maintenir les hauts fourneaux en état de fonctionnement. Le gouvernement présente cette information comme une grande victoire dans la mesure où il n’est plus question de plan social, mais d’un investissement de 180 millions sur de site de la part du groupe et d’une éventuelle implantation du projet écolo-sidérurgique ULCOS à Florange, avec un financement européen. Les ouvriers sont déçus et on les comprend, car le pouvoir les « balade » comme a lâché l’un d’eux. En effet, le Premier ministre dissimule trois choses : d’abord, l’absence de plan social ne va pas maintenir l’emploi. Celui-ci va être réduit plus discrètement par le non-remplacement des retraités et les départs anticipés volontaires. Ensuite, l’État participera à hauteur de 160 millions. Dans la situation actuelle de nos finances, une mesure de cet ordre n’est évidemment pas opportune et en tout cas, pas généralisable. Il s’agit donc de communication politique et non d’économie. Enfin, la promesse précédente de 330 millions faite par le groupe en 2008 n’a pas été tenue. On peut donc être sceptique sur l’actuelle. Mais surtout, un ministre, après avoir brandi une menace à la fois dangereuse et vide de sens à l’encontre de tout un groupe qui emploie 20 000 personnes dans notre pays a fait une annonce totalement fallacieuse en répondant à un parlementaire dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Non seulement il a joué de manière scandaleusement cynique avec les espérances des sidérurgistes lorrains et de leurs familles, mais encore il s’est moqué de la représentation nationale. Certes, l’image que donne celle-ci n’est guère reluisante, mais il y a toujours une limite à ne pas franchir. Arnaud Montebourg vient de la transgresser. Un ministre de la République n’est là, ni pour faire parler de ses liaisons dans la presse people, ni pour faite de la pub en T-shirt à la une des magazines, ni surtout pour dire n’importe quoi au Parlement. Tant de légèreté mêlée à tant d’inefficacité devraient conduire l’opposition, si elle se donnait le temps de remplir sa mission, à exiger sa démission immédiate.
“Les Français confient leur destin collectif à des mafias. Lorsque les « capi » discutent, c’est le Beretta sous la table, c’est à qui va rouler l’autre et si ça ne s’arrange pas, on doit faire appel au parrain pour régler le problème.”
Malheureusement, l’opposition offre un visage qui n’est pas de nature à restaurer la confiance. Lorsque l’un des deux partis qui prétendent assurer en alternance la responsabilité du gouvernement après un scrutin qui aura témoigné du crédit que les électeurs lui apportent, n’est même pas capable d’organiser ses élections internes sans qu’elles soient truffées de tricheries, c’est le système tout entier qui devient suspect à travers ceux qui l’incarnent. Le fait que l’autre parti a été accusé des mêmes turpitudes n’a rien de rassurant. L’absence totale de confiance entre les protagonistes de l’UMP ne laisse que trop apparaître la triste vérité révélée par l’un d’eux : les Français confient leur destin collectif à des mafias. Lorsque les « capi » discutent, c’est le Beretta sous la table, c’est à qui va rouler l’autre et si ça ne s’arrange pas, on doit faire appel au parrain pour régler le problème, éventuellement, comme le Raminagrobis de La Fontaine qui mit les plaideurs d’accord en les croquant l’un et l’autre. Cela dit, quand le pouvoir ne s’obtient plus que par la trahison et par la rouerie, celles de Chirac en 1974 puis en 1976, celles de Sarkozy et de Balladur en 1995 et que la maxime suivant laquelle les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent se susurre d’un air entendu comme le code même du système, que les mésaventures des jouisseurs de l’État à New York, à Marrakech ou ailleurs rappellent périodiquement aux Français quels sont les passe-temps privilégiés de ceux qui sont en charge du Bien Commun, la gangrène venue par l’exemple d’en haut envahit tout le tissu social, et d’autant plus facilement que ceux qui nous dirigent auront écarté tous ceux qui ne leur ressemblent pas.
L’Europe est malade, malade de l’effondrement d’un crédit dont ses dirigeants ont pour beaucoup fait un usage démagogique. Peu de pays sont atteints, malgré les apparences, aussi profondément que le nôtre. L’Italie elle-même sait, quand il le faut, procéder au coup de balai salutaire. En France, c’est le Kärcher qui serait nécessaire, mais j’ai comme l’idée qu’il faudrait en inverser la direction.
*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.
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