par Hélène Julien*
Croire qu’il y a deux semaines, les divisions internes entre catholiques n’existaient pas, serait pur angélisme.
Et pourtant, les passions se sont tant échauffées ces derniers jours, qu’il apparaît indispensable de rétablir les faits, concernant la fameuse pièce de Castulleci.
De tous temps, l’Eglise a protégé les hommes des philosophies, théologies fausses, idéologies ou concepts, tendant à instrumentaliser leur souffrance, ou leur soif d’absolu. On rirait aujourd’hui de voir Molière interdit, ou Baudelaire interdit de lecture.
Et pourtant. Ces idées restent des germes, semés même en toute bonne foi : le communisme, la théologie de la Libération selon Chavez, ces idéologies se dorent d’un reflet agréable, à l’homme désireux d’empathie, et soucieux de son prochain. Des millions de mort pour l’une, et un totalitarisme aveugle pour l’autre.
L’ Eglise mettant en garde, condamnant parfois, rebute les adeptes de la tolérance, rétifs à la loi naturelle, et à toute doctrine, qu’elle soit morale ou sociale. Il est interdit d’interdire, il est interdit de poser des gardes-fous sur la route, il est interdit de juger, de classer …
En revanche, il est proposé de provoquer, de moquer, de remettre en cause toute autorité, car toute autorité est « mauvaise », suspecte.
Il est donc formellement permis et encouragé de s’égarer, de douter, de se perdre et de se diviser.
L’affaire Castellucci ne devait être qu’un débat, entre croyants et incroyants, à défaut de retraduire correctement la relation d’un fils à son père, d’une brebis à son berger, selon ce que l’auteur de la pièce, jugeait bon de maintenir ou d’édulcorer. En effet, comment débattre de la beauté d’une toile, quand celle-ci change sans arrêt de couleur, selon les partisans du bleu, ici du beige, là du rouge, pour le plus grand plaisir du manipulateur, Malin s’il en est.
Qu’est-ce qui est le plus blasphématoire ?
Un texte et une mise en scène désespérante, qui ne changera peut-être rien dans le coeur de ceux venus la regarder, qui n’étanchera aucune soif, qui ne fera, malheureusement, qu’ajouter un peu plus de colère à Job au fond de son purin ?
Ou des frères maltraités dans l’exercice de leur liberté, des soeurs huées à cause de leur Foi, et le comble, des frères et des soeurs s’insultant et se tapant dessus, sous le prétexte de défendre leur Père ?
« J’ai soif », nous crie Jésus. Castulleci se moque, mais il peut de gausser, il a soif, lui aussi, comme tout le monde. S’il choisit de faire revivre à ses spectateurs, l’extase terrible de Roquentin de La Nausée, refusant le sens de la vie, face à l’arbre de Vie, happé par le vide, le refus de voir le visage du Christ Transfiguré, par-delà ses souffrances pour nous sauver… Il est libre du non-sens de son choix.
Cependant, on ne peut le laisser dire sans réagir : sa pièce est ouverte au public, nous avons donc le droit, en tant que Chrétiens s’abreuvant à la source de la Miséricorde, de manifester notre désaccord.
Certes, rien de tel que le témoignage, et l’exercice de la Charité, pour manifester en tant que catholiques inondés par les grâces de l’Esprit Saint par notre Baptême.
Maintenant, n’est-ce pas la Charité, ce désir de dire que notre Dieu est Tout-Puissant, et ne mérite pas les déjections, les insultes, qu’un monde scandalisé par la souffrance, la misère, lui reproche tout en lui lançant ? Est-ce la Charité, celle qui excuse tout, pardonne tout, supporte tout, qui nous a amené à crier devant le Théâtre de la Ville ? A chacun de voir clair en son coeur.
Eclairés par les différents témoignages, les nombreux avis émis tant par des laïcs, que par des prêtres, soutenus dans notre recherche par des Evêques, il aurait été heureux, tout de même, que nous nous interrogions plus avant :
Si la pièce est vraiment blasphématoire, ce n’est pas seulement contre elle que nous avons manifesté. Mais en notre nom, notre propre identité de catholique souvent tenue discrète, secrète, notre Foi en étoile sur le rebord de notre manteau, et soudain, explosant face à une énième provocation christianophobe, qui a mis le feu aux poudres de nos trop nombreuses timidités :
Combien de combats avons-nous perdu, pour avoir désiré nous fondre dans la masse, nous faire discrets, nous déguiser, troquer nos foulard de soie pour des écharpes fluos, pénétrer des institutions, des associations, des partis, en arguant de la religion comme relevant de la « sphère privée » ?
Combien de regards n’avons-nous pas posé, sur ceux qui attendaient un signe de nous, pour leur apporter les consolations du Christ ?
Et pour cette pièce, l’ensemble des catholiques a enfin réagi. Pas comme un seul homme, pas tous pour l’Honneur du Christ. Mais enfin, les langues se sont déliées, hélas pour beaucoup, mais heureusement pour d’autres : cette multiplication de bavardages, de prises de positions, de points de vue parfois musclés, nous montre, une fois encore, que l’ère du silence est révolue.
Il ne reste plus qu’à apprendre à laisser l’Esprit s’imposer…
En ce jour de la Toussaint, soyons catholiques en trois actes : prions pour y voir clair, adorons pour refléter le Bon, et pardonnons comme celui auquel nous voulons ressembler, et que nous tenons à défendre, nous a pardonnés.
*mère de famille, membre de l’équipe de réinformation de Radio Courtoisie, et « militante pour la Vie ».
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