En France, à chaque fois qu’un problème apparaît, une solution unique, pratique et simple est appliquée : celle de la taxe. Cette solution, généralement proposée par un élu d’un bord ou l’autre, permet alors de montrer qu’on agit, de ponctionner les Français, d’amasser du pognon qu’on dépensera en agitation périphérique à la résolution du problème. Ensuite, on constatera que ça ne marche pas et on pourra augmenter la taxe.
C’est simple, ne trouvez-vous pas ?
Évidemment, pour que l’affaire prenne un tour encore plus rocambolesque, il faut et il suffit que le problème soit lui-même créé de toute pièce par l’État, ce qui permet à la taxe créée non seulement de ne pas résoudre le problème, mais — encore mieux — de l’aggraver.
Je prendrai deux exemples de l’actualité récente pour illustrer cette odieuse mécanique traditionnelle en France.
Pour le premier exemple, je vous propose de regarder, rapidement, ce qui va se passer à l’aéroport de Roissy Charles De Gaulle. Le problème est ainsi posé : il faut absolument une ligne ferroviaire reliant l’aéroport à la capitale afin d’amener le flot de touristes de la plate-forme aérienne vers tous ces commerçants et tous ces beaux musées, pour que de touristes ils se transforment en consommateurs et rapportent plein de bons gros euros à une municipalité par ailleurs exsangue. Et puis, au moins, cette belle ligne de transport représente un gros investissement, avec beaucoup de partenaires, d’entreprises plus ou moins privées et plus ou moins acoquinées avec l’État, pleines de petits copains des politiciens locaux qui ont besoin de travailler. Tout ceci sent la bonne opportunité d’autant qu’ainsi, on ne pourra plus dire que la ville et la région ne font rien pour améliorer la situation touristique.
Or, pour financer tout ça, on se rend compte que le ticket de transport (prévu autour de 24€) ne suffira pas. Le problème est posé, le manque de financement est évident, la solution s’impose d’elle-même : taxons les billets d’avions pour financer cette ligne, pardi !
Les plus aguerris d’entre vous comprennent tout de suite le piège : tout se met en place pour faire comprendre à tout le monde que cette nouvelle ligne est la réponse au problème de transport, et que la taxe est la réponse au problème de financement.
Il ne semble pas venir à l’esprit de nos élites que si l’on veut vraiment financer cette nouvelle ligne, peut-être le faire au travers de tickets plus chers serait logique : payent alors ceux qui s’en servent, et non les passagers de Roissy qui paieront plein pot pour un train que beaucoup ne verront jamais. Bien sûr, le prix du ticket aura, dans cette configuration, tendance à exploser, rendant le projet économiquement périlleux. Qui pourra en effet se permettre un ticket à 48€ pour faire 30 km après un vol low-cost à 10€ pour en faire 1000 ? Dans ce cas, on est en droit de se poser la question de la viabilité de cette nouvelle lubie. Le problème n’est plus de savoir comment financer cette ligne, mais surtout, pourquoi.
De même, il ne semble pas plus venir à l’esprit de personne de remettre à niveau les infrastructures déjà existantes ; le RER B, épave puante et omnibus, qui dessert pourtant déjà et la capitale et l’aéroport, n’a semble-t-il d’autre destin que de continuer à aller cahin-caha, entre deux pannes, feuilles mortes ou caténaires en goguette, en parallèle de la nouvelle ligne qu’on s’apprête à construire à grands frais. Améliorer la propreté, la sécurité, la ponctualité, la vitesse, bref, le service rendu d’une ligne qui existe déjà, qui rend déjà le service demandé sur le papier, tout ceci semble impossible à concevoir. Il faut dire qu’implémenter cette stratégie ne représente aucune possibilité de toucher des pots-de-vin, de surfacturer les petits copains, de faire du trafic d’influence ou toute autre pratique maintenant habituelle en France…
Bref, vous l’aurez compris : non seulement, vous aurez votre ligne expresse sur-coûteuse et mal financée, mais vous aurez aussi votre taxe aéroportuaire supplémentaire.
Cet exemple pourrait suffire à lui seul à démontrer la nocivité de l’État et de nos élus lorsqu’il s’agit de subvenir aux besoins des personnes sous leur responsabilité. Rassurez-vous, on peut aussi sortir un autre exemple où à l’incompétence coûteuse, on doit ajouter des atteintes graves à la santé d’autres individus.
Ici, je veux bien sûr parler de la Dépakine dont tout indique qu’il s’agit maintenant d’un scandale d’État qui sera, comme il convient en pareil cas, largement étouffé, minimisé et reporté sur les (grands méchants) laboratoires privés qui font rien qu’à être grands, méchants et privés. Insistera-t-on sur le fait que les autorités ont été mises au courant dès 2004des effets secondaires dramatiques du traitement sur les femmes enceintes ? Y aura-t-il un journaliste honnête pour rappeler que ce sont les autorités étatiques qui décident de la mise sur le marché ou non d’un produit, et que si le laboratoire indique que la posologie et les contre-indications changent, c’est aux autorités étatiques de faire suivre cette information auprès des médecins et pharmaciens, et ce, dès qu’elles sont au courant ?
Ou au contraire, assistera-t-on comme d’habitude à l’évaporation complète de toutes responsabilités (des médecins, qui ne pouvaient pas savoir, des pharmaciens, pas au courant, des autorités sanitaires, trop occupées, du laboratoire, qui prévient trop tard, du patient, qui ne lira jamais la notice parce que ce n’est que sa santé, après tout), le tout enduit de cette épaisse couche de moraline destinée avant tout à blâmer le seul coupable valable, l’ultracapitalisme sans foi ni loi du méchant laboratoire, cible facile car prospère et multinationale ?
En tout cas, le problème est évident : non, ce n’est pas le fait qu’une mise sur le marché, par multiplication de contraintes légales et administratives délirantes, coûte littéralement des centaines de millions d’euros, que tout changement dans la notice revient à retirer le produit du marché en attendant sa revalidation, qui peut durer des mois (efficacité du service public oblige), laissant potentiellement sur le carreau des dizaines de milliers de patients traités normalement. Non, ce n’est pas le fait que les autorités sanitaires ne seront jamais reconnues coupables de n’avoir pas fait leur travail. Elles sont impeccables, toujours. Et quand bien même la notice mentionnait explicitement dès 2006 des risques de malformations congénitales, personne n’ira dire aux prescripteurs qu’ils ont quelque peu pu riper ici ou là. Non. Impossible.
Non, le vrai problème est que le médicament a continué à être distribué sans tenir compte de ces changements, que tout le monde ou presque s’en tamponnait le coquillard, et qu’il faut maintenant indemniser ceux qui ont subi les conséquence de cette incurie.
Et quoi de mieux pour indemniser que de taxer ? Magie du collectivisme qui concentre les succès dans les mains de certains et distribue les échecs sur les joues de tous : c’est à la fois simple, facile et cela permet de faire cracher tout le monde au bassinet, même ceux qui n’ont rien à voir avec l’affaire.
Sympathique, non ?
> H16 anime le blog Hashtable.
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