Robert Ménard, maire SE de Béziers (Hérault), réélu dès le 15 mars, analyse ce second tour des municipales. Pour lui, « il n’y a pas de victoire du Rassemblement national ». Et le triomphe d’Europe Écologie Les Verts traduit la fracture entre deux France :
– Pascal Perri : « L’écologie, ça vous intéresse ou pas ? »
– Robert Ménard : « Vous vous moquez du monde ! Parce que je serais à droite de l’échiquier politique, je ne m’intéresserais pas à l’écologie ?! Peut-être pas tout à fait à la même écologie qu’à celle d’un certain nombre de bobos parisiens. Mais oui, mon souci, comme maire, est de construire moins de maisons et de garder plus d’espace vert, de rendre à l’agriculture un certain nombre de terrains que mon prédécesseur voulait transformer en nouveaux quartiers, de planter plus d’arbres. Ce sont des choses très concrètes. C’est vrai qu’on est loin d’une écologie de bobos qui me parlent de problèmes de société plutôt que des problèmes auxquels mes concitoyens font face chaque jour. C’est compliqué l’écologie quand ce n’est pas un slogan. Dans ma ville, les transports en commun sont une chose. Mais, chacun, pour venir travailler en ville des villages environnants, est obligé de prendre sa voiture. Alors, j’essaie, au milieu de tout ça, de faire au mieux, pas pour la planète mais pour le bonheur des gens. »
– Maurice Szafran : « Vous attendez-vous à cette vague verte, à cet énorme succès des Verts ? Et comment vous l’analysez, l’expliquez ? »
– Robert Ménard : « C’est, d’abord, un nouveau signe de la coupure de la France en deux. Cette écologie ne sait rien de l’agriculture, de la chasse, ce n’est pas une écologie de terrain. C’est un discours de grandes villes. On a encore l’impression que deux France se dessinent : Une France, comme celle que je représente, de villes moyennes, de petites villes, de villages, qui est soucieuse d’un certain nombre de questions de survie. Et puis vous avez une écologie de métropoles et de grandes villes, avec des problématiques radicalement différentes. À Béziers, ils ne votent pas pour l’EELV, parce que c’est un discours inaudible pour une grosse partie d’entre eux, et surtout gauchisant. Si jamais j’avais affaire chez moi à des écologistes qui se soucient réellement des problèmes que je rencontre, à savoir la qualité de l’eau, ce qui se passe dans le littoral et la protection d’un certain nombre de flores dans mon arrière-pays, je discuterais bien volontiers. Mais, en réalité, je n’ai pas du tout des gens comme ça. J’ai des gens qui connaissent leurs chiens et leurs chats domestiques, et qui n’ont aucune idée de la rudesse de la nature et du travail d’un paysan. Encore une fois, on a deux mondes séparés. »
– Pascal Perri : « Marine Le Pen dit que ce second tour des élections municipales de 2020 est une victoire pour le Rassemblement national. Partagez-vous ce point de vue ? »
– Robert Ménard : « Bien sûr que non. Je ne sais pas pourquoi vous me posez une question personnelle sur le RN. Je n’y suis pas, je n’y ai jamais été. J’ai des sympathies mais aussi un regard critique. Moi, j’ai été ravi, j’ai participé à ma manière à la victoire de mon ami Louis Aliot à Perpignan, mais pas parce qu’il est au RN, parce qu’il sera un bon maire, parce que c’est un type formidable, parce qu’il aime ce qu’on aime dans le Sud, et qu’il partage beaucoup de valeurs que je partage aussi. Mais évidemment, quand j’entends Marine Le Pen expliquer que c’est une victoire pour le RN, elle se moque du monde, mais elle sait très bien que ce n’est pas vrai. Il y a dû avoir deux fois moins d’élus du RN comme conseillers municipaux, les villes importantes qui ont été gagnées sont Perpignan et à nouveau Béziers. Je vous rappelle que j’ai fait comme même un peu plus de 68% des voix dans une ville de 80.000 habitants. Mais, Louis Aliot, comme moi, on est loins dans ce qu’on demande, ce qu’on revendique du RN. »
Source : “LCI Tout Info”, lundi 29 juin 2020