La grande erreur du national-catholicisme

Tribune libre de Jacques de Guillebon* pour Nouvelles de France

On se souvient que l’association politique Civitas qui, co-dirigée par un Belge et des curés de Saint-Pie X, c’est-à-dire protoschismatiques, fait néanmoins profession de défendre la France et l’Église catholique contre tous les méchants, ne s’était pas émue que la rejoignent dans ses manifestations devant le Théâtre de la Ville quelques individus se réclamant d’un groupuscule islamiste, Forsane Alizza, nom qui semble pouvoir se traduire en français par « Les Cavaliers de la fierté ». On sait ce qu’il advient ces jours-ci de ces grands guerriers de la charia : suspectés de fomenter des activités terroristes, ou au moins de vouloir établir de gré ou de force une manière de Califat sur le territoire français, ils ont été, après la dissolution de leur groupuscule, arrêtés par les policiers adéquats, et attendent leur jugement. Je n’ose pas imaginer qu’à l’époque Alain Escada et ses comparses se soient félicités de ce puissant appui : ils l’ont cependant toléré, et nulle part que l’on sache, ils n’ont seulement refusé cette solidarité inattendue.

Au-delà de la cocasserie de cette conjuration éphémère, cette petite affaire révèle le nœud psychologique des auteurs de toutes ces diatribes et manifestations. Civitas fait profession de redonner « de la fierté aux catholiques », les islamistes sont donc des « cavaliers de la fierté », ils font tous des « prides » comme les gays dans leur coin en firent, ou comme il y eut selon le doux mot de Muray dans l’entre-deux tours de 2002 cette « shame pride », la fierté de la honte de la Quinzaine anti-Le Pen. Les gardiens de la tradition sont finalement les hommes les plus postmodernes que compte l’époque, les hommes du spectacle, les clowns de la démocratie branlante. On ne leur en demande pas plus, eux non plus, car d’ailleurs ils n’auraient rien à donner de surcroît. Leurs petits artifices avec croix et bannières ne tiendront pas longtemps, car ils ne sont pas faits pour durer – à l’image de leur fausse Tradition qui comme par hasard arrête de continuer à un moment précis, comme un salon de grand-mère s’est pétrifié dans les souvenirs de sa jeunesse. L’Église catholique a connu depuis deux millénaires de nombreuses processions, pour la Vierge, pour le Sacré-Cœur, pour la Fête-Dieu, pour le Christ-Roi, pour Pâques et les Rameaux bien entendu, pour les Rogations, pour éloigner le Malin ou l’ennemi assiégeant la ville : on n’avait jamais entendu qu’elle pût organiser des Jesus Pride. Maintenant c’est fait, pour la plus grande honte des fidèles.

« Nous sommes fiers d’être cathos », qu’ils disent entre deux exorcismes illicites, comme il y en eut un autre pour dire un jour qu’il avait honte de l’être. Si c’était le dernier mot de l’Église du Christ, nous aurions quelque souci à nous faire, si c’était le pharisien qui faisait sonner de la trompette aux carrefours pour montrer sa charité et qui occupait avec ostentation les premiers rangs du Temple qui devenait la figure définitive du chrétien. « Fiers d’être cathos », et après ? Les cathos fiers, pour quoi faire ? M. Escada, à la confluence du businessman et du chef de parti occupe le petit segment commercial que ses experts en marketing ont isolé après de nombreuses réunions, où l’évocation du benchmark et du retour sur investissement percutait celle de la synergie des interfaces.

« Les gardiens de la tradition sont finalement les hommes les plus postmodernes que compte l’époque, les hommes du spectacle, les clowns de la démocratie branlante. »

Au-delà du cas de ces personnages spectaculaires – qui maintenant annexent Jehanne pour tenter de définir un « patriotisme catholique » de mauvais augure, comme si la sainte de la patrie qui boutait hors du royaume des Anglais tout aussi catholiques que nous avait décidément combattu pour le rétablissement de la foi – plus préoccupante est la situation de certaine jeunesse qui croit y trouver ce que ce monde ne lui donne plus, une identité sûre et stable. Oh, nous comprenons sa douleur, pour l’avoir décrite plus d’une fois, pour l’avoir sentie et subie, mais comme nous voudrions qu’elle voie que se livrer à ces bonimenteurs ce n’est que poser un masque sur le vide, que de son feu, celui qui maintient le monde à température, il ne feront que des artifices. Que se passe-t-il, en effet, une fois que l’on a dit que l’on était fier d’être catholique ? A-t-on touché l’âme des gens ? A-t-on aimé et secouru son prochain ? A-t-on fait avancer la connaissance théologique et a-t-on éclairé la raison ? Non, tout cela ne sont même pas des paroles, mais des borborygmes à l’usage de la vaste soupe médiatique, des pelures d’oignon qui s’y mêleront aux feuilles de chou, aux queues de poireaux et aux raclures d’ail.

Il n’y a rien de plus aisé que de suborner la jeunesse et de lui faire prendre des vessies pour la lumière des cieux ; il n’y a rien de plus facile que de désigner une cible immédiate à sa vigueur ; rien de plus simple que d’assigner à ses forces un but violent, de mettre dans sa bouche des slogans et des vaticinations. La jeunesse n’est pas en cause, elle n’est jamais en cause du fait même de sa définition. Quiconque l’a achevée sait qu’elle n’est qu’un état de possession que le temps lentement exorcise. Sont en cause, encore une fois et comme toujours les batteurs d’estrade qui lui vendent la guerre et la castagne comme son destin ; les batteurs d’estrade qui, entre parenthèses, ne finissent jamais, eux, en garde à vue. Aidés de vieux chevaux de retour qui vivent toujours dans le franquisme, la Révolution nationale ou la défense de l’Empire colonial français, ils la lui jouent glorieuse. Quand elle a tué une fois, si elle n’est pas d’aventure tombée elle-même, cette jeunesse comprend qu’on l’a circonvenue. Elle en conçoit généralement un dépit qui la mène alors au camp du rien. On ne  l’y reprendra pas. C’est alors qu’elle devient vieille, et ceux qui l’auront gaspillée en porteront l’infinie responsabilité.

Civitas a ajouté aux antiques malédictions une perversion moderne. Ils ne livrent même pas une bataille de l’image, seulement une image de la bataille. Cette voie est sans issue.

*Jacques de Guillebon est un écrivain, essayiste et journaliste français. Il écrit dans La Nef, Permanences et Témoignage chrétien.

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63 Comments

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  • Renaud , 3 avril 2012 @ 11 h 19 min

    C’est toujours fatigant de se faire donner des leçons d’amour par quelqu’un qui passe son temps à s’écouter écrire des tribunes acides, le catholicisme réel en sautoir.
    L’auteur devrait passer moins de temps à alambiquer ses formules, et un peu plus à éclaircir ses idées.
    Il n’y a malheureusement plus beaucoup de prêtres ailleurs que chez les tradis pour organiser les fameuses processions qui ponctuent la vie de l’Eglise depuis 2000 ans. Ils le font avec fierté et humilité.
    Heureusement, en attendant que nos prêtres retrouvent la foi, il y a Frigide Barjot, qui se fera sans doute bientôt tatouer I LOVE JESUS sur les deux fesses pour évangéliser bien à fond dans les soirées mousse. Et Jacques de Guillebon, pour dénoncer courageusement les vrais problèmes de l’Occident postchrétien.

  • Jean-Pierre , 3 avril 2012 @ 11 h 48 min

    Quels arguments ? Il n’y a aucun argument dans les tentatives d’enfumage de P. Gannat, un militant mariniste antinational-catholique en service commandé sur les sites catholiques et droitiers pour semer l’inversion accusatoire et la désinformation. D’ailleurs il a été censuré à plusieurs reprises sur le Salon Beige pour ses excès en tout genre et pris tout autant de fois la main dans le sac de ses mensonges systématiques et de ses attaques personnelles répétées (dernièrement contre l’honorable maire d’oRange par exemple). Un tel imposteur se discrédite lui-même et doit être démasqué auprès de ceux qui ne le connaissent pas.

    Quant à Guillebon, il n’y a pas davantage d’arguments dans son réquisitoire de bac à sable. Juste des haines recuites d’un militant “chrétien” de gauche n’ayant aucune influence dans les milieux cathos qu’il honnit. Les progressistes sont en net reflux : ils n’ont plus de vocation, plus de militants, et disparaissent peu à peu du paysage, le Système n’ayant plus besoin de ces idiots utiles. Ils ne supportent pas de voir des catholiques joyeux et enthousiastes, jeunes surtout, qui défient le médiatiquement correct pour défendre l’honneur du Christ.

    Le coeur du problème est là et c’est pourquoi vous ne trouverez pas d’arguments dans leurs diatribes aigries : leur complaisance vis-à-vis du Système et de l’opinion les a conduits à justifier des profanations et à tirer dans le dos des catholiques courageux, d’ailleurs soutenus par de nombreux évêques français et finalement par Rome même (qui a invité les catholiques à réagir devant la christianophobie). Ces collabos en remettent une couche des mois après : leur haine est viscérale et malsaine. Ils sont pitoyables.

  • Pierre Jovanovic , 3 avril 2012 @ 12 h 28 min

    Vous me flattez, mais je ne suis malheureusement pas écrivain comme mon célèbre homonyme.

    En outre, je ne mets pas en cause le courage et la sincérité les catholiques qui sont allé manifester devant les théâtres parisiens. Le problème, c’est qu’on peut sincèrement se tromper.

    Quant à défendre l’honneur du Christ, saint Pierre avait déjà essayé au jardin des Oliviers. On en connaît la leçon: le Fils de l’homme n’est pas un chef de guerre auréolé de ses légions d’anges. Notre pauvre logique humaine et notre tentation d’imposer la sainteté par la force du poignet (y compris à nous-même) n’ont pas grand-chose à voir avec le Mystère pascal.

    Finalement, cette tribune de Jacques de Guillebon est peut-être appropriée, en ce début de Semaine sainte…

  • Anne Charlotte Lundi , 3 avril 2012 @ 14 h 39 min

    Bien contente !
    Chez nous… on lit Présent et Lectures Françaises ! et je vous les recommande vivement !

  • Robert , 3 avril 2012 @ 17 h 32 min

    Anne-Charlotte,
    Présent, bonne lecture!

  • Emmanuel , 3 avril 2012 @ 20 h 28 min

    Au vu de la teneur de votre dernier message, je regrette de devoir vous dire que je devrais ne plus vous répondre et en rester là.

    C’est avec raison que Xavier Roupette à PG disait: “Jean-Pierre est de nouveau en plein delirium tremens. Laissez-le donc faire son numéro, postillonner, dénoncer, etc. Il adore ça.”

    Mais la compassion me pousse néanmoins à vous inciter à réfléchir un peu sur vos capacités de communiquer: vous avez un gros problème du côté de la perception de votre environnement. Rassurez-vous, ça se travaille et ça se soigne.

  • Pierrotlalune , 3 avril 2012 @ 22 h 53 min

    J’imagine que vous étiez à la manifestation ?
    Lors de la marche, avant les prières devant le théâtre, il y avait un groupe de (jeunes) femmes, voile sur les cheveux, des enfants et quelques hommes. Pas, d’après mes souvenirs, de barbu en robe blanche et baskets…
    Si vous pensez que ces musulmans n’avaient rien à faire à nos côtés, expliquez-moi pourquoi.
    Ils venaient défendre l’honneur de Celui qu’ils considèrent comme un prophète. Si ça peut amener plus de respect envers le Christ, c’est bon à prendre non ?

    D’ailleurs j’espère que les chrétiens qui n’ont pas voulu descendre dans la rue à cette occasion ont pris conscience que des personnes moins concernées que nous par ces pièces blasphématoires les ont remplacées dans nos rangs. C’est à méditer…

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