Le 29 j1anvier 2017 aura été marqué en France par un affrontement majeur entre le patriotisme et l’idéologie partisane. Les sympathisants socialistes ont été plus nombreux à venir voter pour Benoît Hamon au second tour des primaires de la Belle Alliance Populaire. Cet engouement témoigne d’un divorce total entre leurs aspirations et la réalité de notre pays et du monde. La déformation du réel par l’idéologie enlève tout bon sens. Il suffit alors à un politicien de lancer quelques promesses démagogiques pour être suivi par une foule qui confond le futur désirable avec l’avenir possible. Depuis 1981, chaque passage au pouvoir des socialistes s’est traduit par des « avancées » sociales irréalistes qui ont conduit à des reculs économiques et donc à une diminution des moyens de financer la redistribution sociale. Ce cercle vicieux repose sur deux préjugés : d’abord, l’idée que le travail et les richesses sont constants et qu’il suffit de les partager pour faire progresser la justice ; ensuite, que le progrès social est le sens de l’histoire. De façon assez contradictoire, les socialistes ont donc diminué le temps de travail dans la vie et dans la semaine pour mieux le partager entre les travailleurs, mais aussi pour répondre à une autre intuition discutable, la « fin du travail » annoncé par Rifkin, en raison des innovations techniques. De la même manière, ils ont augmenté par la fiscalité les transferts sociaux afin que la richesse supposée constante soit mieux répartie, mais tout en acceptant, plus ou moins, que la décroissance ou la moindre croissance, liées, par exemple, au volet écologique du programme de M. Hamon, la fassent en fait diminuer.
La victoire de Hamon contre Valls est celle de cette idéologie du partage doublée de cette contradiction. Valls, qui porte l’héritage de Hollande croyait lui encore à la croissance, à l’augmentation des richesses comme condition de leur plus juste répartition. Mais, prisonnier de l’idéologie socialiste et des conséquences désastreuses de la hausse des prélèvements obligatoires du début du mandat présidentiel, cet éclair de lucidité ne l’a conduit qu’à défendre mollement la religion du travail et à pourfendre maladroitement l’illusion du revenu universel d’existence. Face à ce réalisme comptable de petit-bourgeois, les socialistes ont choisi, comme d’habitude le rêve financé par la poudre de perlimpinpin. Un peu de bon sens leur aurait appris que le gâteau du travail comme celui des richesses qui en découlent peuvent grossir ou se réduire, et que la croissance repose en grande partie sur la motivation des agents économiques et sur leur espérance personnelle, et non collective, de voir leur situation s’améliorer. La volonté de réussir, de s’enrichir, d’accroître ses bénéfices est ce qui fait grandir le gâteau et rend possible d’y couper des parts plus grosses sans diminuer celles des pâtissiers les plus performants. Si l’on décourage l’effort, si on privilégie l’égalité, la paresse et la passivité, c’est l’ensemble de la population qui en pâtira. Quant au travail, il ne diminuera pas. Il change et il changera de façon parfaitement inégalitaire. Des emplois disparaîtront ici quand d’autres seront créés là. L’automatisation supprimera des postes dans l’industrie, la numérisation dans les services, mais la formation, dans une société en constante évolution, la sécurité intérieure et extérieure, le contrôle nécessaire pour équilibrer la fluidité sociale, la santé d’une population vieillissante, les contrepoids à l’isolement, et des besoins nouveaux enfin, créeront de nouveaux emplois. Pour certains d’entre eux, pour la sécurité, par exemple, c’est la présence et non la productivité, qui sera déterminante. Le temps de travail ne pourra donc être envisagé de façon identique. La plupart de ces évolutions, y compris pour la sécurité intérieure, et à l’évidence pour l’enseignement ou la santé, pourront être mises en oeuvre dans le secteur privé. La compétitivité de nos entreprises, la qualité de leurs produits, la recherche, l’affirmation de l’excellence française de l’agroalimentaire à l’espace en passant par le luxe, seront les vecteurs essentiels du succès. Il incombera à l’Etat qui est en charge du Bien commun de la nation de sauvegarder ou de rétablir sa souveraineté et la protection de ses citoyens afin que les autres Etats ne rendent pas la maîtrise du changement illusoire. L’absurdité des socialistes consiste précisément à croire qu’ils peuvent faire une politique qui, non contente d’ignorer le réel, génère une « île » idéologique à contre-courant du reste du monde, mais à l’intérieur de l’Europe, et sans protéger les frontières, ni contre les concurrents plus compétitifs, ni contre les nouveaux arrivants qui menacent l’unité et l’identité du pays.
Pendant ce temps, le discours de François Fillon à la Villette avait des accents à la fois réalistes et patriotiques. Son diagnostic est le plus juste et depuis longtemps. C’est celui du « chaos français »qui cultive le misérabilisme mou et rampe devant les investisseurs étrangers, où l’initiative est étouffée par une bureaucratie envahissante, où l’Etat révèle son impuissance dans ses missions essentielles. Rétablir l’ordre, l’autorité, défendre nos valeurs, nos traditions, nos libertés, redresser nos finances, accroître notre compétitivité, contenir l’immigration, gagner la bataille contre le totalitarisme islamique, telles sont le grandes lignes de la thérapeutique résumée dans une formule évidemment gaulliste : la France Libre. Il me serait difficile de dire que ce discours ne me séduit pas. J’y retrouve nombre des idées que j’ai défendues à l’Assemblée, y compris dans des précisions comme l’uniforme scolaire ou les quotas d’immigration. La baisse des charges compensée par la TVA est une réforme que j’ai constamment proposée. L’application systématique des peines aux délinquants jugés a été un autre de mes thèmes privilégiés. L’ombre portée sur la candidature de François Fillon n’entame pas mon soutien. Qu’il ait considéré comme légitime un accroissement de son revenu familial par le biais d’une épouse qui a partagé sa vie politique est un manque de rigueur assez représentatif du laisser-aller de nos moeurs parlementaires. N’y ayant nullement participé, je crois avoir le droit de dire que cette faille est sans proportion avec l’enjeu, le redressement du pays. Ni Richelieu, ni Mazarin n’ont négligé leurs intérêts propres, mais ils ont fait la grandeur et la fierté de la France. Il reste un sujet préoccupant. Si le gauchissement économique et social du Front National paraît démagogique et peu susceptible de restaurer notre puissance, la contradiction européenne de Fillon, qui n’avait pas voté Maastricht et se dit toujours disciple de Seguin est la faiblesse de son discours. Il parle de préférence européenne, et évoque à la fois la souveraineté de l’Europe et celle de la France. Imagine-t-on une France première puissance européenne dans dix ans avec un Euro qui avantage l’Allemagne ? Peut-on parier sur un alignement de l’Europe sur la politique française ? On peut espérer que cette contradiction sera levée après l’éventuelle élection, parce qu’elle est nécessaire à l’unité de la droite et du centre, mais elle affaiblit la cohérence du discours. La France libre n’est pas possible dans l’Europe telle qu’elle est !
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