Myriam,
L’avantage de pouvoir t’appeler par ton prénom, c’est que cela évite de fourcher en prononçant ton nom. Trêve de plaisanterie. J’ai réellement pris un coup de massue mercredi en découvrant les chiffres du chômage pour décembre : 15 800 nouveaux inscrits à Pôle emploi. C’est dur, très dur ! D’autant plus qu’on y croyait tous le mois dernier après le chiffre correct pour novembre.
En te voyant galérer ainsi, je me remémore cet album de Tintin, l’Affaire Tournesol, dans lequel le Capitaine Haddock cherche à plusieurs reprises à se débarrasser d’un sparadrap sans succès, ce dernier finissant toujours par lui revenir. J’ai la désagréable impression que le chômage est pour toi ce que ce sparadrap est à Haddock.
Pourtant, au départ, quand tu m’as informé que tu allais devenir Ministre du Travail, j’avais la larme à l’œil. Pur produit du PS, biberonnée dès la fin de tes études aux responsabilités publiques et autres mandats politiques, tu n’avais pas eu le temps d’être corrompue par le monde de l’entreprise. Surtout, tu incarnais la beauté du socialisme, toi, la fille d’immigrés, boursière, enchaînant les petits boulots pour financer ses études et devenant ministre.
Puis rapidement, j’ai compris le cadeau empoissonné que te faisait Hollande. Je t’ai mis en garde sur le fait qu’avant toi cet épineux problème en avait épuisé plus d’un. Sapin d’abord dont l’odeur a rapidement fini par envahir toute la rue de Grenelle à tel point qu’il a été recasé au budget. Rebsamen ensuite à qui la moutarde du chômage a tellement monté au nez qu’il s’est réfugié à Dijon.
Mais tu as parié sur le fait d’être une femme, représentante de la diversité, pour réussir. Tu t’es dit qu’en bidouillant les statistiques et en déversant des milliards d’euros dans les emplois aidés, cette maudite courbe allait bien s’inverser. Tu te voyais déjà comme la nouvelle Jeanne d’Arc ayant bouté le chômage hors de France. Celle qui permettrait à Hollande un nouveau sacre en 2017.
Pourtant tu le sais trop bien, tu n’as aucune chance de résoudre durablement ce problème si tu ne changes pas radicalement ta politique. Oubli les emplois aidés Myriam ! Rappelle-toi de ce sympathique rapport de la Cour des comptes publié en 2011 qui pointait que dans le secteur marchand, seulement 10% des embauches en CIE (contrats initiative emploi) n’auraient pas eu lieu sans l’existence de cette catégorie d’emploi aidé. Souviens-toi aussi que pour les sortants à terme, seulement 32% avaient trouvé un emploi durable après un CAE (contrat d’accompagnement dans l’emploi) et 16% après un CAV (contrat d’avenir), sachant que plus de 4 emplois aidés sur 5 sont créés sous l’un de ces deux régimes.
Myriam, admets que toutes ces politiques sont de la poudre aux yeux. Si tu veux vraiment sortir victorieuse de cette bataille, rallies-toi à mon étendard et appuies-toi sur les trois grands piliers dont je t’ai déjà parlés.
D’abord, il faut que tu supprimes les multiples types de contrats de travail pour créer un contrat unique, sans durée déterminée, pour tous les salariés et fonctionnaires, à l’exception de ceux exerçant dans les domaines régaliens. Tu conserveras le stage et le contrat d’apprentissage dans une démarche de professionnalisation des jeunes.
Ensuite, tu dois simplifier drastiquement la procédure de licenciement. Je sais Myriam que cette mesure t’inquiète beaucoup à cause de l’argument sur la précarité qu’agitent les syndicats, notamment le nouveau petit père des peuples à la tête de la CGT. Mais comme je te l’ai expliqué, facilitation du licenciement rime avec facilitation de l’embauche. Tu dois comprendre qu’il te faut sécuriser le parcours professionnel et non l’emploi.
Enfin, il est nécessaire que tu expurges le code du travail de toutes ses lourdeurs administratives, effets de seuil en tout genre et réglementations absconses qui nuisent au développement des entreprises et à la création d’emplois. Sois pragmatique Myriam et dis-toi que ce nouveau code doit être compréhensible par tous les patrons sans nécessité de réaliser un doctorat en droit du travail.
Evidemment je me contente ici de te redonner les grandes lignes sans tous les détails auxquels j’ai déjà pensés. Mais nous pourrons en rediscuter autour d’un thé rue de Grenelle. Sois certaine qu’avec de telles mesures, Myriam El Khomri deviendra un nom emblématique du réformisme français.
Ah au fait, si tu pouvais ne pas trop le faire infuser… Je l’aime doux mon thé. Inch’Allah !
> Henri Dubreuil prend sa plume pour s’adresser à des personnalités qui font l’actualité, en toute amitié…
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