J’étais hier, comme tous les jours depuis lundi, auprès de Béatrice Bourges, place Edouard Herriot, à deux pas de l’Assemblée Nationale. J’ai été témoin des pressions incroyables que la police lui a fait subir : onze interpellations lundi, multiples tentatives d’arrestations arbitraires tout au long de la semaine, qui ont failli se terminer, et toute illégalité, par des gardes à vue dans le sinistre centre de rétention de la rue de l’Evangile, des « visites » nocturnes pour la priver de sommeil, alors qu’elle campe dans un véhicule, une surveillance constante, une interdiction de faire ne serait-ce que le tour de la place à pieds pour se réchauffer… Le sommet de ces pratiques proprement staliniennes est intervenu hier. J’étais auprès d’elle quand la police a bouclé la place pour l’arrêter : cette femme affaiblie par son jeûne, chassée de son banc par une escouade de CRS, était assise par terre, aux pieds d’un policier qui lui interdisait l’accès à un établissement riverain où elle voulait s’assoir. J’ai vu ses proches et son avocate négocier la possibilité de l’emmener passer un examen médical et argumenter longuement pour qu’un itinéraire direct lui soit autorisé, alors que la police prétendait lui faire faire à pied un détour de plus d’un kilomètre pour rejoindre son médecin !
Tant de violences physiques et psychologiques, tant d’arbitraire, un tel déni de droit doivent avoir une cause sérieuse : en effet, pourquoi vouloir faire taire à tout prix une femme qui jeûne publiquement, mais pacifiquement, dans la rue ? Il faut comprendre pourquoi.
J’ai, à plusieurs reprises, encouragé publiquement toutes les manifestations actuelles, dont le Jour de Colère. Dimanche 26 janvier, j’étais à la tribune pour prononcer le discours de clôture de la manifestation. Et j’y disais ceci : face à la crise politique, économique, sociale, morale et culturelle que traverse la France, il est légitime que la colère citoyenne trouve une issue légale. Cette issue est prévue par la Constitution : il s’agit de la procédure de destitution du Président de la République par le Parlement réuni en Haute Cour de justice, qui met entre les mains des parlementaires une responsabilité politique essentielle. Il est temps, aujourd’hui, qu’ils tirent toutes les conséquences de la situation actuelle, et qu’ils mettent en œuvre l’article 68 de notre Constitution.
Faisant immédiatement chorus à ma proposition, Béatrice Bourges annonçait son intention d’engager un jeûne complet et public à cette intention. Son geste revêt, selon moi, trois significations.
La première intention de Béatrice Bourges fut de garantir, par son jeûne, le Jour de Colère. Elle avait pressenti, comme beaucoup, que la colère peut devenir violence. Pour attester du caractère non violent de ce mouvement, elle a choisi de témoigner dans sa chair à la fois de sa détermination et de son pacifisme. Geste prophétique, dont on verra peut-être un jour qu’il a permis d’enrayer la machine de la propagande qui avait décidé des titres de la presse du lendemain : « le Jour de Colère dégénère en affrontements violents ». Ces titres, nous les avons tous lus, mais ceux d’entre nous qui étaient au Jour de Colère savent qu’ils sont partiaux et déformants. Il y eut dimanche soir 260 gardes à vue, pour seulement huit comparutions, dont une cassée pour vice de forme. Comparativement, les hooligans du Paris Saint Germain n’ont eu que quarante arrestations pour trois millions d’euros de dégâts. Incontestablement, le jeûne de Béatrice Bourges a désarmé les propagandistes qui voulaient réduire le Jour de Colère à des échauffourées avec la police. Qu’y a-t-il de moins violent, de plus pacifique, que le choix d’un Gandhi ou d’une Béatrice Bourges ? En engageant ce jeûne, elle a désarmé la désinformation.
La deuxième intention de Béatrice Bourges était de rendre audible mon message. Assurée que la presse du lendemain ne rendrait compte que des arrestations ordonnées par avance par le gouvernement, elle a compris qu’il faudrait plusieurs jours pour que la question des conditions de la destitution du Président de la République émerge à la surface. Il fallait pour cela une forme de permanence du message, qui attire l’attention des médias, qui impose le débat à la Chambre. Béatrice Bourges avait anticipé les réactions des politiques « de droite ». Elle savait qu’elle allait les piéger, parce qu’en refusant le débat qu’elle propose, ils se révèleraient pour ce qu’ils sont aux yeux de l’opinion : le meilleur rempart de François Hollande. Il est frappant de constater que, dès le lundi 27, Jean-François Copé, Christian Jacob et Henri Guaino réfutaient d’un même chœur le Jour de Colère et sa prétention de destituer le Président pour manquement à sa fonction. Quand des hommes «de droite » se comportent ainsi, la gauche peut dormir tranquille.
La troisième intention de Béatrice Bourges, enfin, est sans doute celle qui nous mettra d’accord mieux que les deux autres. Elle a revendiqué d’engager « un jeûne spirituel », c’est-à-dire un jeûne de réparation, de purification et de supplication. Elle m’avait dit combien elle avait été impressionnée par l’appel du Pape François aux catholiques à offrir une journée de jeûne pour éviter la guerre à la Syrie. Le lendemain de ce jour de jeûne, les grandes puissances renonçaient à la guerre. Béatrice sait qu’il est des démons qui ne se chassent que par le jeûne et la prière. Elle a saisi pour elle, radicalement, l’arme du jeûne, nous invitant à la suivre en prière. Les menaces qui pèsent sur notre pays n’ont jamais été aussi graves. En quelques mois, ont été votés le mariage homosexuel, l’adoption homoparentale, le droit à l’avortement sans condition, la pénalisation des défenseurs de la vie, l’abrogation des liens du mariage en privant l’épouse du nom de son mari, sauf mention express… Et déjà se prépare une nouvelle loi de mort sur l’euthanasie et le suicide « assisté », une loi sur l’interdiction des écoles familiales, et tant d’autres lois iniques. Jamais, depuis la révolution, les églises n’ont été autant profanées, que ce soit par les Femen que soutient le pouvoir socialiste ou par des « inconnus » jamais identifiés. Béatrice Bourges, en acceptant de souffrir dans sa chair, s’oppose à sa façon à ce déchaînement de mort.
De ces trois raisons, nous saurons un jour laquelle fut la plus déterminante.
> François Billot de Lochner est le Président de l’Association pour la Fondation de Service Politique-Liberté Politique et du collectif France-Audace.
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