Dix mille manifestants dimanche, cent mille mardi grâce à une très forte mobilisation sur les réseaux sociaux. C’est la première fois que le gouvernement du premier ministre hongrois Viktor Orbán est confronté à un mouvement de protestation d’une telle ampleur. Et ceci un peu plus de deux semaines après des élections locales et régionales marquées par une très nette victoire du Fidesz. C’est l’annonce d’une nouvelle taxe sur l’utilisation d’Internet qui a fait descendre les Hongrois dans la rue.
Le gouvernement conservateur hongrois n’en est pas à sa première taxe originale. Si l’idée de taxer les échanges de données sur Internet a déjà été discutée dans d’autres pays, aucun gouvernement n’a encore osé franchir ce pas. Il est vrai que Viktor Orbán a complètement révolutionné le système de taxation en Hongrie. Ainsi, l’impôt sur le revenu est désormais de 16 % pour tous, quel que soit le niveau de revenu, et l’impôt sur les sociétés n’est que de 19 %, et même de 10 % pour les PME. Par contre, la TVA à 27 % est la plus élevée d’Europe et des taxes spéciales ont été instaurées pour imposer certains secteurs de l’économie dominés par les multinationales étrangères : la banque, la grande distribution, les télécommunications, l’énergie, et plus récemment la publicité.
Ah la publicité ! La petit Hongrie s’est à nouveau fait taper sur les doigts cette année quand elle a instauré cet impôt progressif de 0 à 40 % de la valeur des revenus publicitaires des grands groupes médiatiques, les plus gros groupes étant le plus lourdement imposés. Le but, outre l’accroissement des recettes budgétaires, était de favoriser les petits médias (souvent hongrois) par rapport aux gros (souvent étrangers, groupe RTL en tête) et de préserver un peu la diversité médiatique qui fait si cruellement défaut chez certains partenaires européens de la Hongrie, comme la France par exemple.
En ce qui concerne les télécommunications, les opérateurs doivent désormais verser une taxe sur chaque minute d’appel vocal et chaque texto. Dans ces conditions, il n’y avait pas de raison d’épargner les données circulant sur Internet, d’où l’idée de prélever 150 forints (0,50 €) par gigaoctet téléchargé.
Mais face à l’ampleur des protestations, le gouvernement a d’ores et déjà annoncé son intention de plafonner cette taxe à 700 forints par mois pour les particuliers et 5000 forints par mois pour les entreprises.
Bien entendu, il a fallu que la Commission européenne s’en mêle et condamne ce projet de taxation supposé restreindre l’accès à Internet, même si le sujet ne relève en réalité pas de sa compétence, les États membres de l’UE étant libre de taxer ce qu’ils veulent du moment qu’il n’y a pas discrimination des entreprises de l’UE par rapport aux entités nationales, c’est-à-dire du moment que la règle s’applique à tous de la même manière.
Bien entendu aussi, puisqu’il s’agit de Viktor Orbán, ou « Viktator » (Victateur) comme certains de ses opposants l’appellent, on accuse cette taxe d’avoir pour but caché de restreindre la liberté de communiquer, un peu comme si on accusait les gouvernements de chercher à restreindre la liberté de circuler avec leurs taxes sur les carburants.
Alors toutes ces taxes originales du gouvernement hongrois sont peut-être déraisonnables, mais cela fait plusieurs années que la Hongrie maintient son déficit budgétaire en dessous de la barre des 3 % du PIB, ce que la France n’arrive pas à faire, le pourcentage de chômeurs est descendu à 7,4 % sur la période juillet-septembre (il était de 11,6 % à la fin 2012) et l’économie croît en ce moment à un rythme qui frise les 4 % l’an.
Si l’on reconnaît la qualité d’un arbre à ses fruits, la politique économique hongroise ne peut pas être franchement mauvaise.
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