Signature des accords ACTA – Manifestations et représailles d’Internautes
Certains sites Internet du gouvernement bloqués pendant plusieurs jours par les « Anonymous », un afflux de commentaires extrêmement critiques sur le site du premier ministre, des milliers de jeunes dans la rue dans les grandes villes de Pologne : le gouvernement « libéral » de Donald Tusk semble pris de court par les réactions à son adoption des accords ACTA sur la protection de la propriété intellectuelle. Les critiques fusent de toute part sur certaines dispositions de ces accords qui viennent d’être signés par la Pologne et qui sont accusés de porter atteinte aux libertés individuelles et de conférer des pouvoirs de contrôle dangereux à un gouvernement déjà soupçonné de chercher à restreindre la liberté d’expression dans les grands médias nationaux.
La chaîne TV Trwam victime de discrimination ?
En effet, parallèlement au conflit autour de la signature des accords ACTA, l’opposition demande des explications sur les raisons qui ont poussé l’autorité des médias, la « KRRiT », à refuser d’accorder une concession à TV Trwam sur la TNT qui remplacera le réseau de télévision traditionnel à partir de la mi-2013. TV Trwam est la seule chaîne de télévision catholique du pays et elle est en même temps la seule véritable télévision d’opposition (lire à ce sujet « Pologne, le pluralisme médiatique en danger »). La commission de la culture et des médias de la Diète qui a auditionné vendredi le président de la KRRiT, Jan Dworak, proche du PO, n’a pas pu obtenir de ce dernier d’explications satisfaisantes sur les critères ayant motivé le rejet de la candidature de TV Trwam. Les raisons officiellement données étaient le manque de crédibilité financière de la chaîne catholique mais la presse nationale a publié la semaine dernière des informations démontrant que TV Trwam affiche des états financiers bien meilleurs et bien plus crédibles que certaines chaînes de variétés qui, elles, ont obtenu une concession. Ce n’est pas la première décision politique de l’autorité des médias depuis que ses membres ont tous été remplacés par des gens proches des partis de la coalition PO-PSL dans le but de reprendre le contrôle des médias publics. L’épiscopat polonais a fait savoir qu’il attendait du gouvernement qu’il respecte la liberté d’expression et d’opinion et qu’il soit permis à une chaîne catholique d’être présente sur la future TNT. La Fondation Helsinki pour les Droits de l’Homme s’est quant à elle officiellement inquiétée de l’absence de critères transparents dans le processus de sélection des chaînes autorisées à émettre sur la TNT.
Smolensk – Une véritable bombe à retardement pour le gouvernement
Les nuages s’amoncellent sur la coalition PO-PSL au pouvoir depuis 2007 qui a été réélue de justesse en octobre dernier et qui dispose maintenant d’une majorité de seulement 5 sièges à la Diète.
Les dernières révélations sur le déroulement de l’enquête qui a suivi le crash de l’avion présidentiel polonais à Smolensk le 10 avril 2010 sont une véritable bombe à retardement. La décision qu’avait prise à ce moment-là Donald Tusk de ne pas imposer la présence d’enquêteurs polonais auprès des enquêteurs russes et de recourir à la convention internationale sur les accidents aériens civils, alors qu’il s’agissait d’un avion militaire atterrissant sur un aéroport militaire et que cela privait les autorités polonaise de toute possibilité d’implication directe dans l’enquête (un accord russo-polonais qui aurait été plus avantageux pour la Pologne régit normalement les accidents impliquant des avions militaires entre les deux pays), s’est révélée désastreuse puisqu’aujourd’hui toute la thèse sur les causes de l’accident énoncée dans le rapport russe et reprise par le gouvernement polonais dans son « rapport Miller » (du nom du ministre de l’Intérieur qui a présidé la commission d’enquête polonaise ») s’est effondrée avec les résultats des analyses de l’Institut d’expertise judiciaire de Cracovie chargé par le procureur général polonais d’identifier les auteurs des phrases prononcées dans le cockpit du Tupolev présidentiel, une expertise scientifique qui n’avait été faite ni par les autorités russes du MAK ni par la commission polonaise dirigée par Jerzy Miller. Le parquet a ainsi confirmé ce qui avait été annoncé quelques jours plus tôt par les quotidiens Rzeczpospolita et Gazeta Polska codziennie et dont nous avions parlé dans Nouvelles de France, c’est-à-dire qu’il n’existe aucune preuve ni même aucun véritable indice permettant de penser que le général Blasik était présent dans le cockpit de l’appareil à un moment quelconque du vol tragique.
Pire encore, personne ne sait aujourd’hui par qui et comment la voix du chef de l’armée de l’air polonaise avait été reconnue. Jerzy Miller et Edmund Klich, l’officier polonais accrédité par les autorités russes pour coordonner la « coopération » entre les deux pays, persistent et signent tout en reconnaissant s’être uniquement appuyés sur les informations fournies par la partie russe et ne pas avoir eux-mêmes identifié ou fait identifier la voix du général. La thèse de l’atterrissage sous la pression indirecte du président Kaczyński s’écroule donc puisque cette thèse s’appuyait sur la seule présence du général Blasik dans la cabine des pilotes, les enregistrements, ou ce qu’on en connaît, ne comportant aucune phrase permettant de dire qu’il y a eu des pressions.
Dans ces conditions, il va être de plus en plus difficile pour le gouvernement polonais d’expliquer, en prétextant que la coopération avec les autorités russes est de toute façon excellente, que le fait que la Pologne n’ait pas participé directement à l’examen de l’épave de l’appareil et du terrain où il s’est écrasé ni même à l’autopsie des corps des victimes, ou qu’elle n’ait pas pu enquêter sur les erreurs de guidage commises par les contrôleurs aériens de l’aéroport de Smolensk, est sans importance.
Un second mandat qui s’annonce difficile
Le second mandat de Donald Tusk s’annonce donc beaucoup plus difficile que le premier et le climat politique est de moins en moins propice aux réformes qui avaient été reportées depuis quatre ans et demi. Après les élections de 2007, les attaques relayées par les médias « amis », pour reprendre le terme employé par le cinéaste Andrzej Wajda, proche du PO, contre le parti PiS des Kaczynski et les poursuites judiciaires lancées dans différentes « affaires » contre les anciens ministres et hauts fonctionnaires du gouvernement de Jaroslaw Kaczynski, des poursuites qui n’ont finalement débouché sur aucune condamnation, avaient permis à Donald Tusk de faire diversion face à ses promesses non tenues. Aujourd’hui le premier ministre polonais semble de plus en plus sur la défensive face au scandale de l’enquête sur le crash de Smolensk, aux accusations de restriction de la liberté d’expression et à la grogne qui s’amplifie dans tous les secteurs de l’économie touchés par les économies budgétaires et les réformes annoncées pour les quatre années à venir.
De notre correspondant permanent en Pologne.