Les discours successifs de Trump et de Macron auront eu le mérite de marquer le point de divergence entre les deux voies qui s’ouvrent aujourd’hui partout dans le monde devant les peuples et leurs dirigeants. Nationalisme ou progressisme, selon le Président Français. Gouvernance mondiale ou souveraineté des Etats-Nations selon le Président des Etats-Unis. En affirmant sans complexe que son gouvernement avait fait plus en deux ans que ses prédécesseurs, Trump a fait rire et a fini par s’en amuser lui-même. Macron a privilégié ce sommet de la tribune de l’ONU pour tenter de remonter la pente vertigineuse qu’il a connue cet été en France. Pour cela, il a usé de son seul talent, celui de comédien, en retrouvant le ton vibrant qu’il avait adopté durant la campagne et en martelant le pupitre avec une énergie sans proportion avec le poids de ses propos. Le réveil des peuples n’est pas une question de mode. Au contraire, la remise du titre de « champion de la terre » au chef d’Etat français appartient aux concours de beauté organisés à New-York ou à Davos qui assurent le spectacle du mondialisme, où les hommes politiques sont les vedettes de la scène, tandis que la réalité du monde se trame dans les coulisses.
Les Français ont élu un homme qui est le parfait représentant des deux menaces qui prennent notre pays en étau : l’individualisme narcissique qui lui a fait abuser du « je » dans son discours, et la dilution du pays dans le cosmopolitisme. Macron aime les abstractions et les « machins », comme disait de Gaulle, les structures internationales, comme l’Union Européenne ou l’ONU qui cachent leur impuissance derrière les grands mots. » Je viens d’un pays qui a fait beaucoup de mauvaises choses mais qui a toujours tenu dans son histoire une forme d’universel » . Cette phrase résume tout. Macron s’érige en juge du pays qu’il représente, avec une allusion devenue habituelle à la repentance, et la mise en valeur de l’universalité comme identité paradoxale de la France. Sans insister sur le vague de la formule « une forme d’universel » qui n’a guère de sens, on observera que tout le raisonnement qui l’accompagne repose sur une méconnaissance totale de l’histoire qui est pourtant invoquée. Ce n’est pas le cynisme ni le nationalisme qui ont conduit aux génocides, comme il le dit. C’est au contraire l’esprit pacifiste plaçant son espoir déjà dans les machins internationaux comme la SDN et dans les accords internationaux qui a permis la marche vers la tragédie de la seconde guerre mondiale. Briand en est plus responsable que Maurras ou Bainville. D’ailleurs, nombre de vrais collaborateurs s’inspiraient à l’origine de ses idées alors que les premiers résistants étaient pétris des idées d’Action Française. A Kant qui avait entrevu le gouvernement mondial fondé sur des règles morales dans son « Projet de Paix Perpétuelle », Charles Péguy répondait : « le kantisme a les mains pures, mais c’est parce qu’il n’a pas de mains. » Ce sont les discours creux et les machins qui conduisent à Münich puis à l’horreur. Les hommes qui se sont opposés à elle étaient des patriotes, non des songe-creux, champions de l’universel ou de la terre. Ils s’appelaient Churchill ou de Gaulle.
Le Président américain a réaffirmé, quant à lui, le droit à l’identité des peuples, et tout particulièrement celui des Etats-Unis à leur souveraineté, qui ne sera pas abandonnée à « une bureaucratie mondiale, non élue et non responsable ». On peut contester la politique américaine, penser que son respect des identités est très variable, et que l’intérêt de l’Amérique, politique et économique, est toujours privilégié par rapport à lui. L’attitude partiale qui favorise l’Arabie Saoudite au détriment de l’Iran le révèle suffisamment. Mais, cet exemple montre aussi combien sonne creux la référence grandiloquente du Président français aux « Droits de l’Homme ». Lesquels ? Ceux de l’ONU ou ceux votés au sein de l’ Organisation de la Conférence Islamique en 1990, et reconnus par 57 Etats, et qui intègrent une limitation de la liberté d’expression, de la liberté religieuse et de l’égalité entre les hommes et les femmes. Le grand adversaire de la paix n’est pas le patriotisme, mais l’illusion progressiste qui entraîne les peuples vers des mirages, quand les dirigeants réalistes tentent de les conduire avec lucidité, dans la jungle des intérêts unilatéraux, vers le bien commun de la nation qui leur a confié pour un temps son destin.