Tribune libre de Philippe Simonnot*, pour Nouvelles de France
Haro sur Christine Lagarde.
Dimanche, plus de 9 800 commentaires se sont affichées sur la page Facebook de cette brave dame.
Un évènement médiatique. La toile s’est enflammée.
Tout le monde lui est tombé dessus : en Grèce bien sûr, mais aussi en France. Jean-Luc Mélenchon, François Bayrou, et même Laurence Parisot, pour ne citer que les belles âmes les plus écorchées par les propos tenus samedi dernier par la directrice du Fonds monétaire international au quotidien britannique The Guardian.
Une telle unanimité chez des gens qui ne sont d’accord habituellement sur rien a quelque chose de suspect.
Qu’a donc dit Christine Lagarde ?
D’abord que les Grecs devraient “commencer par s’entraider collectivement en payant leurs impôts ». Cet appel au devoir civique n’est-il pas très banal ?
Ensuite, qu’elle avait “autant” à l’esprit ceux qui, en Grèce, étaient privés de services publics que ceux qui ne payaient pas leurs impôts. Que redire à cette remarque pleine de bon sens ?
Et enfin, ceci, qui a vraiment fait scandale : “Je pense plus à ces jeunes enfants dans un petit village du Niger qui vont deux heures par jour à l’école, partageant une chaise pour trois, et qui rêvent d’avoir une bonne éducation. Je pense à eux tout le temps. Car j’estime qu’ils ont encore plus besoin d’aide que les gens à Athènes”.
Oui, scandale ! Comparez les Grecs aux Nigériens ! Pourquoi pas demain les Espagnols aux Ivoiriens, les Italiens aux Maliens et les Français aux Sénégalais ?
C’est une excellente pédagogue, Christine Lagarde. Elle devrait écrire La mondialisation pour les nuls. Le nivellement par le bas, voilà ce qu’elle nous promet. Pourquoi, en effet, les Grecs ou d’autres Européens auraient-ils un accès privilégié à la cagnotte du FMI ? Cette caisse appartient à tout le monde, rappelle celle qui en tient les clefs. Et pas seulement à l’Europe qui comprend les pays les plus riches de la planète. Et dont le désordre actuel est incompréhensible pour le reste du monde…
Il faut bien comprendre de quoi il s’agit. A partir du moment où il s’agit de redistribution, l’arbitraire est au rendez-vous. Que ce soit au niveau national ou au niveau planétaire. C’est ce que feignent de ne pas comprendre les agents de l’État-Providence. Il n’existe aucun critère objectif qui permette de définir des priorités. Les petits Nigériens ne sont pas plus « méritants » que les petits Grecs, les uns et les autres victimes de la corruption, des mensonges et de la sottise de leurs gouvernements.
Évidemment, Christine Lagarde n’aurait pas énoncé de telles énormités si elle était encore ministresse française de l’Économie et des Finances. Mais on devine qu’elle pensait déjà aussi « mal » quand elle régnait à Bercy. L’autre face du scandale, c’est qu’elle dit tout haut aujourd’hui ce qu’elle pensait tout bas hier et que pensent encore et toujours ses pairs. Et qui peut se résumer ainsi : Ras-le-bol des Grecs ; on s’en serait débarrassé depuis longtemps si on savait comment faire sans casser l’euro.
C’est pourquoi les déclarations de Pierre Moscovici, qui, le malheureux, occupe aujourd’hui le fauteuil de Christine Lagarde à Bercy, sont si touchantes. À son retour de Berlin où il avait rencontré son homologue, notre nouveau ministre des finances a dit : « Une sortie de la Grèce de la zone euro provoquerait une contagion de la crise dont l’ampleur n’est pas prévisible et peut-être pas maîtrisable. »
La sortie de la Grèce étant inéluctable sous une forme ou sous une autre, notre Grand Argentier, apprenti sorcier qui s’ignore, nous annonce une catastrophe non prévisible et non maîtrisable !
De tels propos irresponsables auraient dû, eux, soulever une tempête d’indignation.
*Philippe Simonnot publie le 31 mai prochain, chez Perrin, en collaboration avec Charles Le Lien, La monnaie, Histoire d’une imposture.
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