Hier dimanche était une journée électorale en Allemagne et en France. Grande journée pour les Allemands avec le renouvellement du Bundestag. Petite journée pour la France avec l’élection de la moitié du Sénat élue par 76000 « grands électeurs ». Apparemment, les résultats sont opposés. En Allemagne, la CDU-CSU, le parti d’Angela Merkel recule, mais avec un tiers des voix, il demeure le premier parti du pays et formera le prochain gouvernement. Le SPD, les sociaux-démocrates qui participaient à la grande coalition, ont été plumés par cette alliance et ne s’allieront plus avec la droite. Beaucoup de leurs électeurs, 400 000, inquiets du poids grandissant des migrants, ont préféré l’Afd, l’équivalent du Front National. D’autres ont choisi l’extrême-gauche Die Linke. Ce parti stagne plus qu’il ne progresse alors que l’Afd réussit son entrée au Bundestag avec 13,5 % des suffrages et environ 90 députés, ce qui en fait la troisième formation nationale. Les libéraux reviennent au Parlement et seront sans doute membres d’une nouvelle coalition insuffisante pour constituer une majorité. Celle-ci nécessiterait l’adjonction des « Verts », opposés aux libéraux sur de nombreux sujets. Globalement, les bons résultats économiques de l’Allemagne ont sans doute permis à Mme Merkel de s’assurer un quatrième mandat. Toutefois, sa politique fondée sur une image rassurante mais dénuée de fermeté a fait basculer un million de voix au profit de l’Afd. Son ouverture des portes du pays aux migrants n’a pas été compensée par une attitude plus restrictive aujourd’hui. Les libéraux, eux, lui demanderont plus de rigueur à l’égard de l’Europe. L’introduction subreptice du mariage unisexe à la veille de l’élection lui a sans doute aussi aliéné des votes conservateurs. La difficulté pour la Chancelière consistera à vouloir reconquérir des électeurs qui ont glissé vers la droite libérale ou nationale, tout en gouvernant avec les écologistes… Ce n’est pas gagné !
Ce déplacement vers la droite de l’électorat d’Outre-Rhin peut s’interpréter comme l’affirmation d’un peuple. Avec excès, les commentateurs soulignent que « l’extrême-droite » est de retour au Bundestag pour la première fois depuis 1945, et cela sous-entend bien-sûr que les nazis ne sont pas loin. Des manifestants le disent même plus clairement. Une fois encore la désinformation idéologique sur le présent s’appuie sur une utilisation anachronique de l’histoire. L’absurdité du racisme et de l’antisémitisme des nazis s’est développée dans une Allemagne puissante sur le plan démographique et économique, mais humiliée par la défaite, les crises et le chômage. Les juifs ont été le bouc-émissaire d’autant moins justifié que beaucoup d’entre-eux, parfaitement allemands, avaient contribué à la richesse matérielle et spirituelle du pays. L’Allemagne actuelle est vieillissante et comprend une population grandissante d’habitants voire de citoyens qui appartiennent à une autre culture et sont parfois sous la pression directe d’Etats étrangers, comme la Turquie. Le nationalisme d’avant-guerre était animé par la revanche. Celui de l’Afd est l’appel légitime à la défense d’un peuple qui ne veut pas mourir. En cela, ce mouvement se situe dans l’ensemble européen. On observera d’ailleurs qu’il avait échoué en 2013 lorsqu’il privilégiait la question de l’Euro, et qu’il réussit quand il met en avant celle de l’immigration. Il y a là un enseignement qui confirme l’une des causes de l’échec du Front National en France, et l’erreur de la stratégie associée à Florian Philippot.
La déception ressentie par Mme Merkel est sans doute plus douloureuse encore pour M.Macron. Avec un gouvernement allemand plus ferme sur l’immigration et sur la solidarité européenne, il va être plus difficile de s’entendre, à moins de ne s’en tenir en France qu’à l’accentuation d’une politique de rigueur budgétaire qui plaira à Berlin mais multipliera les mécontentements. La situation économique et sociale française favorise l’opposition de gauche dans la rue. Elle a sans doute contribué au succès relatif de l’opposition de droite aux sénatoriales. Il ne faut pas surinterpréter un scrutin sélectif auquel a participé le collège électoral issu des élections municipales de 2014. Les Républicains et l’UDI les avaient remportées. Ils en ont conservé le bénéfice aux sénatoriales, mécaniquement. Toutefois, on notera que « En Marche » n’a pas percé et que le Front National a stagné d’une façon surprenante, puisqu’une fois de plus il a moins d’élus que les communistes. Les menaces du gouvernement sur les finances locales et l’élan brisé du Front National à la suite des Présidentielles expliquent sans doute cette double déconvenue.
L’Allemagne et la France semblaient devoir converger tant les politiques (et les majorités) de Mme Merkel et de M. Macron se ressemblaient. Au lendemain des élections fédérales allemandes, c’est beaucoup moins vrai, et cela tient du paradoxe. La France, avec son « non » au référendum sur la constitution européenne et les résultats électoraux du parti de Mme Le Pen, incarnait la « menace » populiste, et, à la suite d’un concours de circonstances, elle se retrouve avec un exécutif social-« libéral » progressiste et europhile. C’est elle qui veut plus d’Europe et ne souhaite pas en fermer les frontières, quand la majorité allemande va sans doute davantage mettre en exergue l’intérêt national, être plus rétive en matière de solidarité, plus fermée sur le terrain des migrants. Il faut craindre qu’une fois encore, cette tendance de la France, depuis 1981, de prendre l’autoroute à contre-sens, en méconnaissant à l’époque les nécessités économiques et en étant aveugle aujourd’hui sur les menaces qui pèsent sur l’identité et l’existence de la nation française, ne conduisent à la catastrophe. Macron est un contre-sens, une erreur de l’histoire !