>>> Première partie <<<
Tribune libre de Christian Vanneste*
La démocratie représentative est devenue stérile. Elle n’est plus qu’un coûteux simulacre. Les députés sont plus utiles comme intermédiaires entre les citoyens ou les résidents et les pouvoirs publics, que comme législateurs. Leur nombre est trop important, mais au lieu de le réduire, on a compensé la diminution des circonscriptions métropolitaines par la création de onze députés des Français de l’étranger, avec un découpage saugrenu, par exemple celui de la circonscription qui s’étend de la Biélorussie à l’Océanie. On a échappé de justesse à un député de Saint-Barthélémy pour 7 000 habitants ! En revanche, les sénateurs, dont l’activité n’est pas fébrile et qui n’ont que peu de rapports avec les Français en dehors de leurs 150 000 grands électeurs, sont allègrement passés de 331 en 2004 à 348, dont un pour Saint-Barthélémy ! Tout ceci s’est fait sous une majorité de « droite », tellement soucieuse d’économiser les dépenses publiques ! Tous ces sièges éminemment sympathiques garantissent une grande discipline de ceux qui entendent les conserver et qui ne vont pas importuner la technobureaucratie dirigeante par des réformes importunes ! Pris entre le marteau de l’employeur et l’enclume du client-électeur, le parlementaire doit être là pour voter comme son groupe lui a demandé de le faire, et assurer ses permanences afin de recevoir les solliciteurs et d’essayer d’obtenir satisfaction auprès d’un ministre, à condition d’être en bons termes avec lui.
Le système est donc voué à la médiocrité et à l’immobilisme, avec ce paradoxe qu’incapable de mettre en œuvre des réformes importantes, le Parlement est néanmoins une usine à fabriquer des lois, de plus en plus nombreuses, inutiles ou inappliquées, transcriptions des directives des technocrates européens, idées lumineuses tenues dans un tiroir par un haut fonctionnaire qui est, enfin, parvenu à les vendre ou suggérée au plus haut niveau par un visiteur du soir, tellement plus écouté que l’élu de terrain. Cette étonnante gestation explique l’incohérence et la précipitation dans le souci premier de communiquer plutôt que d’améliorer. Le recours à la démocratie directe permettrait de briser cette machine infernale en osant les réformes essentielles, en demandant au peuple de trancher sur des questions sociétales, en lui permettant de décider de ses impôts. Cela enclencherait un déblocage de notre société.
La Suisse a rejeté les 35 heures, l’Italie, l’échelle mobile des salaires par référendum ! Les grands blocages sont dans la tête des élus, non dans celle des électeurs, qui vont être capables de choisir le meilleur, si on prend le temps du débat et si la régularité des référendums évite qu’on les confonde avec un plébiscite pour ou contre l’exécutif. La suppression des départements, l’abolition du stupide ISF, l’instauration de la TVA sociale, à propos de laquelle j’avais interrogé trois fois, en direct, l’ancien Président de la République, la réforme structurelle des retraites, l’abrogation du statut de la fonction publique, l’obligation du travail dans les prisons sont des révolutions vitales pour notre pays qu’un seul législateur pourrait oser légitimement : le peuple, lui-même !
De même, la gauche veut procéder à des réformes qui portent atteinte aux fondements de notre société, uniquement par idéologie : le vote des étrangers aux élections locales, qui brouille le lien entre la citoyenneté et la nationalité et sape l’idée de NATION, et le mariage entre personnes de même sexe, qui fragilise cette valeur essentielle qu’est la FAMILLE. Une majorité temporaire n’a aucune légitimité pour briser ces piliers de nos institutions, pour miner les communautés « naturelles » qui consolident notre vie sociale et ne relèvent pas à ce titre du droit positif. Là encore, le Peuple pourrait trancher plus légitimement.
Enfin, en matière fiscale, toutes les études convergent : les dépenses publiques sont moins fortes et les impôts moins élevés là où on pratique la démocratie directe. Aux Etats-Unis, Matsusaka montre dans une étude de 1995 que les dépenses des États entre 1960 et 1990 sont inférieures de 4% lorsque l’initiative populaire pour amender la constitution existe. En Suisse, les enquêtes menées par Freitag et Vatter montrent que les dépenses sont plus basses et le taux de croissance économique plus fort là où les référendums financiers sont nombreux. Ceux-ci sont obligatoires dans certains cantons au-delà d’un certain volume de dépenses nouvelles. Dans ce cas, les dépenses publiques par tête sont de 18% inférieures ! Feld et Savioz ont publié en 1997 une étude qui établit que les cantons à démocratie directe ont produit 5% de PIB par tête de plus que les autres. On y fait davantage appel à des taxes pour services rendus qu’à l’impôt. Pour 131 des plus grandes communes suisses,la dette brute par habitant est inférieure de 45% avec le référendum financier. Enfin, le risque de faire des dépenses éloignées des préférences des citoyens est beaucoup plus important en démocratie représentative et très logiquement l’évasion fiscale est plus faible avec la démocratie directe. À ceux qui craindraient l’égoïsme à courte vue et l’irresponsabilité des citoyens, il faut rappeler par exemple le maintien des dépenses militaires et la limitation de l’endettement par les électeurs helvétiques. Comme Von Hayek l’a montré, l’information capillaire des citoyens est en fait supérieure à celle des parlementaires soumis aux médias et aux lobbies.
Le 13 avril 2011, j’ai déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale une proposition de loi tendant à instituer le référendum d’initiative populaire. Très inspiré par l’exemple suisse, ce texte prévoyait trois procédures distinctes au niveau national et, bien sûr la possibilité pour les collectivités de pratiquer la démocratie directe. Nationalement, si on appliquait ce texte, une loi ne pourrait être promulguée pendant trois mois après son vote. Dans ce délai, une pétition de 500 000 citoyens entraînerait un référendum-veto contre la loi. Deuxième procédure : 800 000 électeurs pourraient par leur signature obliger à soumettre une proposition de loi à objet unique à l’ensemble du corps électoral. Enfin,une révision de la Constitution pourrait être demandée par un million d’électeurs. L’habitude étant créée, les votants s’en tiendraient à la question, mais le choix des citoyens serait respecté. La Constitution européenne aurait été repoussée pour elle-même, ce qui paraît entièrement justifié aujourd’hui, et le Président Sarkozy n’aurait pas osé mépriser et contourner le vote populaire en faisant approuver le Traité de Lisbonne par le Parlement, fin 2007. Le vote des étrangers ou le prétendu « mariage » entre personnes de même sexe seraient évidemment soumis au suffrage universel des Français.
La situation actuelle ne permet plus d’opposer l’aristocratie élective du régime parlementaire, avec ses élus éclairés, informés et entourés de collaborateurs compétents et dévoués à la vraie « démocratie populaire », et sa pente anarchique. Les élus écartelés entre de multiples obligations, soumis à de nombreuses pressions, sont dans l’incapacité de procéder aux réformes nécessaires et se précipitent vers celles qui sont nuisibles. Faute d’avoir le courage de basculer les charges, liées à la protection sociale, du travail vers la consommation, ils vont entreprendre de nier l’existence objective des sexes… La sagesse se trouve désormais au sein du peuple, chez ceux qui affrontent quotidiennement les problèmes que les premiers résolvent d’autant moins qu’ils ne risquent pas d’en souffrir.
> Un colloque sur le référendum d’initiative populaire est organisé samedi 29 septembre (demain) entre 10h et 17h à l’USIC, 18 rue de Varennes à Paris, par le RIF, Agir Pour la Démocratie Directe, le RPF, Initiative 2014. J’y participe en tant que Président du RPF.
*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.
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