Tribune libre de Christian Vanneste*
Jean-Luc Mélenchon exige un référendum sur la règle d’or. La ficelle du démagogue caricatural est grosse, mais c’est son style et sa spécialité. Il s’agit avant tout de gêner Hollande, de drainer vers lui l’électorat ouvrier de plus en plus hostile à une Europe qui ne protège pas les emplois industriels, mais semble au contraire prendre un malin plaisir à multiplier les contraintes, à diminuer le pouvoir d’achat et à favoriser la montée du chômage. Il n’y aura pas de référendum et notre nouveau Marat aura beau jeu de dénoncer l’embourgeoisement technocratique du PS, ce qui est loin d’être absurde, et, s’il y en avait un, le “Non” l’emporterait, et ce serait un renversement du rapport de forces, un retour à l’avant-Mitterrand. La demande de Mélenchon est donc purement tactique, et pour une fois, Eva Joly n’a pas tort, lorsqu’elle dit qu’on ne peut pas demander un référendum au nom de la démocratie en Europe et applaudir à deux mains l’autoritarisme tropical de Chávez.
C’est la raison pour laquelle il faut être favorable au référendum, lorsqu’on est un vrai démocrate sans complexe. Comme d’habitude, François Hollande a choisi la facilité, en se félicitant de la décision du Conseil Constitutionnel d’autoriser la voie parlementaire. C’est une triple erreur : d’abord, il renouvelle la faute de Nicolas Sarkozy, qui avait fait voter par le Parlement le Traité de Lisbonne, alors que 54,68% des électeurs français avaient repoussé le Traité établissant la Constitution européenne, dont le texte soumis aux parlementaires reprenait l’essentiel. Je ne l’avais d’ailleurs pas voté, à l’époque. Jean-Marc Ayrault, avait quant à lui, avec son ton professoral d’éternel donneur de leçon, demandé un nouveau référendum. Il a maintenant bonne mine ! Ensuite, le Président de la République ne tient pas compte de l’avis de Français : 72% souhaitent le référendum, 75% pour la droite, mais aussi 66% des socialistes. Enfin, les Allemands, et non des moindres, évoluent sur la question : Wolfgang Schaüble, le ministre CDU des Finances, Guido Westerwelle, pour les libéraux, Sigmar Gabriel, le chef de l’opposition social-démocrate y sont favorables et le philosophe de référence, Jürgen Habermas soutient également cette idée.
“L’Europe ne se construira ni sans les peuples, ni contre eux.”
Mais, surtout, c’est une incroyable faute de jugement sur la démocratie et sur l’Europe. Au lendemain des deux effondrements des totalitarismes, celui de 1945 et celui de 1989, la construction européenne ne pouvait se réaliser que par la démocratie, c’est-à-dire avec la participation des peuples. Elle s’en est éloignée chaque jour davantage pour devenir l’addition d’un parlement inutile et impuissant et d’une technocratie arrogante et inefficace. Comme l’avait souligné Alain Peyrefitte, lorsqu’il y avait encore dans notre pays des hommes politiques capables de réfléchir, le moteur de la démocratie, c’est la confiance. Pour redonner confiance dans l’Europe il faut donc passer par l’épreuve du référendum. Et moi qui ai voté les amendements du Nouveau centre visant à instaurer l’indispensable règle d’or, rejetés par l’UMP (qui a ressorti l’idée deux ans plus tard, au moment de la campagne), je pense qu’il est essentiel d’avoir un vrai débat national sur cette question pour que les Français se pénètrent de son importance et des enjeux. Je suis persuadé que dans ces conditions le bon sens l’emportera et que cette victoire fera renaître cette confiance qui manque tant. C’est le pari que font nos amis allemands et ils le font dans la mesure même où ils sont attachés à l’Europe.
Le risque repose tout entier sur la crainte que les électeurs répondent à une autre question que celle qu’on leur a posée ou expriment un sentiment étranger au sujet. Cette crainte peut se dénommer autrement : méfiance, car c’est la méfiance, qui a depuis De Gaulle fait reculer l’usage du référendum. La solution consiste au contraire à en régulariser l’usage à la manière suisse. Si l’on vote régulièrement, alors on prend l’habitude de dissocier sa réponse d’un soutien ou d’une défiance à l’égard du pouvoir en place, on forge son opinion en s’informant, et l’on choisit sereinement. La réforme constitutionnelle de 2008 a instauré un faux-semblant de référendum d’initiative populaire dont la procédure est tellement lourde qu’elle n’aura jamais lieu. J’ai, pour ma part, déposé le 13 avril 2011, une proposition de loi, afin d’intégrer dans notre Constitution le triple mécanisme de la “votation » suisse, soit pour abroger une loi, soit pour en voter une nouvelle, soit pour réformer la Constitution. L’Europe ne se construira ni sans les peuples, ni contre eux. Le référendum, loin d’être un obstacle est une condition de possibilité du tout indissociable qu’est l’Europe démocratique.
*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.
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