Tribune libre de Paul Goldschmidt*
Trouvant son origine dans le krach financier de 2008, créé par un surendettement accumulé sur plusieurs décennies, la crise a engendré une crise économique pour déboucher en 2010, sur la crise de la dette souveraine. Cette situation a mis en exergue l’interdépendance malsaine du secteur bancaire et des finances publiques des pays membres de la zone euro. Le problème est aggravé par la limitation statutaire des pouvoirs de la BCE et les asymétries entre risques bancaires et leur financement correspondant, reflétant le caractère inachevé de l’intégration du marché financier de la zone.
Mais depuis quelques semaines, la crise ne se focalise plus sur les problèmes, cependant bien réels, de la Grèce, du Portugal, de l’Irlande ou encore de l’Espagne et de l’Italie ; On en n’est plus là. Dorénavant, c’est l’Union Européenne elle-même, et la zone euro en particulier, qui sont dans l’œil du cyclone.
L’organisation de la « solidarité » au sein de l’Union devient donc la question primordiale. Sans elle, l’avenir de la monnaie unique sera irrémédiablement compromis, entraînant dans sa chute toute la construction européenne, si laborieusement élaborée durant plus de 60 ans.
C’est dans ce contexte que la qualité de la relation franco-allemande doit être appréciée et que les deux pays sont face à une responsabilité historique. Or les signes avant-coureurs du sommet sont inquiétants : au lieu de la traditionnelle concertation préalable à deux, François Hollande a élargi la préparation en y associant Mario Monti et Mariano Rajoy pour – espère-t-il – exercer une pression maximale sur la Chancelière. Cette concertation, présentée comme une avancée, est en réalité un aveu de faiblesse. Il risque d’isoler la France.
En effet, alors que ses trois partenaires semblent y être en principe disposés, le Président français refusera, à moins d’une volte-face peu probable, d’instaurer la discipline budgétaire requise (règle d’or, réformes structurelles, etc.) et d’envisager les transferts de souveraineté indispensables (contrôles budgétaires centralisés, règlementation/supervision bancaire intégrée, sanctions crédibles etc.). Ces mesures constituent pourtant autant de conditions préalables à la mise en place des nouveaux outils « communautaires » performants tels que l’Union bancaire ou les eurobonds qui sont l’expression concrète, à terme, d’une mutualisation des risques entre pays de la zone euro. Elles conditionnent la relance qu’il appelle de ses vœux.
Dans l’urgence créée par l’approfondissement inexorable de la crise, François Hollande ne bénéficie pas de « l’état de grâce » durant lequel il lui est loisible de ménager son opinion publique. Disposant d’une majorité à tous les niveaux, lui permettant de gouverner sans entraves, il est confronté d’ores et déjà à un choix crucial pour l’avenir de la France : soit il s’accorde avec la Chancelière sur une « feuille de route » européenne à caractère « fédéraliste – et en homme fort, il devra impose son point de vue à sa majorité parlementaire et à son opinion publique majoritairement hostiles ; soit la stature d’homme d’Etat lui faisant cruellement défaut, il se contentera d’être un acteur parmi d’autres qui auront contribué à l’implosion de l’euro et de l’Union Européenne par leur manque de vision et de détermination.
L’heure du courage politique a sonné. Des propositions sont sur la table, notamment celles de la Chancelière Merkel. Au soir du 29 juin nous saurons si les sacrifices qui nous seront immanquablement demandés sont porteurs d’espérance ou si les dirigeants européens ont capitulé en rase campagne. On attend, non sans inquiétude, la parole de la France.
*Paul Goldschmidt est ancien administrateur de Goldman Sachs International et ancien directeur à la Commission européenne, membre de l’Advisory Board de l’Institut Thomas More.
Le site de l’Institut Thomas More.