Vendredi, les députés polonais ont rejeté en première lecture les 3 projets de loi prévoyant des unions civiles ouvertes aux couples homosexuels. Deux projets de lois étaient proposés par le parti social-démocrate post-communiste SLD et par le parti ouvertement pro-LGBT « Mouvement Palikot », le troisième était proposé par le parti libéral (PO) du Premier ministre Donald Tusk et soutenu par ce dernier. Mais même ce projet est tombé grâce aux voix dissidentes de 46 députés conservateurs du PO qui sont venues s’ajouter à celles de l’opposition conservatrice (le PiS de Kaczyński et le SP issu d’une scission du PiS) et à celles du parti paysan (PSL) partenaire minoritaire au sein de la coalition gouvernementale.
C’est un véritable camouflet pour Donald Tusk et l’aile gauche de son parti qui auraient souhaité faire évoluer la législation polonaise dans le même sens que celle d’autres pays européens et qui cherchent à récupérer l’électorat perdu avec le départ de Janusz Palikot et la création de son « Mouvement Palikot », un parti ouvertement pro-LGBT, pro-avortement et fortement anticlérical.
Les Polonais ne veulent pas d’un droit à l’enfant
Conformément aux attentes d’une population majoritairement opposée à la création d’un PaCS ouvert aux homosexuels et massivement opposée à toute idée de mariage et d’adoption pour les couples homosexuels, il n’y aura donc pas en Pologne de PaCS à la française.
Un sondage réalisé en 2010 en Pologne montrait qu’environ 80 % des Polonais étaient contre le « mariage » homosexuel et 93 % contre l’adoption pour les couples homosexuels. Toujours en ce qui concerne le rapport des Polonais aux droits de l’enfant, plutôt qu’un droit à l’enfant, ce même sondage mettait aussi en évidence le rejet massif de l’avortement sur demande en Pologne (seuls 20 % des Polonais seraient favorables à une législation de type « loi Veil »). Un tiers des Polonais s’opposent même à toute possibilité d’avortement quelle que soit la situation et il y a eu plusieurs initiatives ces dernières années, y compris un projet de loi d’initiative populaire qui a recueilli près d’un million de signatures, pour restreindre encore plus l’accès à l’avortement, notamment quand cet accès est motivé par une maladie grave et incurable de l’enfant au stade fœtal (une notion malheureusement invoquée de manière abusive, par exemple en cas de trisomie 21 de l’enfant à naître).
“L’exemple français est régulièrement avancé en Pologne par les personnes qui s’opposent à une forme d’union civile ouverte aux homosexuels puisqu’on voit bien, avec ce qui se passe en France, qu’un tel cadre juridique n’est pour ses partisans qu’une étape vers un changement bien plus profond et plus lourd de conséquences.”
Avant le vote de vendredi, le ministre de la justice Jarosław Gowin, considéré par les médias comme le leader de la fraction conservatrice du PO, a appelé les députés à voter contre l’examen en commission des trois projets de loi en avançant qu’ils étaient tous contraires à la constitution polonaise qui stipule que « Le mariage en tant qu’union d’une femme et d’un homme, la famille, la maternité et le statut de parents sont protégés par la République de Pologne ». Une déclaration que le premier ministre Donald Tusk a qualifié d’opinion personnelle dans son intervention devant le Parlement. Ceci n’a pas empêché 46 députés du PO de suivre l’avis du ministre de la justice, contre 146 qui ont voté en faveur du projet de loi de leur parti. Les deux partis de gauche pro-LGBT et pro-avortement n’ayant ensemble que 62 sièges sur 460, leur soutien n’a pas suffi à Donald Tusk pour créer en Pologne un modèle d’union civile proche du PaCS français.
L’exemple français mobilise les opposants à un PaCS polonais
L’évolution du PaCS français vers une revendication de « mariage » et d’adoption pour les couples composés de personnes du même sexe n’est pas totalement étrangère à cet échec. L’exemple français est régulièrement avancé en Pologne par les personnes qui s’opposent à une forme d’union civile ouverte aux homosexuels puisqu’on voit bien, avec ce qui se passe en France, qu’un tel cadre juridique n’est pour ses partisans qu’une étape vers un changement bien plus profond et plus lourd de conséquences. Le journal polonais de gauche Gazeta Wyborcza, qui est à l’origine de la plupart des informations publiées sur la Pologne dans les médias mainstream français et qui est favorable non seulement à une forme de PaCS en Pologne mais aussi à tout ce qu’une majorité de Polonais rejettent, comme, entre autres, la dénaturation du mariage, l’adoption pour les couples homosexuels et l’avortement sur demande, ne publiait-il pas d’ailleurs samedi une comparaison des droits qui auraient été accordés aux couples homosexuels avec, sur quatre colonnes, les trois projets de lois rejetés vendredi et… le « mariage ». Et comme en France, les opposants à une évolution vers une modification de la définition du mariage en faveur des couples homosexuels sont qualifiés par Gazeta Wyborcza et par les partisans de la cause LGBT d’homophobes arriérés.
De notre correspondant permanent en Pologne.
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