Depuis hier matin, ce Français fondateur de la marque de pâtes alimentaires Malma qui s’était privé de nourriture pendant 12 jours en juillet afin de faire respecter les droits des travailleurs de son entreprise en faillite, a repris sa grève de la faim devant le siège de la Diète, la chambre basse du Parlement polonais.
Soutenu dans son combat par des députés de l’opposition et de la majorité, mais aussi par une partie croissante des médias polonais qui n’avaient pas toujours donné foi à ses propos lorsqu’il dénonçait la banque Pekao, filiale de l’Italienne Unicredit, qui avait, selon ses dires, volontairement mis en faillite l’entreprise Malma pour faire la place à son concurrent italien Barilla et récupérer les terrains de Malma pour le compte de la société immobilière italienne Pirelli RE (voir à ce sujet l’interview publiée sur Nouvelles de France le 3 septembre dernier), Michel Marbot, à qui j’ai rendu visite hier soir sur le carré de pelouse où il s’est installé, comme en juillet, en face de l’entrée du Parlement, croit dur comme fer au bien-fondé de son combat.
Pourquoi recommencer aujourd’hui cette grève de la faim ? Tout simplement parce que les démarches promises par les autorités polonaises, en la personne du ministre de la Justice et du Médiateur des droits civiques, n’ont abouti à rien. Pour rappel, Michel Marbot exige que ses travailleurs soient traités comme l’exigent le droit polonais et le droit européen et que l’administrateur judiciaire qui gère la liquidation de l’entreprise dénonce les contrats de travail et paie aux salariés, sur la masse de faillite, les arriérés de salaires et les indemnités de licenciement qui leur sont dues (ils sont sans salaire et sans indemnités depuis plus d’un an !) et qu’il remette l’eau dans les logements d’entreprise habités par des retraités de la société Malma. Sur cinq familles qui occupaient ces logements, quatre sont déjà parties, évitant ainsi à l’administrateur judiciaire d’avoir à les reloger conformément à la loi polonaise, et le Médiateur des droits civiques a même demandé à Michel Marbot si un seul occupant restant, du reste déjà fort vieux, méritait qu’on se casse encore la tête pour contraindre l’administrateur judiciaire à remettre l’eau !
Un deuxième motif qui a joué un rôle dans cette décision drastique prise par notre compatriote, c’est que la liquidation de son entreprise est du ressort du tribunal de Gdansk dont le président doit être démis de ses fonctions suite à la provocation dont nous avons parlé dans Nouvelles de France le 17 septembre (voir l’article ici) et qui a prouvé, s’il fallait encore des preuves, que ce tribunal est au service non pas de la justice mais des gens influents : du premier ministre Donald Tusk pour ce qui est de la provocation de ce journaliste qui s’est fait passer pour l’assistant du chef de la chancellerie du premier ministre, et du chef de son conseil économique, Jan Krzysztof Bielecki, ancien président de la banque qui a poussé Malma à la faillite, quant il s’agit de se débarrasser à bon compte des travailleurs de Malma et de faire condamner non pas la banque et l’administrateur judiciaire mais le chef d’entreprise Michel Marbot.
Du reste, au regard de l’impuissance des gens pourtant influents qui ont promis de faire bouger les choses sans y parvenir (y compris l’actuel ministre de la Justice et son prédécesseur, qui font tous deux partie de la majorité aujourd’hui au pouvoir, ainsi que le médiateur des droits civiques), Michel Marbot pose ouvertement la question : en Pologne, est-ce le pouvoir démocratiquement élu qui tient les commandes du pays, ou est-ce au contraire une mafia politico-financière qui profite de la faiblesse des institutions malgré les grandes réformes entreprises dans les années 90. Un député d’opposition présent hier soir lors de ma discussion avec Michel Marbot confirme le problème : il était président de la commission chargée de surveiller le fonctionnement des banques pour la Diète (la chambre basse du Parlement) avant que le parti majoritaire du premier ministre Tusk ne décide de dissoudre cette commission inutile ou peut-être gênante pour son principal conseiller économique Jan Krzysztof Bielecki.
Pour Michel Marbot, il ne s’agit plus seulement d’un combat pour ses travailleurs, mais d’un combat pour que ses enfants (il en a sept, d’une mère polonaise) puissent vivre dans un pays « normal ». Nombreux sont les Polonais qui lui sont reconnaissants de se battre pour ceux parmi eux qui n’ont pas bénéficié du partage du pouvoir et des ressources économiques à la chute du communisme, comme ces policiers qui l’ont gentiment abordé dans la journée pour lui dire combien ils appréciaient son action.
La question de Malma et de la grève du Français Michel Marbot feront partie des revendications exprimées par les manifestants attendus en masse (les organisateurs en attendent deux cent mille, après les quelque cent mille du 21 avril dernier) ce samedi à Varsovie pour une grande action de protestation en faveur d’une plus grande diversité des médias mais aussi contre la politique du gouvernement de Donald Tusk.
Michel Marbot s’adresse aux lecteurs des Nouvelles de France :
De notre correspondant permanent en Pologne.
Lire aussi :
> La grève de la faim d’un patron français en Pologne pour défendre ses salariés
6 Comments
Comments are closed.