Plan de relance européen : l’exportation française de socialisme se porte bien

Voilà, c’est signé, envoyez la musique, la fête peut continuer : le bon gros plan de relance européen est dans la boîte et, moyennant 750 milliards d’argent du contribuable, tout va repartir comme avant. Mais si. Vous verrez, ça va être supayr.

La presse française s’en est largement fait l’écho : ce plan fut arraché de haute lutte par notre Magnifique Président qui n’aura pas ménagé sa peine afin de sceller un accord entre 27 pays membres parfois réticents à mettre au pot et faire preuve de l’indispensable solidarité qui fonde l’Union Européenne, à raison de 390 milliards d’euros de subventions, un peu moins de prêts, pour une enveloppe globale comprise entre 700 et 750 milliards d’euros, à la louche (ne chipotons pas à 50 milliards d’euros près, de grâce).

Ce ne fut pas sans mal : il faut dire que certains des États n’avaient pas trop envie de dilapider leurs ressources pour voler au secours d’autres qui n’ont pas hésité, eux, à sortir leur carnet de chèque en bois biodynamique. De façon surprenante en effet, les Pays-Bas, l’Autriche, la Suède et le Danemark n’entendent pas mettre leurs excédents budgétaires et leurs marges de manœuvre financière à la disposition des autres pays (France, Espagne et Italie en tête) : ainsi donc, les gens rigoureux et les épargnants prévoyants n’aiment pas trop se faire déposséder de leurs économies au profit des impécunieux, des incompétents et des dépensiers. Vraiment, où va le monde ?!

Mais finalement, après quelques bras tordus dans le dos, quelques négociations en coulisse dont les tenants et les aboutissants seront savamment occultés afin de ne pas trop effaroucher les peuples concernés, un accord fut donc trouvé. Dans la presse nationale française, cela se traduit par un véritable concert de klaxons joyeux et de la titraille clinquante à base d’adjectifs pétulants (« accord historique », rien de moins). Pensez donc : l’argent des autres va venir se déverser à hauteur de 40 milliards pour la France.

Certes, ceci ne comblera pas – loin s’en faut – le déficit budgétaire de cette année, mais ces nouvelles piscines olympiques remplies de billets de banque tous frais qui se déverseront sur le budget français permettront au moins deux choses : d’une part, de redorer un peu le blason franchement défraîchi du président EM (En-Mêmetemps), ce qui est toujours pratique alors que s’annonce une rentrée particulièrement calamiteuse ; d’autre part, cet accord permet de reporter une (toute petite) partie de la pression fiscale française sur les autres pays européens qui, gageons-le, en seront ravis.

Cependant, tout ce foin – dont la mise en scène n’a été qu’un prétexte à la mégalomanie macronienne – se traduit en réalité par la mise en place de solutions bien françaises à l’échelon européen, pour des problèmes auxquels on sait pourtant comment répondre politiquement et économiquement.

Ce genre de crises n’est en effet pas la première ni probablement la dernière qui survient pour l’Humanité ; et si redonner des marges de manœuvres (fiscales, sociales, notamment) aux entreprises permet assez sûrement de se remettre rapidement des dégâts causés, l’histoire montre assez clairement que jeter des masses d’argent public sur les marchés n’a absolument jamais permis de relancer quoi que ce soit. C’est donc logiquement cette dernière solution qui a été choisie : faire cracher les États qui ne dépensent pas pour ceux qui dépensent sans contrepartie et sans limite, et, pompon de l’affaire, pousser à l’établissement sinon d’une fiscalité européenne, au moins d’un endettement européen.

En effet, les 390 milliards de subventions du fameux plan de relance formeront une dette commune à rembourser par les 27. Si ceci n’est pas un transfert clair des économies saines vers les États en faillite, une façon à peine camouflée de faire payer les fourmis pour les gabegies des cigales, cela y ressemble beaucoup.

En pratique, la France est devenue la porte-parole de l’Europe panier-percé et grâce aux belles envolées lyriques d’un président tout gonflé de sa propre importance, on met en place un mécanisme qui garantit sur facture l’enfoncement de tout le continent dans les mêmes affres que ceux que connaît la France actuellement, à savoir l’endettement, la fiscalité de plus en plus délirante et la déconnexion croissante entre les besoins de terrain et l’action publique, gavée de subvention.

Car il faut être fort naïf pour ne pas voir dans ce nouvel épisode européen à la fois la volonté de Merkel de laisser une trace visible de son passage (à 750 milliards d’euros la trace, merci du cadeau), une sorte de combat chimérique contre les populismes – dans l’idéologie simplette de beaucoup de dirigeants actuels, le populisme est le résultat de la pauvreté et non de leurs politiques idiotes, et se combat donc par un déversement d’argent gratuit – et surtout une porte ouverte vers une fiscalité européenne « consolidée » qui annonce un État fédéral assez peu probablement orienté vers plus de liberté et d’autonomie pour le citoyen (il n’est qu’à voir les velléités de Bruno Le Maire, un autre Français – ce n’est pas une coïncidence – à pousser encore et encore sa taxe GAFA au niveau européen).

Oui, vraiment, c’est un accord historique

Mais probablement pas dans le sens où l’entendent Macron, Merkel et la coterie journalistique derrière ; cet accord marque clairement un tournant majeur de la politique allemande, un pas de plus vers une fiscalité européenne, et une nouvelle extension des exportations françaises de socialisme, seule exportation politique véritablement réussie par la France ces cent dernières années.

Tout ceci va forcément très bien se terminer.

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