(MàJ du 26/10 à 9h) D’après les sondages de sortie des urnes, le parti conservateur Droit et Justice (Prawo i Sprawiedliwość, PiS) de Kaczyński, aurait obtenu 37,7 % des voix et aurait des chances de pouvoir gouverner seul. Les deux partis de la coalition gouvernementale actuelle sont très loin derrière : 23,6 % pour la Plateforme civique (Platforma Obywatelska, PO) qui gouverne depuis 8 ans et dont est issu l’ex-premier ministre et actuel président du Conseil de l’Union européenne, Donald Tusk, et 5,2 % pour le parti « paysan » PSL. En troisième position derrière la PO, le nouveau parti Kukiz’15 fondé par le rockman Paweł Kukiz qui avait créé la surprise en obtenant 20,8 % des voix au premier tour des élections présidentielles de mai, aurait obtenu 8,7 % des voix. Si le programme et le positionnement de ce parti et de son leader sont quelque peu obscurs, leur côté anti-système et patriotique fait d’eux, s’il fallait une coalition pour gouverner, le seul partenaire potentiel du PiS. Ce serait toutefois probablement un partenaire difficile.
Dans l’attente des résultats officiels définitifs qui seront connus au plus tôt mardi après-midi, les possibilités sont les suivantes :
1) Une majorité absolue des sièges pour le parti Droit et Justice. Un gouvernement majoritaire PiS, cela voudrait dire que la Pologne s’engagera dans une politique ressemblant plutôt à celle conduite par le Fidesz hongrois et son chef Viktor Orbán. Avec une différence importante cependant : en matière de politique étrangère, le PiS est plus atlantiste et plus hostile à la Russie que le Fidesz. Côté similitudes, on peut souligner l’opposition claire à la politique immigrationniste de l’Union européenne et le refus catégorique de tout mécanisme de distribution des immigrés clandestins entre les pays de l’UE, le refus de toutes les politiques voulues par le lobby LGBT, la protection de la vie de la conception à la mort naturelle (refus de l’avortement, ce en quoi le PiS est plus pro-vie que le Fidesz qui se contente de mettre en place des politiques encourageant les Hongroises à ne pas se faire avorter), le projet de taxer les banques et la grande distribution, l’augmentation des dépenses militaires, la mise en place d’une politique familiale encourageant les naissances plutôt que de reculer sans arrêt l’âge de la retraite, etc. Ah, et puis le report sine die de l’adoption de l’euro et la promesse d’un référendum avant de changer de monnaie, les conditions d’appartenance à la monnaie commune ayant changé depuis que les Polonais ont fait le choix d’adhérer à l’UE. Autres points importants du programme du PiS, qui ressemblent à ce qui a été mis en œuvre en Hongrie par le Fidesz : lutte contre la corruption, réforme d’une justice corrompue et au service de l’exécutif, démembrement des réseaux politico-médiatico-économiques plus ou moins mafieux hérités de la transition du communisme à la démocratie libérale…
Des réseaux mis en évidence, s’il fallait encore des preuves à ceux qui ne voient dans leur dénonciation que théorie du complot, par des écoutes secrètes qui ont visé plusieurs membres du gouvernement et de l’oligarchie économique, la dernière en date, divulguée quelques jours avant les élections, révélant les magouilles de membres du gouvernement PO qui ont permis de vendre moitié prix une grosse entreprise publique au plus gros milliardaire du pays, Jan Kulczyk.
2) Deuxième possibilité : une coalition du PiS avec Kukiz’15. Il est difficile à ce stade de dire quel impact la participation de ce deuxième parti aurait sur le programme mis en œuvre.
La troisième possibilité qui était envisagée semble désormais hors de portée du Système. Les élections s’étant déroulées au scrutin proportionnel avec un seuil minimal de 5 % pour entrer à la Diète (le Sénat est élu au scrutin uninominal à un tour, mais c’est la chambre basse du Parlement qui a de toute façon le dernier mot en matière de lois et c’est donc elle qui importe le plus), la PO aurait pu s’allier à la gauche et au PSL ainsi qu’à un autre parti, Nowoczesna.pl (crédité de 7,7 % des voix), créé de toutes pièces et promu à outrance ces dernières semaines par les médias du Système, sans doute pour donner une alternative aux électeurs déçus par l’incompétence et la corruption de la PO et faire justement barrage au PiS. D’autant plus que les grands médias mainstream sont aux mains de multinationales européennes qui ne voient pas d’un bon œil le programme du PiS en matière de taxation des banques et de la grande distribution. Une telle coalition anti-PiS aurait poursuivi la politique servile vis-à-vis de Berlin et de Bruxelles, et aurait cherché, plus encore que le gouvernement actuel, à formater la Pologne catholique à la mode LGBT bruxelloise.
Élément crucial pour le PiS : si les petits partis n’atteignent pas le seuil minimum, c’est lui, en tant que parti gagnant, qui bénéficiera le plus des sièges redistribués. En bref, pour que le PiS obtienne la majorité absolue des sièges, il faut qu’un minimum de partis entrent à la Diète. Or deux partis (le PSL et le parti de l’ultra-libéral Korwin-Mikke) sont à la limite : 5,2 % et 4,9 % respectivement. La Gauche unie (Zjednoczona Lewica, union de la gauche post-communiste, à l’électorat traditionnel plutôt conservateur, et de la gauche LGBT, plutôt marginale en Pologne), devait atteindre, en tant que coalition de partis, le seuil de 8 % pour entrer à la Diète. Les sondages de sortie des urnes lui donnent 7,5 %. L’autre parti de gauche, Ensemble (Razem), qui a choisi de faire bande à part, n’aurait obtenu que 3,9 % des votes, ce qui veut dire que les partis qui se disent de gauche ne seront probablement plus représentés au parlement polonais.
La participation, estimée à plus de 51 %, atteindrait ainsi son troisième meilleur taux depuis la transition démocratique de 1990.
Les bureaux de vote étant restés ouverts jusqu’à 21h, il était interdit avant cette heure de donner les résultats partiels des sondages de sortie des urnes. Néanmoins, comme pour les élections présidentielles de mai qui ont vu la victoire du président conservateur du PiS Andrzej Duda, les « milieux informés » sur les réseaux sociaux semblaient dès le début de la soirée déjà croire à une victoire sans appel du PiS, et affirmaient, sur Twitter, que ces personnes savaient déjà :
Tusk savait, lui aussi, lui dont l’ancien ministre de la Justice Jarosław Gowin a affirmé qu’il avait très peur d’être traduit devant les tribunaux en cas de victoire du PiS, notamment en relation avec le crash de Smolensk :
Le discrédit du gouvernement actuel est tel que même le petit-fils du premier ministre Ewa Kopacz a essayé aujourd’hui de l’empêcher de voter pour la PO.
Quoi qu’il arrive, on ne peut que se réjouir du fait que le virage libertaire de la PO et les lois libéralisant la fécondation in vitro ou permettant le changement de sexe dans les papiers d’identité en fonction du sexe “ressenti” (loi bloquée par le veto du président Andrzej Duda), ainsi que son discours de plus en plus progressiste, ne lui aura été d’aucune utilité dans ces élections, bien au contraire.
Du même auteur :
Après la Hongrie, la Pologne ? Haro sur les conservateurs !
L’affaire des écoutes secrètes en Pologne : un test pour les institutions européennes
50 Comments
Comments are closed.