Tribune libre de Renaud Dozoul*
Le 25 mai dernier, le quotidien espagnol El País s’intéressait au petit village de Pioz, dans la province de Guadalajara, que la gestion calamiteuse (mais tout à fait représentative de la « stratégie de croissance » adoptée par l’Espagne avant de tourner le volant de la rigueur) a précipité dans un véritable gouffre de dette publique.
L’article nous apprend qu’avec ses 3 800 habitants et ses 16 millions d’euros de dettes, soit 4 200 euros par habitant, il ne faudrait pas moins de 7 058 ans à la bourgade pour rembourser ses créanciers. Un tel chiffre fait sourire.
Il nous manque des éléments pour savoir sur quelle base de remboursement Madame le Maire de Pioz arrive à ces très décourageants 7 058 ans, projetant l’équilibre des comptes publics de sa ville à l’horizon de l’an 9070, la durée étant essentiellement déterminée par les taux d’intérêts, qui sont en réalité très fluctuants.
Mais cette présentation a ceci d’intéressant de donner une échelle plus commensurable que les très abstraits « milliers de milliards » d’euros. Examinons donc le cas de la dette publique française.
Les différents calculs de la dette (selon les critères de Maastricht, comprenant ou non les collectivités territoriales, incluant ou non la dette potentielle que constitue le régime de retraite par répartition, etc.) donnent des montants différents.
Pour tenter de donner une idée de la charge de la dette rapportée à un foyer, il nous semble légitime de travailler à partir du chiffre « haut » de cette fourchette, dans la mesure où quelle que soit la structure ou l’origine de la dette, son remboursement reposera invariablement sur les contribuables, sous les formes les plus multiples et les plus créatives d’imposition.
Donc, sur une base de 2 000 milliards d’euros pour 65 millions de Français, ce sont 30 000 euros qui pèsent sur chaque Français (ce qui représente 120 000 euros pour un foyer de quatre personnes). Soit plus de sept fois la dette par habitant de la ville de Pioz. Ainsi, en suivant les calculs de remboursement de Madame le Maire, il faudrait environ 50 000 ans aux Français pour rembourser une dette accumulée en seulement 35 ans.
Ces chiffres mettent malheureusement cruellement en lumière l’aberration de cette fuite en avant, et l’irresponsabilité totale des gouvernements successifs qui ont pendu la France à la corde de l’endettement public.
Le dernier projet de loi de Finances qui sera discuté le mois prochain au parlement accélère d’ailleurs dans cette direction insensée, en projetant de réduire les déficits par l’augmentation d’impôt et non par la baisse de la dépense publique.
L’effet est prévisible, le poids de la fiscalité devenant trop lourd pour de nombreux Français et pour de nombreuses entreprises : les rentrées fiscales attendues vont en réalité baisser, devant l’exil, le développement de l’économie parallèle, et la chute de compétitivité.
L’État devra alors combler ce manque à gagner dans une économie encore plus affaiblie, et devant des marchés échaudés (à raison) quant à notre capacité de remboursement.
Il est difficile de prévoir le calendrier de cet effondrement, mais nous n’avons sans doute pas 50 000 ans devant nous.
*Renaud Dozoul est architecte de formation et assistant parlementaire.
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