Tribune libre de Christian Vanneste*
Grand mouvement d’indignation à l’Assemblée nationale : le Premier ministre socialiste a osé dire que l’opposition voulait l’échec du pays. La « droite » s’est levée comme un seul homme, atteinte dans son honneur et sa dignité, pas mécontente d’offrir aux députés l’occasion d’un spectacle qui passera en boucle sur les écrans et rassurera sur la présence dans l’hémicycle – enfin, avant le départ outragé – et montrera aux électeurs qu’on ne se moque pas aussi aisément des élus de la République. Quant à vouloir l’échec du pays, ils se le diront à la buvette parlementaire, il n’en est pas question. Ils savent simplement que le gouvernement est mal parti, que le bilan faiblard de Sarkozy, déjà miraculeusement sauvé par le dynamisme du candidat et la ligne de Buisson, va peu à peu prendre de la couleur face à la navigation à la godille de l’exécutif. La Perrette qui sommeille en tout politique compte déjà les conquêtes des villes, des départements, des régions, des sièges de sénateurs et le retour au pouvoir, enfin, qui vont résulter de la déception et de la colère suscitées par l’impéritie gouvernementale.
Mais l’opposition de droite (?) et du centre (?) devrait être plus modeste. Ni l’immobilisme radical (et aussi socialiste d’ailleurs) de Chirac, ni l’agitation de son successeur n’ont été capables, en 10 ou 12 ans de pouvoir, de procéder aux réformes structurelles dont la France avait le plus urgent besoin. Après les 5 ans de raffarinades et de villepineries, de petits pas pour l’un, d’éloquence du menton pour l’autre, nous étions nombreux à attendre l’homme du courage et des réformes. On a eu l’ouverture à gauche, la croissance par la dépense et la baisse sélective de la fiscalité, et un rétropédalage après deux ans de crise. Le résultat n’est certes pas le pire, mais il témoigne d’un manque total de vision à long terme, de cohérence et de véritable courage de la part du personnel politique de notre pays. Le bilan en est calamiteux : tandis que l’Allemagne ou la Suède diminuaient la part de dépenses publiques dans le PIB, la France passait de 52,6 à plus de 56% pendant le dernier mandat, avec une dette qui explosait de 1 100 à 1 800 milliards (86% du PIB) et des prélèvements obligatoires qui atteignaient un niveau record. Aujourd’hui comme hier, nos gouvernements semblent prisonniers d’un redoutable effet de ciseau : la diminution des dépenses, notamment en investissements, va amoindrir la demande. L’augmentation des charges et des impôts va affaiblir à la fois l’offre, la compétitivité et la consommation.
Parmi tant d’erreurs, l’une est emblématique : il s’agit de la TVA sociale qui consistait à baisser les charges qui pèsent sur NOS entreprises pour accroître leur compétitivité et financer une partie de la protection sociale sur la consommation, et donc aussi sur les importations et les touristes. Cette réforme mise en œuvre dans les pays scandinaves à la fin des années 80, plus ou moins pratiquée par d’autres depuis, nous allons bientôt être les seuls à ne pas l’avoir instaurée. Si nous la faisons après les autres pour réduire le déficit et non plus pour baisser les charges, ça n’aura évidemment plus le même intérêt. Que la gauche y soit opposée par bêtise et par démagogie ne me choque pas. Ils n’en veulent pas parce que la droite l’a proposée et parce que cela risque de déplaire aux consommateurs qui ne pourront plus aussi facilement acheter des téléviseurs japonais avec leurs allocations de rentrée scolaire. Bien sûr, ils découvrent le problème de la compétitivité et un ministre n’hésite pas à mouiller sa marinière pour devenir le VRP de l’usine qui la produit. Cela réjouit l’ancien président du groupe d’étude Textile de l’Assemblée que je suis, mais ce n’est pas une politique et cela dévalue la politique ! Lorsque je consulte l’histoire de cette réforme avortée, et la manière dont la « droite » l’a traitée, je suis révolté : Artuis la propose au début des années 90. Il soutient aujourd’hui Borloo qui, incapable de la défendre face à Fabius en 2007, nous la plombe pendant tout un mandat. Auteur, en 2005, d’une proposition de loi visant à l’introduire, j’interroge une première fois Sarkozy qui me répond taxe carbone aux frontières européennes ! Je le félicite lorsqu’il la relance, mais trop tard, en 2012. Tant de légèreté, tant d’impuissance soulèvent un doute angoissant sur la qualité de ceux qui nous gouvernent.
La « droite » sans conviction ni connaissance des sujets se résume à n’être que la gauche avec retard et en fonction des sondages.
Hélas, ce cas n’est pas isolé. Que Fillon qui a été membre de la majorité pendant 10 ans et Premier ministre pendant 5 découvre le problème des 35 heures maintenant, que Copé soit brutalement illuminé par l’existence du racisme anti-blanc devraient les disqualifier définitivement aux yeux des Français. Ils étaient distraits. Ils sont maintenant devenus attentifs… attentifs à devenir le patron de l’UMP, puis, pourquoi pas, celui de la France ensuite. Pauvre France, qui n’a vraiment pas mérité ça ! Certes, Nicolas Sarkozy a réformé plus que d’autres : carte judiciaire, autonomie des universités, fusion de services, taxe professionnelle.
Mais à côté de ces quelques exemples, trois tendances plus lourdes se sont manifestées. D’abord, la « droite », comme la gauche, mais c’est plus inquiétant, est victime de cette maladie qui a atteint la France pour la première fois, entre 1789 et 1794, le sinistrisme qui fait croire aux malades qu’il y a un sens de l’histoire allant de droite à gauche. La prétendue « droite » croit donc qu’après avoir combattu le PaCS vainement, elle doit le considérer comme une bonne idée puisqu’en concernant essentiellement des « hétérosexuels », il s’est contenté de miner un peu plus la famille. Elle est maintenant divisée sur le mariage des personnes de même sexe et vous avez même au sein de l’UMP, un mouvement et des personnalités qui militent en sa faveur (GayLib, ndlr). De même, le vote des étrangers que Sarkozy lui-même a envisagé. La « droite » sans conviction ni connaissance des sujets se résume à n’être que la gauche avec retard et en fonction des sondages.
Ensuite, il y a la priorité donnée au « technique » sur l’idéologique. On va préférer le bouclier fiscal à l’abolition de l’ISF, qui aurait été un signal fort, la défiscalisation des heures supplémentaires à l’abrogation des 35 heures, la gestion hôtelière des prisons et les gadgets électroniques de la loi pénitentiaire plutôt qu’une réforme en profondeur du code pénal incluant la révision totale des ordonnances de 45 sur la justice des mineurs, le développement coûteux du mille-feuille territorial plutôt que la suppression des départements obsolètes.
Enfin, il y a l’implosion idéologique de la « droite » qui ne rassemble plus maintenant que des professionnels de la politique dont la carrière se fait au nom du pouvoir à tout prix. Du gaullisme, il ne reste que le pragmatisme sans le but qui était l’intérêt national. De la démocratie chrétienne, il ne subsiste rien chez ceux qui ne veulent même plus affirmer les valeurs chrétiennes de l’Europe. Du libéralisme, que survit-il pour ceux qui n’osent plus se dire libéraux et ne cessent de vilipender le conservatisme, pour ceux qui ont introduit plus de 30 nouvelles taxes dans le mandat précédent et accepté le développement odieux d’une police de la pensée ?
Certes, la France hérite d’une des gauches les plus néfastes, les plus dangereuses et mortifères pour leur pays. Mais victime d’une redoutable hémiplégie, elle n’a pas de droite. Ceux qui prétendent être de ce côté ou qui souhaitent le soutenir devraient y réfléchir. Effectivement, l’histoire de notre pays a eu un sens ces dernières décennies, c’est le déclin et peut-être même la décadence. Il est déjà bien tard. Barrès, dans Leurs Figures, disait de l’Assemblée, « cette cuve où tous les espoirs achevaient de s’anéantir ». Cette phrase me revient à l’esprit lorsque, désormais spectateur, j’en vois la stérile agitation, tellement éloignée d’une ambition digne de la France.
*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.
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