Alors que la date du Championnat d’Europe des nations 2012 Pologne-Ukraine approche, il serait sans doute bien de prévenir les fans de foot lecteurs de Nouvelles de France des difficultés qu’ils pourraient rencontrer en Pologne.
En Pologne, la première difficulté réside dans l’état des préparations au championnat. Si tous les stades seront prêts à temps, encore faut-il pouvoir se rendre dans les différentes villes qui abriteront les matchs. Par la route ? C’est bien entendu possible mais il faudra s’armer de patience, plusieurs chantiers d’autoroutes et de voies express ayant pris du retard. Ainsi, le gouvernement PO-PSL (coalition des libéraux de la « Plateforme civique » et du parti paysan au pouvoir depuis 2007) n’a réussi à réaliser qu’une petite partie des 900 km d’autoroutes et des 2100 km de voies express qui devaient être construits pour relier les villes accueillant des matchs (Varsovie, Gdańsk, Poznań et Wrocław). La majeure partie des chantiers seront achevés seulement en 2013-2014, comme c’est aussi le cas d’ailleurs de la deuxième ligne de métro en cours de construction à Varsovie et qui devait améliorer la liaison avec le tout nouveau « stade national ».
En dehors des périodes de forte circulation, il faut donc compter plus de 7 heures de route entre Berlin et Varsovie (590 km), dont 4 heures pour la partie Poznań-Varsovie (320 km), et pas moins de 5h30 pour faire Wrocław-Varsovie (340 km), 5h pour parcourir la route de Gdansk à Varsovie (344 km) et 6h30 entre Gdańsk et Wrocław (440 km). Seulement avec les matchs de l’Euro 2012, sans doute faudra-t-il compter nettement plus.
Pire encore, des menaces de grèves et de blocages de routes pèsent sur le championnat. Ainsi, certains entrepreneurs qui travaillaient sur le chantier de l’autoroute A2 entre Poznań et Varsovie ont annoncé à plusieurs reprises qu’ils pourraient bloquer les routes pendant l’Euro 2012 si le gouvernement ne fait rien pour qu’ils soient payés rapidement. L’entreprise générale DSS qui les employait sur un des tronçons du chantier a fait faillite et la Direction générale des routes et autoroutes, le maître d’ouvrage, refuse de payer les sous-traitants de DSS auxquels l’État réclame en outre les impôts et les charges sociales sur les factures non réglées ! Beaucoup de ces petites entreprises sont donc en faillite, leurs salariés ne touchent plus leurs salaires depuis plusieurs mois et des entrepreneurs ont même dû vendre leur maison et autres biens personnels pour pouvoir couvrir leurs charges et joindre les deux bouts. Ce sont donc des gens très en colère qui font porter la responsabilité de leur situation sur la direction des routes et autoroutes qui avait sélectionné l’entreprise générale DSS, une entreprise pourtant déjà endettée à l’époque vis-à-vis du Trésor public, et sur le gouvernement qui assurait encore en février, par la voie de son porte-parole, que DSS ne ferait pas faillite. Un gouvernement qui porte aussi la responsabilité des retards du chantier puisqu’il avait été très fier de choisir au départ l’entreprise chinoise Covec qui proposait de construire une partie du tronçon manquant d’autoroute entre Poznań et Varsovie (100 km de chantier en tout pour ce tronçon) pour moitié prix. Fiers « d’économiser » l’argent du contribuable en privant les entreprises polonaises de travail et en faisant entrer la concurrence déloyale chinoise sur le marché polonais des travaux publics, les pouvoirs publics ne semblaient pas comprendre que tout a un coût, contrairement aux grandes entreprises du secteur du BTP qui étaient dès le début persuadées que Covec ne construirait pas l’autoroute au prix annoncé à moins que le gouvernement chinois n’ait décidé de cofinancer le chantier pour pouvoir faire entrer leurs entreprises de BTP sur le marché européen, un cofinancement qui n’a apparemment pas eu lieu puisque Covec a finalement dû se retirer du chantier faute de pouvoir payer ses sous-traitants polonais au juste prix.
Bien entendu, il n’y a pas que la voiture et l’écologie étant à la mode nous sommes encouragés à laisser notre auto au garage pour prendre le train. C’est une solution mais attention ! Tout d’abord les temps de voyage en Pologne sont assez longs et vous paierez le prix d’un voyage en TGV pour vous déplacer à la vitesse d’un scooter. Chacun pourra le constater lui-même en consultant les horaires sur le site des chemins de fer polonais (en anglais). Pour Gdańsk-Varsovie, une ligne en travaux depuis des années, comptez par exemple 6-7 heures de train. Par ailleurs la sécurité laisse à désirer et si le train est considéré partout en Europe comme le moyen de transport le plus sûr, en Pologne les incidents se multiplient sur un réseau en déliquescence, le gouvernement PO-PSL ayant choisi depuis 2007 de consacrer aux routes et autoroutes la grande majorité des sommes investies dans les infrastructures de transport. Le dernier accident, un choc frontal entre deux trains heureusement à petite vitesse qui n’a fait que deux blessés légers, date d’avant-hier. En revanche le 3 mars dernier, une collision entre deux trains avait fait 16 morts et une soixantaine de blessés et avait conduit Le Petit Journal à faire un bref état des lieux sur la sécurité ferroviaire en Pologne, un petit article à lire si vous envisagez de prendre le train en Pologne.
Et attention si vous prévoyez de vous déplacer en train : face à cette situation catastrophique, les cheminots menacent de faire grève pendant l’Euro 2012 !
Alors un bon conseil, prenez l’avion ! Pour les horaires et les prix des vols intérieurs, voyez le site de la compagnie nationale Lot (en français). Du reste le premier ministre lui-même a choisi l’hélicoptère pour sa visite récente du chantier de l’autoroute A2 qui, rappelons-le, devait être prête pour l’Euro 2012, et certaines mauvaises langues font remarquer que l’A2 est effectivement praticable, comme le promettait Donald Tusk il y a encore un an, mais uniquement en hélicoptère ou en avion.
Mais une fois encore, attention ! Il pourrait y avoir des grèves et des blocages dans les villes qui accueillent l’euro, même si gouvernement et opposition appellent les mécontents à la retenue pendant le championnat. Et il y a en ce moment des groupes très mécontents comme les chauffeurs de taxi qui protestent contre la libéralisation annoncée de leur secteur (ce n’est pourtant pas la concurrence qui fait défaut en Pologne entre taxis) et les syndicats qui protestent contre la nouvelle loi sur les retraites qui fait passer la retraite à 67 ans pour tous au lieu de 65 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes jusqu’à présent. Une retraite à 67 ans alors que l’espérance de vie est de 71 ans pour les hommes et de 77 ans pour les femmes. Autant dire que le Polonais moyen ne profitera pas longtemps de la retraite !
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