Mardi dernier les juges de Strasbourg ont rendu un arrêt condamnant la Hongrie pour avoir infligé à un criminel une peine de réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. Le détenu s’en était plaint, y voyant là un traitement inhumain et dégradant. Ce détenu, du nom de Laszlo Magyar, avait été condamné par la justice hongroise pour sa participation à une série de cambriolages avec coups et blessures contre des personnes âgées. Plusieurs vieillards étaient morts à la suite des coups reçus lors de ces cambriolages. Une sombre affaire pour laquelle ce Laszlo Magyar aurait mérité d’être pendu haut et court, mais les pays européens ayant renoncé à la peine de mort il n’a été condamné qu’à la prison à perpétuité. Pas à 40 ans de prison comme en France ou 30 ans comme en Espagne, des durées compressibles de surcroît car non contents d’avoir abandonné la peine de mort la plupart des pays européens n’ont plus de véritables peines de prison à vie. En Hongrie toutefois, il existe de vraies peines de réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pour les pires criminels comme ce Laszlo Magyar.
Pour la Cour européenne des droits de l’homme, qui a rendu un arrêt dont il peut encore être fait appel, il s’agit là d’une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (interdiction des traitements inhumains ou dégradants). En effet, d’après ces illustres juges, les détenus à perpétuité devraient savoir « comment faire pour pouvoir prétendre à un élargissement, et sous quelles conditions ». Le droit des pays signataires de la Convention doit en outre garantir une « prise en considération des changements dans la vie du détenu et de ses progrès sur la voie de l’amendement ». Non pas que la Convention des droits de l’homme stipule de telles conditions, mais les juges militants de la Cour européenne des droits de l’homme s’arrogent comme à l’habitude des pouvoirs d’interprétation illimités de ses clauses.
L’arrêt rendu indique ensuite que « La Cour en a conclu que la peine infligée à M. Magyar ne pouvait passer pour compressible, ce qui était constitutif d’une violation de l’article 3. » En d’autres termes, pour ces juges débonnaires, aucune peine de prison à perpétuité ne saurait être définitive et si la Convention européenne des droits de l’homme n’impose pas de libérer les criminels, il faut y lire entre les lignes que chaque condamné à vie doit se voir présenter une liste de conditions à remplir pour pouvoir être libéré : « La Cour reconnaît que les personnes reconnues coupables d’un crime grave peuvent être condamnées à une peine d’emprisonnement à durée indéterminée si la protection du public l’exige. Toutefois, l’article 3 doit être interprété comme imposant la compressibilité de la peine, en ce que les autorités nationales doivent pouvoir réexaminer la peine de perpétuité afin de déterminer si les détenus condamnés à cette peine ont accompli des progrès sur la voie de l’amendement tels que leur maintien en détention ne peut plus se justifier. De plus, dès que débute l’exécution de leur peine, ces détenus ont le droit de savoir ce qu’ils doivent faire pour pouvoir prétendre à un élargissement, et sous quelles conditions. »
La Cour européenne des droits du criminel, pardon, « de l’homme », a donc demandé à la Hongrie de réformer son système de condamnation à la réclusion à perpétuité pour que ces condamnations ne puissent jamais être définitives et elle a également condamné la Hongrie à verser à ce tueur de vieilles gens 2000 € pour dommage moral et 4150 € pour les frais de procédure devant la justice de Strasbourg.
Les juges de Strasbourg s’étaient déjà distingués récemment en imposant à l’Espagne une libération anticipée des tueurs en série du groupe terroriste d’extrême-gauche ETA en renversant la « doctrine Parot » par laquelle la justice espagnole avait modifié de manière rétroactive les principes d’application des remises de peine afin qu’elles s’appliquent séparément à chacune des peines infligées et non pas à la peine totale.
Toutefois, contrairement au gouvernement de Mariano Rajoy qui s’était empressé de s’exécuter en libérant plusieurs terroristes basques au grand dam des familles des victimes, le premier ministre hongrois Viktor Orbán a qualifié la décision de la Cour de Strasbourg de scandaleuse et de preuve supplémentaire du fait qu’à Strasbourg comme à Bruxelles « les droits de ceux qui ont commis un crime passent avant les droits des innocents et les droits des victimes », ajoutant qu’il rejetait fermement cette décision de la justice européenne au nom du gouvernement hongrois et que l’institution de la prison à vie doit être défendue en raison de son effet dissuasif. Son parti conservateur, le Fidesz, a également émis un communiqué dans lequel il insiste que la réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle serait maintenue pour ceux qui ont privé d’autres personnes de vie. La possibilité d’infliger des peines de réclusion à perpétuité est d’ailleurs inscrite dans la nouvelle constitution hongroise et elle avait été soutenue par 94 % des Hongrois dans la grande consultation nationale qui avait précédé l’adoption de cette constitution. Le parti nationaliste Jobbik, premier parti d’opposition, a quant à lui qualifié l’arrêt des juges de Strasbourg de révoltant et a demandé au Fidesz de conserver la clause sur la prison à vie dans le code pénal hongrois.
Une fois de plus, c’est la Hongrie, un petit pays de dix millions d’habitants, qui fait figure d’exemple en Europe.
Du même auteur :
26 Comments
Comments are closed.