Tribune libre de Christian Vanneste*
Martine Aubry serait fâchée contre Manuel Valls à la suite du démantèlement de deux camps illégaux de Roms dans la banlieue lilloise. Les deux intéressés démentent, la main sur le cœur. Lorsque la gauche expulse, ça n’a aucun rapport avec la politique de Sarkozy ou de Guéant. Le discours n’est pas le même ! Pourtant, les familles se retrouvent à la rue… Mais, ça n’était que pour appliquer des décisions de justice, et il n’y a eu aucun message de haine, de discrimination ni de stigmatisation. Rien à voir avec Grenoble ! D’ailleurs, on va élargir les possibilités d’accès à l’emploi pour ces populations et le Premier ministre va organiser une table ronde sur le sujet dès la semaine prochaine. D’accord, mais les Roms vivent actuellement dans des conditions tout-à-fait insalubres, le lien entre leur présence et certaines formes de délinquance semble avéré, les démantèlements vont se poursuivre, les aides au retour aussi, et la mauvaise volonté de la Roumanie est toujours montrée du doigt. Rien n’a changé ?
Cette question est révélatrice : elle est réelle, elle suppose des solutions responsables et la majorité d’hier comme celle d’aujourd’hui servent exactement le même jeu. D’abord, des mesures marginales indispensables et insuffisantes pour paraître appliquer la loi, en mettant fin à des situations contraires à l’ordre public et à la présence d’étrangers qui n’ayant pas de travail au bout de trois mois de présence, représentent une dépense déraisonnable pour le pays d’accueil. Ensuite, des discours à la fois récupérateurs et embarrassés pour satisfaire une partie de l’électorat sans trop déplaire aux autres. Pour la « droite », afficher la fermeté pour plaire à l’électorat conservateur, mais sans révulser l’angélisme humanitaire des chrétiens. Pour la gauche, reconquérir les travailleurs, volontiers patriotes et sécuritaires, (C’est un monde, tout de même) mais aussi ne pas révolter la cohorte des associations, des chrétiens toujours prêts à l’autoflagellation, des bobos « plus généreux que moi tu meurs » et de l’extrême-gauche plus que jamais avide de charger le bateau France pour qu’à la fin, il coule. Enfin, le problème n’étant pas résolu, on passera à autre chose…
“Chaque Rom coûte déjà entre 4 600 et 6 300 euros à notre pays, à quoi s’ajoutent les 300 euros d’aide au retour (+100 par enfant) et les 2 600 euros de prime à intégration économique dans le pays d’origine.”
Deux démarches plus cohérentes peuvent être entreprises : la première consiste à prendre la présence des Roms comme un fait accompli, d’ailleurs déjà légitimé par le droit, puisque la majorité de cette population est constituée de citoyens de l’Union européenne et pourra de toute manière bénéficier de la libre circulation dès le premier janvier 2014. Il y aurait 15 ooo Roms en France : ce n’est pas énorme et il faut donc construire des villages d’insertion pour les loger. Il faut scolariser les enfants. Il est urgent d’ouvrir le marché du travail. Cette solution est absurde, irresponsable et injuste. Elle est absurde parce que dans un pays qui ne parvient pas à résoudre les problèmes du logement et de l’emploi, il est contradictoire d’alourdir les difficultés, même pour un nombre limité de personnes, dans la mesure où toute solution qui viendrait s’ajouter aux soins gratuits, à la scolarité offerte, aux aides diverses dont celle au retour qui permet de payer le voyage dans l’autre sens, ne peut que provoquer un appel d’air. Elle est irresponsable, car elle ne pourra qu’accentuer les problèmes déjà rencontrés : mendicité infantile, augmentation des vols et des cambriolages, prostitution, trafics etc.. Lorsque Claude Guéant soulignait l’augmentation de 259% de la délinquance parisienne liée selon lui à la présence de Roumains, les belles âmes tartufiennes avaient crié au scandale et dénoncé la honteuse confusion entre les Roumains et les Roms, faute de pouvoir dans notre cher pays appeler un chat un chat. La fréquentation des gares est pédagogique : demande de signature par des bandes organisées, bague jetée dans vos jambes. Il y a manifestement du savoir-faire et loin de moi l’idée que cela serait propre à un groupe quelconque malgré des ressemblances fondées sur d’évidents préjugés. Il reste qu’une telle solution est injuste puisqu’elle repose sur les Français qui n’ont aucune responsabilité dans la situation des Roms dans l’Est de l’Europe. Le jugement porté à l’encontre de l’action de Manuel Valls par M. El Ghozi, président de RomEurope est consternant . Il ose dire : “L’argument avancé selon lequel les solutions sont à trouver en Roumanie ou en Bulgarie est irrecevable et hypocrite car nous savons que ces deux pays n’ont ni les moyens ni l’envie de traiter les Roms comme des citoyens à part entière. La France n’a d’ailleurs pas de leçon à donner sur la manière dont elle traite ses propres gens du voyage »… Ni les moyens ? Alors que la Roumanie perçoit 2,2 milliards sur les 17,5 consacrés par l’Europe à ce dossier, et qu’elle n’en utilise que 38 millions parce qu’effectivement, elle n’en a pas envie. Et c’est la France qui serait coupable parce qu’elle maltraiterait ses gens du voyage pour lesquels chaque commune de plus de 5 ooo habitants est astreinte à réaliser une aire d’accueil ? Chaque Rom coûte déjà entre 4 600 et 6 300 euros à notre pays, à quoi s’ajoutent les 300 euros d’aide au retour (+100 par enfant) et les 2 600 euros de prime à intégration économique dans le pays d’origine.
“La subsidiarité exige que dans le cadre européen, chaque pays applique la loi et respecte son esprit avant de demander le bénéfice d’une solidarité destinée à compenser ses manquements au respect de ces règles.”
Il faut donc prendre un autre chemin : en écoutant le Pape, notamment pour les catholiques. Bien sûr qu’il faut accueillir la “diversité légitime », mais sans oublier de vérifier cette légitimité à sa source. Et le Saint Père d’appeler « les États à éradiquer les causes de l’immigration illégale et de stopper, dès la racine, toutes les formes de criminalité qui sont liées ». La subsidiarité exige, en effet, que dans le cadre européen, chaque pays applique la loi et respecte son esprit avant de demander le bénéfice d’une solidarité destinée à compenser ses manquements au respect de ces règles. L’élargissement et l’approfondissement de l’Union européenne menés de front par des politiciens irresponsables et une Commission aveugle et entêtée conduisent l’Europe et ses membres à la catastrophe. Plutôt que de faire supporter une charge de plus en plus lourde au pays les plus responsables, au risque de les affaiblir de manière dramatique pour leur population, il serait plus urgent de limiter le bénéfice de l’adhésion des passagers clandestins qui sont entrés en Europe par la fraude. Ainsi, il faudrait suspendre sine die le bénéfice de la libre circulation des personnes dans les autres États pour les ressortissants des pays qui ne font pas un effort d’intégration d’une partie de leur population. À cet effort d’insertion devrait s’ajouter une autre exigence : celle d’éradiquer les mafias qui expliquent le lien entre certaines migrations et une certaine criminalité. À ces conditions, des pays comme la Roumanie pourraient continuer à percevoir des aides dont l’usage devrait être étroitement contrôlé. Le démantèlement des camps devrait être accéléré afin de mettre fin à une situation sanitaire inacceptable. Le retour au pays devrait être systématique et sans indemnité. Lorsque l’on applique seulement l’évacuation du campement, on offre le spectacle insupportable de familles jetées à la rue et, du même coup un argument aux adversaires de ces mesures.Il faudrait au contraire s’assurer que les fonds européens soient immédiatement utilisés par les pays d’origine pour accueillir leurs rapatriés.
Les Roms sont une minorité importante en Europe, de l’ordre de 10 millions en Union européenne proprement dite. C’est à la fois peu et beaucoup, mais suffisant en tout cas pour démontrer que l’Europe sert à quelque chose et peut être capable de déployer une politique ciblée et responsable dont on pourra mesurer l’efficacité à l’arrivée. Les directives contraignantes malgré leur absurdité et les discours aussi apparemment généreux que réellement irresponsables (Je pense à Mme Reding, ou à M. Špidla en particulier) finiront au contraire par détruire les dernières illusions des Européens sur la construction européenne !
*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.
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