Les Polonais outrés par un film allemand sur la Deuxième guerre mondiale

Les Polonais outrés par un film allemand sur la Deuxième guerre mondiale

La télévision publique allemande ZDF a récemment produit et diffusé un film sur les tribulations d’un groupe de jeunes soldats allemands de la Wehrmacht entre 1941 et 1945 (des dates qui correspondent à l’historiographie soviétique de la guerre). Des Allemands bien gentils, pas vraiment antisémites, pas nazis du tout, face à une résistance polonaise prête à tout pour se débarrasser des Juifs. Ainsi, dans une scène qui ne s’appuie sur aucun fait historique mais qui fait hurler les Polonais, un commando de l’AK, l’armée clandestine polonaise, après avoir pris aux Allemands un train transportant des Juifs vers un camp de concentration, décide, en s’apercevant qu’il s’agissait de Juifs, de ne pas les libérer et de les abandonner à leur sort tragique. Dans une autre scène, à la question de paysans polonais qui s’enquièrent pour savoir s’ils ont des Juifs dans leur unité, les soldats de l’AK répondent : « Les Juifs, nous les noyons comme on fait avec les chats ». L’AK, dirigée depuis Londres par le gouvernement polonais en exil, était la plus grosse armée clandestine de la Deuxième guerre mondiale, avec à son moment culminant prêt d’un million de membres dont plusieurs centaines de milliers de combattants. La thèse suggérée par ce film, intitulé « Nos mères, nos pères » (Unsere Mütter, Unsere Väter), est reprise sur le site Internet du magazine allemand « Bild » qui assure ses lecteurs que les membres de l’AK étaient des nationalistes polonais antisémites et que les nazis n’auraient pas pu être aussi efficaces dans leur entreprise d’extermination des Juifs sans l’antisémitisme virulent des habitants des pays d’Europe de l’Est.

Il s’agit d’une thèse assez répandue chez les Juifs français et américains, beaucoup plus que chez les Juifs israéliens originaires de Pologne mieux au courant de l’histoire compliquée de ce pays. On retrouve par exemple ces accusations chez Joseph Joffo et chez Martin Gray (dont le récit autobiographique « Au nom de tous les miens »  soulève bien des doutes chez les historiens polonais et anglo-saxons, mais est pris pour argent comptant par les Français).

Si les Polonais peuvent à la rigueur comprendre que les victimes ou les descendants des victimes de la Shoah noircissent l’attitude des Polonais pendant la guerre, cela devient carrément insupportable quand ce sont les enfants des auteurs des crimes qui se mettent à faire porter aux autres peuples la responsabilité de la folie meurtrière nazie.

Les Polonais reprochaient déjà à l’Allemagne d’omettre dans l’histoire enseignée à l’école les crimes terribles commis contre les non-Juifs, et ce pas uniquement par les SS. Les exactions allemandes ont bien entendu été particulièrement horribles vis-à-vis des Juifs qui faisaient l’objet d’un programme d’extermination systématique, mais elles ont aussi visé d’autres nationalités en territoire polonais. Ainsi, à Varsovie, outre l’instauration puis l’extermination du ghetto de Varsovie en avril 1943, il y a eu l’écrasement dans le sang de l’Insurrection d’août et septembre 1944 : quelque deux cent mille morts côté polonais dont 10 % seulement étaient des combattants, et une ville entièrement détruite, maison par maison.

Les Français méconnaissent souvent l’étendue des destructions allemandes et soviétiques en territoire polonais. La Deuxième guerre mondiale a fait perdre à la Pologne d’avant-guerre six millions d’habitants sur quarante. Sur ces six millions, 2,9 millions de Juifs (sur 3 millions environ) systématiquement exterminés par les nazis. Les autres appartenaient aux autres nationalités qui peuplaient la Pologne en 1939 : Polonais, Ukrainiens, Biélorusses, Lithuaniens… Un peu plus de 10 % des citoyens polonais morts pendant la guerre ont été tués dans le cadre d’opérations militaires. Les autres ont été victimes d’exécutions, de massacres de villages entiers (plusieurs centaines) et de déportations dans les dans camps de concentration allemands, mais aussi soviétiques de 1939 à 1941 puisque l’est de la Pologne était occupé par l’Armée rouge. Un million et demi de Polonais ont été envoyés dans les camps de Sibérie et la moitié d’entre eux y sont morts.[1]

La réputation antisémite de la Pologne n’est pas totalement injustifiée mais il faut la replacer, d’une part, dans le contexte de l’antisémitisme européen de l’époque et, d’autre part, dans le contexte d’un pays qui venait de reconquérir son indépendance et dont la survie était menacée par l’Allemagne nationale-socialiste et par la Russie soviétique. Un pays avec des minorités nombreuses et dont l’attachement à la Pologne n’était pas toujours évident. Entre les deux guerres, il y avait en Pologne deux grands camps politiques : la démocratie chrétienne qui avait une vision plus fédératrice des différentes nations qui vivaient sur le territoire de la IIe République polonaise et les nationaux-démocrates qui exacerbaient les méfiances vis-à-vis des minorités.
Comme souvent, les méfiances et les racismes étaient réciproques et si pendant la guerre il y a eu plusieurs massacres de Juifs par des Polonais dans la partie de la Pologne prise aux Soviétiques par les Allemands en 1941 (des massacres initiés et encadrés par les Allemands qui exploitaient l’antisémitisme d’une partie de la population polonaise), il n’y a jamais eu, y compris chez les nationalistes polonais (les nationaux-démocrates), de projet d’extermination de minorités comme chez les nazis. Et à côté des quelques massacres polonais, il y a eu aussi les massacres de très nombreux villages habités par des Polonais dans des conditions tout aussi horribles commis par l’armée clandestine ukrainienne UPA qui voulait « nettoyer » l’Ukraine occidentale actuelle de tous ses habitants de langue et de culture polonaise pour pouvoir annexer ces territoires après la guerre.

Il y a eu aussi la collaboration de nombreux Juifs avec l’occupant soviétique en 1939-41 et des Juifs responsables des camps d’internement communistes mis en place après la guerre en territoire polonais. Des camps d’internement regroupant des prisonniers allemands mais aussi des résistants polonais de l’AK et des prisonniers politiques polonais et où de nombreuses exactions étaient commises. C’était le cas par exemple de Salomon Morel qui a trouvé refuge en Israël face à son inculpation par la justice polonaise de crimes de guerre et crimes contre l’humanité après la chute du communisme. On retrouve aussi un nombre important de noms juifs parmi les responsables des prisons communistes, chez les juges et les procureurs de l’époque stalinienne, qui faisaient condamner à mort les opposants politiques et les résistants de l’AK, et dans les instances dirigeantes du parti communiste après la guerre.
Ainsi, l’éminence grise des médias français pour tout ce qui concerne la Pologne, Adam Michnik, rédacteur en chef du journal Gazeta Wyborcza et opposant illustre au régime communiste dans les années 80, est le fils d’Ozjasz Szechter, un Juif polonais communiste membre avant la guerre d’une organisation œuvrant au rattachement de la Galicie orientale et de la Volhynie à la République socialiste soviétique d’Ukraine, et de Helena Michnik, également militante communiste. Son frère Stefan a fait partie de ces juges communistes qui ont prononcé après la guerre des condamnations à mort contre des prisonniers politiques. Il est aujourd’hui réfugié en Suède, ce pays ayant refusé son extradition en Pologne.

Bien entendu, tous ces crimes commis de part et d’autre ont été le fait d’individus minoritaires mais ils restent à l’origine de nombreux malentendus et frustrations réciproques entre Polonais et Juifs, Polonais et Ukrainiens et, dans une moindre mesure, Polonais et Allemands.

Précisons ici que côté polonais il n’y a pas eu comme en France de responsabilité de l’État dans le génocide des Juifs. La résistance polonaise avait même créé un conseil d’aide au Juifs et on estime à une centaine de milliers le nombre de Juifs sauvés par cette organisation. Les Polonais comptent en leur sein le plus grand nombre de « Justes parmi les nations », un titre décerné par l’institut Yad Vashem qui honore les personnes ayant sauvé des Juifs pendant la guerre. En Pologne occupée, aider des Juifs était passible de la peine de mort pour soi-même et souvent pour sa famille.

En 1943, Jan Karski, un courrier du gouvernement polonais en exil qui avait été infiltré dans le ghetto de Varsovie et dans un camp de concentration allemand pour voir ce qui s’y passait a alerté en personne le ministre des Affaires étrangères britannique et le président Roosevelt du génocide en cours. Le gouvernement polonais en exil a officiellement demandé aux gouvernements britannique et américain de venir au secours des Juifs polonais mais les Alliés n’ont pas voulu réagir à ces mises en garde sur la « Solution finale de la question juive » mise en œuvre par les nazis.

Les Polonais ont donc le droit d’être outrés par le film allemand « Unsere Mütter, Unsere Väter », comme ils sont outrés quand les médias, notamment anglo-saxons et parfois aussi allemands (!!!) parlent des « camps de la mort polonais ».

Quant aux accusations d’antisémitisme portées contre la Pologne actuelle, des accusations populaires dans les milieux médiatiques et universitaires français toujours donneurs de leçons, elles sont le plus souvent très exagérées. Il y a bien entendu des Polonais antisémites, mais que les peuples libres de tout racisme en leur sein jettent la première pierre. D’accord, la Pologne a trop longtemps fermé l’œil sur les manifestations racistes de certains supporters dans les matchs de ligue, des manifestations aujourd’hui réprimées, mais elle ne fait pas figure d’exception. Quand les sœurs  Radwańska ont joué le 8 février 2013 leur match en double de la Fed Cup contre les joueuses de tennis israéliennes à Eilat, en Israël, des supporteurs israéliens ont crié à leur adresse, depuis les tribunes, « Catholic bitches », chiennes catholiques ! Il n’y a eu aucune réaction des organisateurs et cela n’a pas fait les gros titres de la presse internationale.

[1] Ces chiffres proviennent de l’ouvrage God’s Playground (traduit en polonais sous le titre : Boże Igrzysko) de l’historien britannique Norman Davies

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157 Comments

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  • Daniel , 20 juin 2013 @ 11 h 41 min

    @ histoire interdire : l’ inversion accusatoire est aussi l’argument utilisé par celles et ceux qui n’en ont pas .

    Force est de constater qu’être trop subversif vous conduira au même point de départ : le néant intellectuel.

  • Daniel , 20 juin 2013 @ 12 h 15 min

    N’importe qui peut très bien faire semblant de ne pas appliquer les lois et faire croire qu’il serait un citoyen modèle, mais vos allégations ont été explicitement non respectueuse des victimes des camps ( en invoquant la pénurie de gaz ), qui , contrairement à ce que vous estimiez croire, n’étaient pas toutes juives.

    Comme qui dirait au CRFPA ( école où doivent se trouver plein de juifs d’après vous ) , la loi a été faite pour être contournée. C’est aussi ce qui est expliquée vis à vis de la Loi de Moïse : les Evangiles permettent d’aller plus loin que la loi car les hommes peuvent très bien faire croire qu’ils sont en accord sur le fond avec la Loi mais en total désaccord sur le fond. Vos allégations sur les camps, même si elles ne furent pas explicites, sont implicitement identiques. Vos méthodes se limitent donc au simple pilpoul bas de gamme.

    Ce qui est par contre très comique de votre part, c’est que vous invoquiez tout de suite une “quelconque police de la pensée juive”, une persécution intrusive à la liberté d’expression sous la tutelle de la loi Gayssot.

    Comme l’expliquerait si bien pascal Bruckner, vous essayez de vous victimiser. D’ailleurs, en prenant le soin d’invoquer « The Holocaust Industry « par Norman Finkelstein, vous faites fort bien sur un article relatif à la Pologne et aux accusations qui lui sont balancées gratuitement.

    D’une part, nombreuses sont les personnes (juives, goyim) à considérer que le livre sur l’industrie de l’Holocauste n’est pas un livre antisémite. Donc, vouloir invoquer un quelconque traitement d’antisémitisme relève de la pure victimisation à l’extrême, le fait même d’invoquer une fausse persécution en traduit long sur votre compte : oui, vous êtes judéophobe. La moindre honnêteté intellectuelle serait de dire que les personnes en désaccord avec le livre de Norman Finkelstein le seraient pour des motifs politiques, voir géopolitiques, mais de là à aller invoquer une quelconque persécution et à englober toute une communauté, ou l’ensemble de tout individu censé se rapprocher ou être proche de la dite communauté, est un acte tout simplement diffamatoire. Comme qui dirait, il n’y a que les esprits creux qui se satisfassent des banalités et autres généralités.

    D’autre part, le livre traitant de l’industrie de l’Holocauste a souvent été invoqué dans les médias polonais, y compris le très controversé ” Gazeta Wyborcza “, et cela pas ne serait ce il y a une année quand le ministre des affaires étrangères, Radoslaw Sikorski, s’est opposé aux revendications pécuniaires du congrès Juif Mondial. D’ailleurs, certains juifs d’origine polonaise ont moqué les revendiqué du congrès Juif Mondial, disant que de telles réclamations allaient servirent les finances de ce Congrès, et n’allait certainement pas indemniser les véritables descendants des familles des victimes. Si des juifs ont des raisonnements qui peuvent trouver similitude avec le livre de Normal Finkelstein, vont ils aussi passer pour des antisémites ?

    Vous voyez donc que votre victimisation ne tourne pas rond du tout.

    Maintenant, attaquons d’emblée votre question sur le fond “POURQUOI DONC LES ALLIES AURAIENT ILS VOULUS BOMBARDER CES CAMPS”

    Vous reposez une nouvelle fois la question alors que la réponse vous a été donnée. Si une personne pose une nouvelle fois une question à laquelle il a été répondu, c’est que l’interrogateur ne s’est pas satisfait de la première réponse. Alors, au lieu de poser une question qui ‘en est pas une une, le mieux serait il que vous nous spécifier ce que vous sous -entendiez comme réponse.

    Le mieux serait ainsi de poser une autre question ” Pourquoi donc les alliés n’auraient ils pas voulu bombarder ces camps ? ”

    Et la réponse qui peut être trouvée pour l’antisémite 100% officiel et 100% prouvé que vous êtes , c’est que ces camps n’ont pas été bombardés parce que les alliés avaient un intérêt à la shoah, car grâce à la shoah les “méchants sionistes” ont pu justifier l’émigration en Israël, et qu’en plus comme c’est en pologne, on allait pouvoir accuser les polonais.

    Voilà, j’ai donc répondu à vos allégations antisémites ( je vous laisse le droit de ne vous considérer que uniquement antisionniste, si cela vous fait plaisir, comme cela vous n’allez ni vous sentir accusés, ni même persécuté par une quelconque police de la pensée )

    P.S : c’est 500 euros l’analyse, abdoul le fric coco ;) !

  • Olivier Bault , 20 juin 2013 @ 12 h 33 min

    Vous ne croyez pas si bien dire. J’ai regardé hier à la télévision polonaise une interview avec l’auteur du film, un Allemand juif. Et sur l’AK, pour se justifier, il a répondu au journaliste polonais qu’il y avait eu des antisémites dans l’AK mais qu’il y avait eu aussi “des gens biens, aux opinions de gauche”.
    Ce sont les mots qu’il a employés : “de gauche”. Visiblement, pour lui, les gens de l’AK qui étaient des gens bien, c’étaient ceux qui étaient de gauche. Les autres étaient forcément des ultranationalistes antisémites.

  • Daniel , 20 juin 2013 @ 12 h 40 min

    “mais l’état mental de quelqu’un qui reconnait finalement après avoir poussé les lamentations habituelles sur un mur virtuel”

    Vous vous êtes trompés d’interlocuteur, mais c’est marrant de voir comment vous semblez laisser vous piéger par vos seuls préjugés.

    Il y a bien une seule chose vraie dans ce que vous affirmez : il n’y a de virtuel que le “mur”, ses commentaires, et ses écris, cela ne présage pas de la véritable identité des intervenants et autres individus de derrière ce mur, et dont vous présumez l’identité avec une telle malhabileté.

    “y a pas que le juifs qui ont droit à l’humour , même si celui d’un goy n’est pas aussi fin” : merci pour cet aveu explicite d’infériorité intellectuelle, non pas en ce que vous reconnaissiez la finesse de l’humour d’une personne de confession juive, mais tout simplement parce que vous vous engluez dans vos préjugés à mon égard. Si j’étais réellement sadique, je rentrerais dans votre jeu et continuerais à me faire passer pour un juif, histoire de mieux vous manipuler.

    Conclusion de la petite histoire : vous nous avez toujours pas expliqué ce pour quoi , d’après vous, il n’aurait pas été de l’intérêt des alliés de bombarder les camps ? Le reste, c’est de la forme et c’est improductif. Allez donc à l’essentiel.

  • SD-Vintage , 20 juin 2013 @ 16 h 42 min

    Votre français est quand même très compréhensible. Ne vous en formalisez pas.

  • SD-Vintage , 20 juin 2013 @ 16 h 52 min

    ” Il a relevé un pays du néant pour le propulser à la première place mondiale!” : FAUX ! Regardez l’Allemagne en 1945, elle est en ruine ! Même Sarkozy n’a pas fait ça.

    “Et pourtant Nombre d’enfants sont mort assassiné par avortement sous son gouvernement! ” : 1 million de morts en 5 ans.
    Et Hitler, combien de morts en 5 ans, y compris allemands ?
    Pauvre type. Un français qui soutient Hitler est un traitre.

  • SD-Vintage , 20 juin 2013 @ 16 h 55 min

    Que des Allemands se la ramènent 70 ans plus tard est aussi d’une indécence absolue encore pire : la faute à qui tout ça ?

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