Manifestation de soutien au Premier ministre hongrois Viktor Orbán le jeudi 15 mars à Budapest : 250 000 personnes dont près de 5 000 Polonais venus à l’occasion de la fête nationale hongroise exprimer leur solidarité avec les Hongrois face aux attaques des élites européennes.
« Pour votre liberté et pour la nôtre », a déclamé en polonais le Premier ministre hongrois après avoir remercié les Polonais de leur soutien. « La Pologne est le seul pays de l’Union européenne dans lequel et le gouvernement et l’opposition soutiennent le gouvernement Orbán », a fait remarquer au quotidien polonais Rzeczpospolita un responsable hongrois. Tomasz Sakiewicz, le directeur du groupe médiatique conservateur polonais Gazeta Polska (qui a désormais aussi un site d’information en anglais), un des organisateurs du voyage à Budapest depuis la Pologne, s’est lui aussi adressé à la foule.
Orbán, Kaczynski, même combat
Pour l’opposition conservatrice polonaise, la situation de Viktor Orbán en Europe rappelle celle des Kaczyński : le Président Lech Kaczynski, mort dans le crash de Smolensk le 10 avril 2010, et son frère jumeau Jarosław, Premier ministre en 2006-2007.
« Les frères vengeurs », c’est ainsi que L’Express les avait appelés dans un article incendiaire publié le 19 octobre 2007.
« Professeurs de morale, pontifes de démagogie, patelins dignitaires de la haine et du débinage à l’encontre de la Pologne postcommuniste, de l’Allemagne, de la Russie, des intellectuels et de tout un cartel d’ «ennemis», les frères n’ont cessé, depuis 2005, d’exaspérer les élites polonaises et l’Europe. «Je me demande combien de temps les 26 autres États membres de l’UE vont supporter cela sans broncher», ose Martin Schulz, le chef des socialistes au Parlement européen. » Et ce n’est qu’un extrait…
« Ultra-conservateurs », « l’eurosceptique Kaczynski », « le Premier ministre (ultra-)nationaliste » et j’en passe, tous des épithètes qui accompagnaient immanquablement les déclinaisons du nom des Kaczyński dans les médias français.
Même la tragédie survenue à Smolensk le 10 avril 2010 a été l’occasion de poursuivre la campagne de dénigrement du parti conservateur polonais et des Kaczyński dans les médias français. J’entendais Edwy Plenel, le rédacteur en chef de Mediapart, déclarer le 17 avril 2010 sur France Info à propos du gouvernement Kaczyński que c’est sous ce gouvernement qu’il y avait eu des atterrissages d’avions transportant des prisonniers de la CIA qui auraient été torturés sur le territoire polonais, alors que les soupçons sur ces vols portent sur la période précédente, celles du gouvernement du parti social-démocrate, héritier du parti communiste polonais. Edwy Plenel a aussi affirmé ce jour-là sans broncher, 7 jours après le crash de Smolensk, que Lech Kaczyński avait refusé d’assister à la cérémonie à la mémoire des victimes de Katyn avec Donald Tusk et Vladimir Poutine. Pourtant, s’il avait été un journaliste informé, Edwy Plenel aurait su que Lech Kaczyński n’avait tout simplement pas été invité. Deux faits objectifs pour lesquels un grand nom du journalisme français affichait son ignorance, ses préjugés ou sa malhonnêteté, ou un peu des trois, et participait à la même opération de propagande médiatique qui s’attaque aujourd’hui au premier ministre hongrois.
Le passé et le présent
« Un mensonge répété dix fois reste un mensonge, répété dix mille fois il devient une vérité », disait Goebbels.
« Quand les obstructionnistes deviennent trop irritants, appelez-les fascistes, nazis ou antisémites. Cette association, si elle est répétée suffisamment souvent, deviendra un fait dans l’opinion publique », disposait une directive de Staline de 1943.
Le 14 avril 2012 j’entendais sur France-Inter dans l’émission « Là-bas si j’y suis » (intitulée pour l’occasion « La Hongrie en marche arrière ») le journaliste employer des termes qui nous viennent tout droit de la langue de bois communiste, avec « un gouvernement conservateur, réactionnaire » (le mot réactionnaire est revenu particulièrement souvent dans cette émission), mais aussi cette indignation pour le moins curieuse : « une constitution qui protège la vie humaine dès la conception, qui n’autorise que le mariage entre un homme et une femme ». Mon Dieu, quelle horreur ! Protéger chaque enfant dès sa conception, affirmer que le mariage c’est l’union entre un homme et une femme ! Et bien oui, les médias français l’ont répété bien plus de dix mille fois et une majorité de Français le savent donc bien aujourd’hui : avant la 14e semaine de grossesse un être humain n’en est pas un et le mariage n’est pas ce qu’on avait toujours cru qu’il était. Remercions Herr Goebbels pour nous avoir donné la méthode.
Dans la même lignée, aux informations de la chaîne francophone TV5 Monde, il a été reproché à la nouvelle constitution hongroise de violer un prétendu droit international à l’avortement. Du reste, il est difficile, comme pour les Kaczyński en Pologne, de trouver des reproches concrets fondés sur la réalité telle qu’elle est et non pas telle que nos journalistes français trop militants ou trop paresseux se l’imaginent.
Les « eurosceptiques » Kaczyński avaient toujours été en faveur de l’adhésion de la Pologne à l’Union européenne, ils étaient pour l’adoption de l’euro lorsque la Pologne serait prête pour la monnaie unique, ils militaient au sein de l’U.E. pour une défense commune et pour une politique énergétique commune, et ils avaient conduit leur pays à adopter le traité de Lisbonne malgré leur scepticisme face à ce nouveau texte, moins favorable à la Pologne selon eux que celui de Nice, et ce au motif qu’il aurait été irresponsable de bloquer une évolution que tous les partenaires la Pologne semblaient souhaiter, avaient-ils expliqué à l’opposition libérale dirigée par Donald Tusk, devenu euro-enthousiaste une fois premier ministre mais plus eurosceptique que les Kaczyński quand il était dans l’opposition.
Une bonne occasion de se taire, manquée par la France
Victor Orbán s’est battu pour la démocratie en Hongrie comme les Kaczyński l’ont fait en Pologne. Ce sont eux et beaucoup d’autres qui ont renversé les dictatures communistes et qui depuis se battent pour que prenne fin la corruption qui ronge leurs pays respectifs depuis la transition incomplète opérée dans les années 90.
Qu’un Alain Juppé, condamné par le passé pour avoir fait des arrangements illégaux avec le système démocratique, se permette de rappeler publiquement à l’ordre, en tant que ministre des Affaires étrangères de la France, le premier gouvernement hongrois engagé dans la première vraie décommunisation du pays, un processus sans lequel la démocratisation des anciens pays de l’Est reste incomplète, c’est tout de même un comble ! Pour paraphraser Jacques Chirac à propos des pays d’Europe centrale candidats à l’U.E. à l’occasion du conflit en Irak, cette fois-ci c’est la France qui a manqué une bonne occasion de se taire.
De notre correspondant permanent en Pologne.
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