L’accord de paix signé à Minsk jeudi dernier est déjà mort. Il souffrait de graves malformations congénitales.

« La banlieue de Donetsk. J’aimerais que tous ces Français et ces Allemands qui parlent d’un cessez-le-feu soient ici. Au début, je comptais les explosions, mais quand je suis arrivé à quinze, j’ai arrêté. La terre tremble de temps à autre. La paix russe dans toute sa splendeur. De temps à autre une grenade, un sniper, une kalachnikov. Des maisons détruites, des tanks brûlés. Mais il paraît que c’est plus calme qu’il y a quelques jours. Heureusement que nous restons avec les bataillons de volontaires et qu’ils répondent de temps en temps aux tirs des séparatistes. Les gars vivent dans des conditions cauchemardesques, il fait un froid de canard, mais le moral est bon. Nous fumons des cigarettes et nous buvons du café chaud dans les caves des maisons en ruine. Aux murs pendent des armes et des images de la Sainte Vierge. Ils sont souvent très jeunes : 18, 19 ou 20 ans. Mal rasés, ce n’est pas facile de se raser ici. L’hiver a fait disparaître les couleurs de ce monde. Tout est en noir et blanc, ou en marron. Il n’y a que le coucher du soleil qui donne des teintes rouges et or aux carcasses de tanks et aux maisons détruites. « Chaman », un des officiers, appelle cet endroit « Mordor ». Tolkien est toujours à la mode. Tiens, il vient d’y avoir plusieurs explosions. Nous demandons à un type du bataillon ce que c’était. « Comment ça, qu’est-ce que c’est ? C’est le cessez-le-feu », répond-il en riant. »

C’est ce qu’écrivait hier sur son profil Facebook mon ami Dawid Widlstein, envoyé spécial du journal polonais Gazeta Polska qui a passé de longs mois en Ukraine depuis le début du conflit. D’abord place Maïdan, de décembre 2013 à février 2014 (voir ici ce qu’il en disait pour Nouvelles de France fin janvier 2014), puis en Crimée, pendant le référendum organisé en deux semaines sous occupation militaire russe et en présence de groupes ultra-nationalistes venus de Russie s’assurer du bon déroulement du vote populaire, et enfin dans les zones de combat du Donbass où il est retourné il y a neuf jours.

L’accord signé à Minsk jeudi dernier était un accord mort-né. Vladimir Poutine et les séparatistes voulaient se donner un maximum de temps avant le cessez-le-feu pour terminer la prise du nœud ferroviaire de Debaltseve – essentiel pour relier les deux « républiques populaires » de Donetsk et Lougansk – et du port de Marioupol qu’il leur faut tenir pour rendre la Crimée russe viable. Ils n’ont obtenu que deux jours. Les séparatistes alimentés en hommes et en armes par la Russie ont donc intensifié leurs assauts avec un arsenal qu’ils ne possédaient pas il y 6 mois, en août, quand ils avaient perdu les trois quarts de leur territoire et que la guerre semblait toucher à sa fin. La résistance acharnée des Ukrainiens ne leur a pas permis de conquérir ces points stratégiques avant le début du cessez-le-feu samedi à minuit ? Qu’à cela ne tienne, le pilonnage continue. Les leaders séparatistes expliquent désormais que Debaltseve n’est pas concerné par l’accord signé à Minsk car cette ville se trouve à l’intérieur de leur territoire.

Mais même s’il avait été respecté, cet accord est un très mauvais accord. Un nouveau Munich.

Tout d’abord il stipule que l’Ukraine ne pourra reprendre le contrôle de sa frontière avec la Russie qu’à la fin de l’année, après la tenue d’élections locales en territoire séparatiste. D’ici là, Vladimir Poutine peut continuer d’envoyer ses convois « humanitaires » pour soutenir ses mercenaires du Donbass. Même ces élections locales posent problèmes. Les leaders séparatistes ont déjà annoncé que les ennemis de leurs « républiques populaires » ne pourraient pas s’y présenter.

Ensuite le texte signé à Minsk parle de l’intégrité territoriale de l’Ukraine mais il ne dit rien de la Crimée. La France et l’Allemagne auraient-elles entériné l’annexion par la Russie d’une partie du territoire de son voisin ukrainien ? Voilà qui pourrait inciter Vladimir Poutine à tenter sa chance dans les Pays baltes qui abritent eux aussi des populations russophones. En 2008, c’est déjà un président français, Nicolas Sarkozy, qui était revenu de Moscou tout fier d’avoir obtenu la paix entre la Russie et la Géorgie. Une paix qui s’est soldée par la quasi-annexion des territoires abkhazes et ossètes occupés par la « force de paix » russe en Géorgie. Ces territoires ne font pas officiellement partie de la Fédération de Russie mais c’est désormais tout comme. « Nous savons bien que c’est aujourd’hui la Géorgie, demain ce sera l’Ukraine et après-demain les Pays baltes, et plus tard ce sera peut-être le tour de mon pays, de la Pologne ! Nous étions profondément convaincu que l’appartenance à l’OTAN et à l’UE mettrait fin à l’époque des appétits russes. Cela s’est avéré être une erreur. » C’est ce qu’avait déclaré le président Lech Kaczyński, mort dans la catastrophe aérienne de Smolensk en avril 2010, en s’adressant à la foule en août 2008 à Tbilissi alors que les chars russes s’approchaient de la capitale géorgienne. Pour le moment, nous en sommes à l’Ukraine.

Pour aller négocier avec un chef d’État de la trempe de Vladimir Poutine, il n’aurait pas fallu se rendre à Minsk les mains vides. Il n’aurait pas fallu annoncer à l’avance qu’on ne vendrait pas d’armes à l’Ukraine, pourtant un pays souverain qui ne fait que défendre son territoire et qui ne menace pas ses voisins, contrairement à la Russie à laquelle la France aimerait bien finir par livrer les navires Mistral commandés. Et il n’aurait pas fallu expliquer que l’Ukraine ne serait jamais admise dans l’OTAN. Cela ce sont des choses qui auraient pu être promises pour obtenir un vrai accord de paix. Une paix réelle, juste et durable. Une paix des braves et pas une reddition. Sans doute François Hollande estimait-il que ce n’était pas nécessaire d’avoir de telles cartes en main puisque, ainsi qu’il l’expliquait il y a peu sur France Inter, il savait déjà que Vladimir Poutine ne veut de toute façon pas arracher le Donbass à l’Ukraine puisqu’il le lui a dit personnellement. Il est vrai que la Russie n’a pas forcément intérêt à annexer une région ruinée par la guerre alors que la Crimée lui a déjà coûté des milliards à annexer et lui coûte maintenant des milliards à entretenir. Mais une Ukraine divisée, « fédérale », avec des régions de l’est et de préférence aussi du sud, le long de la côte pour faire le lien avec la Transnistrie moldave, soumises à Moscou, à défaut d’un gouvernement de Kiev à la botte du Kremlin, c’est visiblement ce que Vladimir Poutine recherche. Lui qui affirmait au printemps, entre autres à l’intention des traditionnels idiots utiles de la diplomatie russe à l’étranger, ne pas vouloir autre chose que la Crimée.

Si cet éclatement de l’Ukraine n’était pas le but recherché, pourquoi soutenir aussi massivement les séparatistes ? Un soutien confirmé le 8 février dernier par le secrétaire général de l’OSCE Lamberto Zannier. Si les observateurs de l’OSCE ne sont présents qu’à deux passages frontaliers sur huit et s’ils sont trop peu nombreux de ce côté-là pour pouvoir surveiller les zones entre les passages frontaliers, ils voient bien, d’après M. Zannier, que les équipements militaires des séparatistes sont systématiquement remplacés par de nouvelles unités à chaque fois que l’armée ukrainienne cause des pertes. « Nous sommes présents en grand nombre côté ukrainien et nous n’avons jamais vu d’armements aller vers l’est, et nous en concluons donc que ces armes doivent arriver depuis l’autre côté, […], depuis la frontière russe. » Comment d’ailleurs expliquer l’extraordinaire retournement du rapport de force entre août et septembre 2014 et la perte du contrôle du ciel par l’armée ukrainienne autrement que par un soutien militaire massif de la part de la Russie ? Il paraît qu’on reconnaît un arbre à ses fruits. Sans parler bien sûr des nombreux témoignages, photos et films de colonnes de blindés russes et de militaires russes en territoire ukrainien, que peuvent voir ceux qui ne sont pas aveuglés par leur conviction stupide qu’il n’y a que les médias russes qui ne mentent pas.

Le président français François Hollande est aussi nul en négociations de paix qu’en lutte contre le chômage. Ce qui est réconfortant, c’est qu’en matière de négociations de paix, Angela Merkel est aussi nulle que lui.

Related Articles

73 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • Brice de Nice , 18 février 2015 @ 23 h 13 min

    @Parlier

    “Je demande qu’on vous envoi de force visiter les camps de Auschwitch pour que vous appreniez à utiliser les mots qui conviennent.”

    La saine parole a parlé

    On vous recommande une cure de tolérance pour apprendre à bien penser.

    Je soutiens cette initiative atlantiste, et je propose d’ouvrir des camps de la mort de la tolérance, ou l’intolérance ne sera pas respecté

    Vous devez certainement vous régaler, car grâce à des gens aussi lobotomisés comme Alex, la propagande de Poutine va fonctionner. Un troll qui vous sera très facile de dégommer tant dans les faits que dans les idées. C’est à core qu’il travaille en sous main pour vous.

  • V_Parlier , 18 février 2015 @ 23 h 18 min

    Pauvre type.
    Ca parle d’Auschwitz en plus, comme l’autre qui est allé faire dernièrement un tour là-bas, sacrée bande d’hypocrites.

    Et çà fait un bon 25-30%, pas 6.
    (Rien que Lyachko a lui tout seul faisait plus que 6).

    C’est çà, envoyez moi “de force”… en visite ou comme prisonnier? Parce-que des fois, on de demande…

  • Brice de Nice , 18 février 2015 @ 23 h 18 min

    Il y a des moutons de tout bord, pour faire plus rigolo

    Il y a les pro-poutine, et les pro-US

    Les deux disent des idioties et c’est marrant

    Mais méfiez vous : peut être que nos commentaires seront étudiés d’ici peu de temps par une civilisation extra terrestre. Comme vous avez beaucoup parlé d’eux, vous aurez droit à vos bons points, peut être des images qui sait !

  • V_Parlier , 18 février 2015 @ 23 h 22 min

    Et j’oubliais d’ajouter que quel que soit le chiffre, ils ont le pouvoir DE FAIT, comme dans cet exemple en live pour le vote des lois (et quelles lois!) : http://www.youtube.com/watch?v=8CMMfocweyk .

    @Brice de Nice: Pensez vous vraiment qu’il le fasse exprès? Moi je n’en sais rien, mais si je réponds c’est pour les autres lecteurs.

  • Brice de Nice , 18 février 2015 @ 23 h 25 min

    D’ailleurs, d’après cet accord, devrait aussi apparaître :
    – un accord avec la civilisation gamboum vivant sur Jupiter
    – la fermeture des mac donalds, car mac do, c’est pas bon pour la santé (prouvée par une étude inter galactique)

    L’ouverture de siège gouvernementaux à la Chine et à l’Australie

    Pourtant, y a un truc en Europe qui se nomme, “état fédéral, confédéral (Eu, ouais copain, un truc comme la Suisse, la Confédération Hel…. )

    Le modèle d’Etat fédéral a plusieurs niveaux : tout dépend du type d’attribution : législative, voir constitutionnelle, voir la porté des arrêts des grands corps jurisprudentiels suivant les état …

    Au moins, comme cela, quand des gens de l’est veulent parler russe, ils le peuvent dans leur administration. Pareil pour les gens de l’est où à Lviv on y parle polonais. Cela suit la logique même des régions européennes.

  • Alex , 18 février 2015 @ 23 h 40 min

    @V_parlier :

    Pouvez-vous nous lister ici les voix des différents partis avec leur noms ?

    C’est moins de 6%.

  • Alex , 18 février 2015 @ 23 h 42 min

    @Brice :

    Ne m’adressez plus la parole cher Monsieur.

    Vos déclarations racistes et fascistes sont passibles de poursuites pénales.

    Par nécessairement sur ce commentaire, mais sur l’ensemble de votre discours.

    La liberté d’expression ne peut pas être employée dans le but d’inciter par le racisme et le fascisme à commettre des crimes contre autrui.

    NDF.FR devrait modérer les commentaires, non pour les censurer, mais pour les contredire.

Comments are closed.