Un billet de Philippe Simonnot*
« Hollande pris au piège entre la première dame (first lady) et sa dernière dame (his last lady) ». C’est en ces termes galants que The Times a traité l’affaire du Triertweet. Le fameux quotidien londonien n’a certes plus la respectabilité qui était la sienne quand il mettait en une des petites annonces. Avec ses allures de tabloïd, il cherche visiblement à racoler le lecteur en flattant ses instincts profonds – notamment un certain attrait pour de supputées obsessions gauloises.
Voici donc la troisième page du Times entièrement consacrée ce mercredi 13 juin à se gausser du chef d’État français dont la photo est placée en médaillon entre les effigies superbes des deux ravissantes égéries qui sont censées se disputer ses faveurs. « Mais, mesdames, je suis le Président » dit la légende, en français dans le texte. On lui a fait une tête de Louis XVI, la bouche en cul-de-poule. Il est qualifié de « powerless » entre ces deux créatures infernales. Powerless, vous avez bien lu. En français, ça veut dire : impuissant !
The Times n’est certes pas le seul journal anglais à avoir voulu ce jour-là profiter de l’aubaine qu’offrait la stupidité de l’actuel vaudeville français. Mais il a agrémenté ses commentaires par de savantes considérations sur l’amour à la française, fort instructifs sur le « french touch » et les pesants poncifs qui hantent les rêves ou les cauchemars des mâles british.
Valérie Trierweiler, remarque The Times, est « tout ce qu’une ‘femme française’, est supposée être : élégante, cultivée – et profondément jalouse ». Et d’une !
Nous apprenons ensuite que « l’amour règne en maître sur la France », qu’il « n’y a de sens que s’il est passionné, insensé et irrationnel. » Et de deux !
Encore ceci : « Il n’y a rien de tel que la résignation gauloise en ce qui concerne l’amour : soit vous vous arrachez de la lingerie Aubade soit vous vous lancez la vaisselle à la tête. » Very exciting indeeed ! Et merci pour la pub.
The Times se souvient à point nommé que la première tweetteuse de France a montré sa « nature romantique » en roulant un patin à François Hollande le soir de son élection et en dansant avec lui sur une chanson d’Édith Piaf, nommément La Vie en rose. Il fallait bien qu’un jour ou l’autre elle fasse de nouveau la preuve de sa passion en vérifiant devant les Français combien était juste le dicton : « La jalousie n’est pas un défaut mais une preuve d’amour ».
Et de conclure que Mr. Hollande peut être sûr que Mrs. Trierweiler l’aime. Mais que la prochaine fois, il serait bien avisé de lui donner une dispense de le prouver.
Merci, chère Valérie, de réveiller le cochon anglais. Cela lui fait du bien !
P. S. : Ce même jour, la troupe vaillante du Globe Theater, le merveilleux théâtre élisabéthain de Londres, joue Henri V avec brio et humour. Shakespeare y donne une idée plus juste de la femme française et de la galanterie anglaise. Adam Sage, le correspondant du Times à Paris qui a rédigé cette troisième page calamiteuse, devrait y faire un tour.
*Philippe Simonnot a publié en collaboration avec Charles Le Lien La monnaie, Histoire d’une imposture, chez Perrin.
Dessin : Éloi.
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