« Si demain je suis présidente de la République française, je pense que je pourrai avoir un débat avec M. Orbán sur ce qui nous apparaît inadmissible, insupportable dans la manière dont l’Union européenne agit aujourd’hui, et c’est pareil pour M. Kaczyński. On ne sera pas d’accord sur tout, très certainement, et c’est la liberté et la souveraineté de chaque pays que de défendre aussi ses propres intérêts. Ils peuvent être communs sur certains sujets et ils peuvent aussi être divergents. C’est la base de la politique internationale.» Telle était la réponse donnée par Marine Le Pen à la question d’un Polonais posée lors d’une conférence de presse tenue le 8 mars à son siège de campagne en présence de journalistes européens. Une Marine Le Pen qui, répondant à ce journaliste qui voulait savoir si une coopération était possible entre une France FN et les dirigeants actuels de la Pologne et de la Hongrie, a aussi dénoncé les ingérences de l’UE dans les affaires intérieures de ces deux pays et la volonté de leur imposer, à coup de sanctions financières, des quotas de « migrants ».
À propos de l’isolement de la Pologne à Bruxelles le jeudi 9 mars, sur la question de la reconduction du Polonais Donald Tusk à la présidence du Conseil européen pour un deuxième mandat de 2,5 ans, le groupe Europe des Nations et des Libertés (ENL) dont fait parti le FN au Parlement européen a émis un communiqué condamnant l’attitude des gouvernements de l’UE : « En reconduisant Donald Tusk à la tête du Conseil européen, les dirigeants européens viennent de faire preuve d’un inqualifiable mépris à l’égard du droit des nations. La Pologne s’était opposée à la reconduction de son ancien premier ministre lui reprochant de s’ingérer depuis Bruxelles dans les affaires intérieures du pays. »
Peut-on pour autant espérer que les pays du Groupe de Visegrad (V4), et en particulier la Pologne et la Hongrie, soutiendront une Marine Le Pen présidente dans sa tentative de changer les règles du jeu au sein de l’UE avant de proposer un référendum aux Français, ainsi qu’elle promet de le faire ? Après avoir rencontré la dirigeante du Front National à Paris en janvier, le ministre polonais des Affaires étrangères le disait clairement, et il l’a répété lundi : la victoire de Marine Le Pen aux élections présidentielles françaises n’irait pas dans le sens des intérêts de la Pologne. Le leader du parti polonais Droit et Justice (PiS), Jaroslaw Kaczyński, affirmait quant à lui ce lundi qu’il avait à peu près autant en commun avec Marine Le Pen qu’avec Vladimir Poutine. Car pour Kaczyński comme pour Orbán, l’Union européenne doit être réformée, mais pour empêcher sa dislocation. Ses frontières extérieures doivent être correctement surveillées et les souverainetés nationales doivent être mieux respectées. Et même si Witold Waszczykowski promettait dans une interview publiée lundi que la Pologne allait adopter, après le Conseil européen de la semaine dernière, une attitude plus dure et plus négative vis-à-vis de ses partenaires, il n’est pas question pour les Polonais ou pour les Hongrois de sortir de l’Union européenne et ils ne souhaitent ni la suppression définitive de l’espace Schengen ni l’abandon de la libre circulation des travailleurs. C’est pour la même raison que le gouvernement polonais a clairement dit à l’automne dernier qu’une victoire d’Angela Merkel aux prochaines élections en Allemagne serait dans le meilleur intérêt de la Pologne.
Si néanmoins le maintien de la France dans l’UE après une victoire du FN n’est possible qu’au prix de la suppression de la directive « détachement des travailleurs » et du rétablissement définitif des contrôles aux frontières françaises (deux mesures annoncées dans le programme présidentiel de Marine Le Pen), il y aura certainement matière à discussion avec le V4 qui se rend bien compte qu’un « Frexit » signerait la fin de l’UE.
Article publié dans le quotidien catholique Présent du mercredi 15 mars
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