On a bien tort de dire autant de mal de l’Union européenne et de l’accuser de tous nos maux. L’intégration européenne est source de richesse, en tout cas pour certains, et plutôt que de se lamenter sur le sort de ces millions de Grecs sans ressources alors que le PIB de leur pays s’est réduit d’un quart grâce à l’aide qui leur a été apportée pour les sortir de la spirale de leur dette, qui ne s’est ainsi accrue que de 125 % à 176 % du PIB entre 2009 et 2013, il vaudrait mieux motiver les jeunes en leur parlant de ceux qui ont réussi grâce à l’Europe.
Or nous voilà en présence d’une success story assez extraordinaire qui montre que le Rêve européen est aux États-Unis d’Europe ce que le Rêve américain était aux États-Unis d’Amérique. Un Polonais, Donald Tusk, qui exerçait le dur labeur de premier ministre d’une nation de 38 millions d’ingrats (seulement 1 Polonais sur 5 de satisfait après 7 ans d’exercice du pouvoir) pour des clopinettes – 18 000 zlotys par mois, soit seulement 51 500 €/an au cours actuel du zloty – a pu, grâce au soutien d’une vieille connaissance allemande haut placée, émigrer, comme beaucoup de ses compatriotes, dans un pays de la « Vieille Europe » où un meilleur salaire lui permettra d’améliorer considérablement son niveau de vie et sans doute aussi de faire vivre sa famille restée au pays.
Avec moins de responsabilité, puisqu’il ne sera plus qu’un simple assistant chargé d’organiser les réunions des chefs d’État et de gouvernement, et moins d’heures de travail, ce jeune Polonais ambitieux va enfin percevoir un salaire digne de ce nom : 355 000 € par an. C’est dire que tatie Merkel est sympa de lui avoir trouvé cet emploi, elle qui ne touche que 205 000 € par an. C’est un poste de secrétaire de direction plutôt bien payé que celui d’assistant du Conseil européen, mais il faut dire qu’il implique aussi d’accepter de se faire appeler « président de l’Europe » et de faire semblant d’y croire, ce qui demande des talents d’acteur hors du commun. En échange de quoi vous pouvez devenir millionnaire en euros en même pas trois ans, et ce aux frais de la « princesse » (c’est comme cela qu’on appelle les contribuables dans les cercles dirigeants). Ainsi, le Belge Herman Van Rompuy, autre success story européenne, est aujourd’hui millionnaire grâce à nous. Et aussi bien sûr grâce à ce qu’il a fait pour l’Europe et pour le monde ! Ou plutôt grâce à ce qu’il n’a pas fait, car comme il n’avait aucun pouvoir il s’est abstenu de faire tout le mal causé par un Barrack Obama ou un Vladimir Poutine, ce qui pour un président de grande puissance est déjà très bien.
C’est en tout cas mieux que le Rêve américain. Si l’on compare cette success story européenne à la success story américaine de Barack Obama, le premier noir devenu « président des États-Unis d’Amérique » : son boulot n’est payé que 290 000 € par an. Comme quoi, l’Europe est vraiment en train de dépasser l’Amérique. Ou alors c’est une illustration flagrante de discrimination sur les salaires à cause de la couleur de la peau, mais on n’ose le croire pour des postes d’un tel niveau.
Le président français, François Hollande, n’est quant à lui payé qu’un peu moins de 180 000 € par an, mais vu son niveau d’incompétence et le taux de chômage en France, on comprend qu’il soit malgré tout très heureux de son emploi (voir photo). D’ailleurs, sans doute parce qu’il savait déjà qu’il ne pourrait pas justifier un salaire trop élevé et qu’il risquait de se faire licencier au bout de quelques mois par son employeur, le peuple français, c’est François Hollande lui-même qui a demandé qu’on lui diminue sa rémunération de 30 % quand il est entré en fonctions. Et puis François, ce qui l’intéresse, semble-t-il, c’est la baise, et il y a des tas de femmes libérées, journalistes, actrices ou autres, que la fonction présidentielle (le pouvoir) excite au plus haut point sans qu’il soit nécessaire que l’homme qui l’exerce soit particulièrement séduisant ou viril. On tend donc à penser dans les cercles autorisés que le président Hollande ne travaillerait pas pour l’argent mais uniquement pour le sexe.
Quant aux salaires en Grande-Bretagne, ils sont, c’est connu, très bas et c’est par cette politique de petits boulots avec des salaires de misère que les Anglais ont réussi à faire baisser le chômage et on ne les envie pas ! Même un premier ministre relativement compétent n’y gagne que 170 000 € par an, c’est-à-dire plus de deux fois moins qu’un simple assistant de direction au Conseil européen à Bruxelles.
En fait, si vous cherchez un boulot sympa, tranquille et grassement rémunéré, ce sont vraiment les institutions européennes qu’il faut cibler dans votre recherche d’emploi en ces temps de crise. Il paraît d’ailleurs que c’est la femme de Donald Tusk qui l’aurait poussé à abandonner son poste de premier ministre à Varsovie pour aller faire de la figuration à Bruxelles. Elle lui aurait dit, d’après le journal britannique The Guardian (ici), que ce boulot, « c’est plus d’argent, plus de prestige et plus de temps libre ». Pour quelqu’un qui était déjà connu en Pologne pour sa propension à ne pas se tuer à la tâche et à éviter les heures supplémentaire, c’était la proposition rêvée. Ceci dit, il faut faire attention à cette affirmation du Guardian qui n’est que le fruit d’un travail conforme aux règles de l’art du journalisme contemporain. Le Guardian cite en effet comme source de son information le journal polonais Gazeta Wyborcza qui a effectivement bien affirmé cela (ici), mais en citant The Guardian comme source. C’est ce qu’on appelle du sourçage en circuit fermé. Ensuite, cette citation supposée de Mme Tusk a fait le tour des médias polonais qui citent tous The Guardian qui citerait selon eux « une interview de Malgorzata Tusk dans un journal polonais ».
Quoi qu’il en soit, les rémunérations versées par les institutions européennes sont effectivement tentantes. En mai, le magazine European Voice, repris par plusieurs journaux français (comme ici par Le Parisien), publiait les résultats d’une enquête sur les salaires nets européens : 95 482 € par an pour un député européen (plus les grosses marges sur les « remboursements » de frais qu’ils se votent eux-mêmes), 220 452 € par an pour un directeur général de la Commission européenne, 255 300 € par an pour un commissaire européen (21 275 € par mois – 23 875 € pour un vice-président de la Commission – contre 9 940 € par mois pour un ministre français), 321 238 € par an pour le président de la Commission européenne, 374 124 € par an pour le président de la Banque centrale européenne (contre 133 200 € par an pour la présidente actuelle de la Fed, encore une fois les Américains sont largués ou alors c’est encore un exemple de discrimination sur les salaires à l’encontre des femmes, cette fois-ci). Ce qui est intéressant aussi, c’est qu’il faille enquêter pour connaître les salaires européens, faits de salaires de base, d’indemnités et de primes diverses, qui sont en général à faire pâlir d’envie les hauts fonctionnaires recrutés au niveau national qui ne sont pourtant déjà pas les plus mal lotis.
Cette histoire du premier ministre polonais devenu « président de l’Europe », c’est aussi une belle histoire de générosité récompensée. Le journal polonais Gazeta Polska faisait remarquer que quelques jours avant l’annonce de la promotion salariale de Donald Tusk, celui-ci avait proposé d’augmenter de 36 zlotys (8,50 €) par mois les pensions versées au retraités les plus miséreux. Juste après avoir eu ce geste en tant que premier ministre de son pays, v’là t’y pas qu’il reçoit un coup de téléphone où on lui propose un boulot peinard, auquel il ne s’attendait, mais alors, PAS-DU-TOUT, si, si, je vous le jure, avec à la clé une augmentation de 25 000 € par mois.
On savait déjà depuis le scandale des enregistrements réalisés à l’insu des intéressés dans un restaurant prisé du pouvoir polonais actuel, de la bouche de celui qui était alors ministre des Affaires étrangères de la Pologne, Radosław Sikorski, que Donald Tusk rêvait de devenir un gros poisson (ou plutôt un gros ours selon l’expression polonaise consacrée) « à l’Ouest » et de laisser derrière lui « toute cette merde » qu’il avait beaucoup contribué à produire. Son vœu a donc été exaucé et le nouveau « président de l’Europe », bientôt millionnaire, s’apprête à prendre ses fonctions le 1er décembre prochain.
L’Union européenne est un véritable conte de fée !
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