Tribune libre de Paul Goldschmidt*
Le score à la mi-temps est sans appel : Grande Bretagne 1 – Europe 0. Soyons beau joueur et félicitons donc David Cameron. Il a non seulement réussi à dominer ses adversaires mais, en bénéficiant d’un « assiste » électoralement motivé de la Chancelière, a simultanément fait la démonstration que la cohésion du « couple franco allemand » était tout sauf une réalité.
Ce faisant, le Président Hollande a été humilié, ayant cédé sur pratiquement toutes ses positions exposées devant le Parlement trois jours auparavant, et sauvant à peine la face dans le chapitre de la PAC. C’est d’autant plus grave que cela met un clou de plus, sinon définitif, dans le cercueil d’une politique européenne devant stimuler l’investissement, la recherche et l’emploi. Ainsi, il ne lui sera même plus possible de prétendre avoir réussi, l’été dernier, à « renégocier » le « traité budgétaire », promesse électorale non tenue et affichée comme condition préalable à sa ratification !
Ce n’est pas seulement la France qui est perdante mais bien l’ensemble de l’Union Européenne, y compris, à terme, le Royaume-Uni. En arrivant à un accord « unanime » qui gèle le cadre budgétaire pour les 7 ans à venir, à un niveau inférieur au niveau actuel (une première), les Chefs d’Etat et de Gouvernements ont définitivement ôté toute possibilité de revitaliser et ré enchanter le projet européen dans l’esprit des citoyens. Comment se fait-il qu’aucun des 27 protagonistes n’ait eu le courage politique d’utiliser son véto, notamment parmi les plus petits pays, ne fut ce que pour se faire, cyniquement, une publicité médiatique à bon compte ?
Remettons les choses en perspective : le montant total du budget européen, représente à peine 1% du PNB actuel de l’Union, et – il faut du moins l’espérer – sensiblement moins d’ici 7 ans si la « reprise » se concrétise. La mise en scène médiatique du sommet est très largement surfaite, s’appesantissant davantage sur l’existence d’un accord (même mauvais) et comptabilisant les « points » marqués ou encaissés par les uns et les autres.
En réalité, l’impact des coupes budgétaires est dérisoire mais a, néanmoins, une forte portée symbolique qui souligne le manque évident de vision et d’ambition autour du projet européen. Il faut donc supposer que c’est ce « symbole » qui justifie la perte de temps consacré par ces « Excellences » à des tractations de marchands de tapis.
Tout n’est, cependant pas perdu : le mois prochain, l’Europe fera monter l’équipe B au créneau pour la deuxième mi-temps !
Ce sera la première fois, suite au traité de Lisbonne, que le Parlement Européen sera appelé à valider les perspectives financières. Il faut espérer, pour plusieurs raisons, qu’il n’hésitera pas à les rejeter en bloc, renvoyant le dossier à la case départ, ce qui exigera de nouvelles propositions de la Commission. Les premières déclarations des chefs des groupes politiques au Parlement européen le laissent entendre et sont très encourageantes.
La première et principale raison de refuser la validation est qu’il s’agit d’un mauvais accord qui ne tient aucun compte de l’avis préalable du PE.
La deuxième met en cause la crédibilité même du Parlement : si une majorité de députés capitule devant les pressions de leurs gouvernements nationaux respectifs, preuve sera faite de leur incapacité d’exercer ces nouveaux pouvoirs et d’affirmer leur indépendance. Cela porterait un coup, peut-être fatal, au prestige du PE et renforcerait, très probablement, le désintérêt de l’électeur pour les élections de 2014.
La troisième raison tient au fait qu’un rejet des perspectives entraîne automatiquement la reconduction du dernier budget approuvé (donc des moyens supplémentaires). La perte du « rabais allemand », fin 2013, n’entrainera que des larmes de crocodile de la majorité des citoyens européens, même si cela incommode les perspectives électorales de la Chancelière ; les intérêts français concernant la PAC seront préservés ; Cameron sera neutralisé.
Le gant qu’a jeté Daniel Cohn-Bendit à François Hollande au Parlement européen n’a, de toute évidence, pas été relevé. C’est donc le même défi qui doit maintenant être lancé à l’ensemble des députés européens. Ils ont une responsabilité historique dont l’issue sera déterminante pour l’avenir de l’Union et de la place de la Grande-Bretagne en son sein. Ce n’est pas maintenant qu’il convient de reculer !
*Paul Goldschmidt est ancien administrateur de Goldman Sachs International et ancien directeur à la Commission européenne, membre de l’Advisory Board de l’Institut Thomas More.
Le site de l’Institut Thomas More.
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