Tribune libre de Paul Goldschmidt*
La conférence de presse de la BCE, jeudi 6 septembre, fut un morceau d’anthologie dans le difficile art de la communication. Tout en restant strictement dans les clous de son mandat, qui impose à la BCE d’assurer la « stabilité des prix » par la transmission appropriée d’une « politique monétaire unifiée », le Président Draghi s’est parfaitement acquitté de son rôle en mettant l’ensemble des moyens dont dispose la Banque Centrale au service de nouvelles mesures destinées à restaurer, une fois de plus, la confiance dans l’Union Economique et Monétaire fragilisée.
Malgré le vote négatif (non attribué) du gouverneur allemand, aucun observateur raisonnable n’aurait pu s’attendre à ce que le Conseil des Gouverneurs aille plus loin sans risquer d’enfreindre les règles et, ainsi, mettre en cause sa précieuse indépendance, garante de sa crédibilité.
Ce qui avait été déjà sous-entendu en termes généraux au début du mois d’août, s’est donc vu confirmé : la mobilisation des ressources pour mettre en œuvre les nouvelles « Interventions Monétaires Directes » (IMD) est sujette à une conditionnalité stricte et préalable, à négocier par les autorités européennes dans le cadre des procédures des mécanismes d’intervention existants (FESF/MES), avec, dans la mesure du possible, la participation du FMI. La balle est donc clairement dans le camp des gouvernements, en premier lieu ceux qui sollicitent une assistance, ensuite ceux qui sont appelés à l’accorder.
Le Président Draghi a souligné, de manière très subtile, que ses propositions reposaient sur deux jambes et que chacune d’elles étaient à la fois nécessaires et dépendantes l’une de l’autre pour en assurer le succès. La question encore en suspend peut se résumer comme suit : parviendra-t-on au consensus politique nécessaire pour créer les conditions permettant à la BCE d’agir ?
La réaction positive et immédiate du marché semble traduire le message suivant : la BCE a apporté sa contribution au processus (y compris faisant des concessions sur son statut de créancier privilégié et en accordant plus de souplesse à l’éligibilité au nantissement dans ses opérations de refinancement ordinaires du système bancaire). Si les gouvernements complètent ce dispositif, alors le paquet global pourrait se révéler un premier pas décisif dans le processus d’une sortie de la crise.
Les marchés vont, dorénavant, se focaliser sur les réactions des 17 gouvernements de l’UEM puisqu’aucune intervention de la BCE n’est envisageable tant que le MES n’est pas opérationnel (ce qui dépend de la décision de la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe) et que les pays désirant son support n’aient introduit et négocié une demande d’assistance formelle qui sera supervisée par les autorités européennes.
Il est symptomatique qu’en réponse à une question concernant un « message politique » éventuel adressé par la BCE aux gouvernements en faveur d’une Europe fédérale, le Président Draghi a évité toute polémique en se retranchant derrière le voile du strict respect par la BCE de son mandat en matière de politique monétaire. Il ne fait cependant guère de doute que l’appel à la solidarité et la mise en œuvre de réformes structurelles et institutionnelles profondes, que la BCE exige pour permettre son intervention, nécessite une intégration plus poussée de l’UEM/UE et est en contradiction flagrante avec la rhétorique nationale-populiste qui anime le camp des eurosceptiques. Le résultat des négociations à venir pourrait être la clef de la pérennité de l’UEM et, au travers du processus, de celle de l’Union Européenne.
Tout signe de tergiversation sera sanctionné immédiatement et sévèrement par le marché. Les enjeux n’ont jamais été aussi élevés et la courte fenêtre d’opportunité, ouverte par l’action claire et ferme de la BCE, ne se représentera pas nécessairement.
*Paul Goldschmidt est ancien administrateur de Goldman Sachs International et ancien directeur à la Commission européenne, membre de l’Advisory Board de l’Institut Thomas More.
Le site de l’Institut Thomas More.
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