“Pensez vous que ce jaillissement de l’extreme droite au cours des derniers mois peut être dû à un travail de mémoire qui s’affaiblit en Allemagne ?
Thomas Wieder : Cela joue, très certainement. Il m’arrive souvent d’en parler avec des gens, et beaucoup, en particulier chez les plus jeunes, vous disent facilement qu’ils en ont ras-le-bol de se voir rappeler le passé nazi de l’Allemagne ; l’idée d’une responsabilité particulière de leur pays leur est totalement étrangère. Indiscutablement, quelque chose s’est brisé, des tabous ont sauté, je ne dis pas que c’est général, mais en tout cas auprès d’une partie de la population ces références n’opèrent plus, voire sont devenues totalement contre-productives. Il n’y a qu’à voir l’effet des provocations d’un Alexander Gauland, le coprésident de l’AfD : à l’évidence, ses sorties sur la seconde guerre mondiale des derniers mois n’empêchent pas le parti de prospérer.
Autre exemple : à Chemnitz, lors de la manifestation du 1er septembre, était présent Björn Höcke, le leader de l’AfD en Thuringe, considéré comme le chef de file de son aile la plus radicale. L’homme est connu pour ses sorties polémiques sur la seconde guerre mondiale. En 2017, certains voulaient même l’exclure du parti après un discours dans lequel il avait dénoncé comme “monument de la honte” le mémorial aux victimes de la Shoah édifié au coeur de Berlin. « Il nous faut rien de moins qu’un virage à 180° de notre politique de mémoire », avait-il déclaré. A l’époque, la secrétaire générale du Parti social-démocrate avait dit que Höcke parlait « la langue du NSDAP », le Parti nazi. Quand j’ai demandé à des manifestants, à Chemnitz, si ça ne les gênait pas de participer à une manifestation conduite par ce même Björn Höcke, aucun n’a considéré qu’il y avait le moindre problème.”
Source : Le Monde