Un appel à l’aide dramatique de la chrétienne condamnée à mort par un tribunal pakistanais pour « blasphème ». Son crime ? Avoir demandé à ses voisines musulmanes qui lui cherchaient querelle sur fond de différences religieuses : « Jésus est mort pour moi sur la croix, qu’est-ce que Mahomet a fait pour vous ? »
C’est grâce à la journaliste française Anne-Isabelle Tollet, ancienne correspondante de France 24 au Pakistan, que le thème de cette chrétienne pakistanaise, condamnée à mort et croupissant dans une cellule insalubre sans fenêtre depuis sa condamnation en 2010 et l’assassinat par des extrémistes musulmans du ministre (chrétien) chargé de la protection des minorités et du gouverneur du Pendjab (musulman) qui avaient osé prendre sa défense, fait une nouvelle fois la une de l’hebdomadaire d’opinion le plus lu en Pologne, Gość Niedzielny (« L’invité du dimanche »), un magazine catholique, à l’occasion de la sortie de l’édition polonaise de Blasphème. Un livre dont Anne-Isabelle Tollet est co-autrice avec Asia Bibi et où la chrétienne pakistanaise parle des épreuves qu’elle est obligée de subir à cause de sa foi chrétienne dans un des rares pays musulmans avec une forte tradition démocratique, ce qui ne laisse pas de poser des questions sur les conséquences pour les minorités religieuses d’autres pays musulmans en cours de démocratisation dans le cadre de ce que nos élites médiatiques et intellectuelles appellent le printemps arabe mais qui pourrait aussi être un tournant dramatique pour des minorités religieuses, notamment chrétiennes, déjà plutôt maltraitées.
C’est d’ailleurs paraît-il le cas en Égypte où les violences à l’égard des chrétiens coptes n’ont fait qu’empirer après la chute de Moubarak et je ne suis pas sûr de devoir me réjouir du sort de mes frères chrétiens si le régime syrien est défait par la rébellion en cours. J’avais été assez naïf pour me réjouir de la chute de Saddam Hussein, on a bien vu ce qui s’est passé par la suite : combien reste-t-il de chrétiens en Irak aujourd’hui ? Le sort d’Asia Bibi et de millions d’autres chrétiens vivant tant bien que mal dans les pays à majorité musulmane devrait inciter nos élites politiques à engager un vrai débat de société puisque l’islam est désormais la deuxième religion de France, un débat en vue duquel je leur conseillerais vivement de lire l’excellent livre Les raisons de ne pas craindre l’islam du jésuite égyptien Samir Khalil Samir. Cet islamologue, professeur à l’université de Beyrouth, au Liban, y explique à l’intention des occidentaux quelles sont les conditions d’une bonne cohabitation avec les musulmans quand on n’est pas musulman soi-même et qu’on n’a aucunement l’intention de le devenir.
N’oublions pas qu’Asia Bibi n’aurait pas été condamnée à mort si elle avait accepté de se convertir à l’islam. C’est en la rouant de coups que les gens de son village lui ont proposé de sauver sa vie en devenant musulmane, mais Asia Bibi a refusé de renier sa foi en Jésus-Christ. Interrogé plus tard par des reporters de CNN, le mollah du village qui avait, après ce refus, porté l’accusation de blasphème devant les tribunaux pakistanais, a avoué sans honte avoir pleuré de joie le jour de la condamnation à mort de la disciple du Christ.
Dans l’entretien avec Anne-Isabelle Tollet, la journaliste de l’hebdomadaire catholique Gość Niedzielny demande : « Vous avez mentionné avoir rencontré les femmes musulmanes qui ont dénoncé Asia Bibi. Sont-elles conscientes que par leur faute une famille entière vit un drame ? ».
Réponse de la journaliste de France 24 : « Absolument pas. Au contraire, elles débordent de haine à l’encontre d’Asia Bibi. Si elles le pouvaient, elles la déchiquetteraient vivante. Avant cet événement, la situation dans le village d’Asia Bibi était tendue. Ces femmes musulmanes s’étaient disputé avec Asia, quelques semaines auparavant, à propos d’une histoire futile avec un musulman qui avait mangé le repas d’un autre. L’une de ces femmes observait Asia et à remarqué, pendant le travail aux champs en pleine canicule, que la chrétienne puisait de l’eau d’un puits où buvaient les musulmanes. Cela a été un prétexte pour se venger. »
Gość Niedzielny : « C’est difficile de croire qu’aucune considération humanitaire n’entre en jeu ici. »
Anne-Isabelle Tollet : « Aucune. Au Pakistan, il suffit qu’une personne en accuse une autre de blasphème et cette simple accusation suffit pour condamner quelqu’un à mort. C’est une manière fréquente de régler les conflits. Le plus important, ce sont Mahomet et le droit. Il vaut mieux pour les chrétiens ne pas prononcer du tout le nom de Mahomet. Asia Bibi l’a fait. »
Aujourd’hui Asia Bibi a perdu ses soutiens au Pakistan. Ceux qui n’ont pas été assassinés par les extrémistes musulmans ont peur d’être eux-mêmes associés au blasphème supposé de la chrétienne et abattus comme des chiens s’ils osent prendre sa défense, comme Shahbaz Bhatti, le ministre catholique des minorités religieuses, ou Salman Taseer, le gouverneur musulman du Pendjab tué par son garde du corps qui lui a déchargé 25 balles dans la tête en criant « Allah Akbar » (« Dieu est grand »). Le seul espoir pour Asia Bibi et sa famille, c’est qu’on parle d’elle à l’étranger, que les médias s’intéressent à son cas, que les dirigeants politiques étrangers fassent pression sur le Pakistan pour qu’elle soit libérée et qu’on leur permette d’émigrer, puisqu’une simple libération équivaudrait à une nouvelle condamnation à mort si Asia Bibi devait rester dans son pays avec sa famille. C’est le but du livre Blasphème par lequel Asia Bibi nous lance un appel au secours pour elle, pour son mari et ses enfants et pour tous les chrétiens et autres non-musulmans vivant au Pakistan (lire l’interview avec la journaliste Anne-Isabelle Tollet publiée par Le Monde en juin 2011), un livre dont les ventes servent à soutenir financièrement la famille d’Asia Bibi puisque son mari, traité comme un paria, ne peut plus exercer aucun travail rémunéré dans son pays. Parlons donc autour de nous d’Asia Bibi, demandons à nos compatriotes musulmans et aux organisations musulmanes françaises d’intervenir en sa faveur, écrivons des lettres à l’ambassade du Pakistan et faisons pression sur nos élus et nos ministres car c’est aujourd’hui sa seule chance de salut !
Une pétition de soutien internationale est organisée pour Asia Bibi sur le site A Call for Mercy qui a recueilli 620 000 signatures du monde entier dont seulement 1210 de France ! Que fait la France pour Asia Bibi ? Pourquoi les médias français parlent-ils si rarement de cette famille chrétienne menacée de mort pour sa foi ? À l’heure où la France autorise la construction de grandes mosquées sur son territoire pour sa minorité musulmane, comme à Strasbourg ou à Marseille, que fait le gouvernement français pour défendre les droits fondamentaux des minorités religieuses et des non-croyants au Pakistan et dans les autres pays où les musulmans sont majoritaires ?
De notre correspondant permanent en Pologne.
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