La question ne se pose pas vraiment, puisque les traités européens réservent à chaque pays le droit d’accepter sur son sol les immigrants de son choix, mis à part pour les immigrants d’autres pays de l’UE bénéficiant du régime de la libre circulation. Malgré tout, dans un pays où, comme dans toute l’ex-Europe de l’Est, l’adhésion au projet européen est particulièrement élevée (ce qui n’empêche pas un regard critique sur les dérives de ce projet), il est intéressant de savoir ce que choisiraient les Polonais s’ils devaient choisir entre prendre les immigrants dans le cadre du plan de relocalisation forcée (depuis l’Italie et la Grèce) ou sortir de l’UE. Ou même, puisqu’il a été question de supprimer les fonds européens aux pays récalcitrants, et notamment à la Pologne, à la Tchéquie et à la Hongrie, que répondraient les Polonais si on leur adressait un ultimatum du style : si vous ne prenez pas d’immigrants, on vous supprime les subventions européennes (ce qui serait tout à fait illégal au regard des traités mais qui a été suggéré par des gens haut placés à Berlin, Paris et Bruxelles).
Un sondage IBRiS pour l’hebdomadaire gaucho-libertaire et européiste Polityka a été publié le 5 juillet dernier, qui répond à ces questions. En voici les résultats :
Première question : « La Pologne doit-elle refuser l’accueil des réfugiés en provenance de pays musulmans même si cela devait entraîner la perte des fonds européens ? »
– OUI: 56,5 % (dont 48,6 % de « oui » et 7,9 % de « plutôt oui »).
– NON: 40,4 % (dont 31,4 % de « non » et 9 % de « plutôt non »).
(pourcentage d’indécis : 3,1 %)
Deuxième question : « La Pologne doit-elle refuser l’accueil des réfugiés en provenance de pays musulmans même si cela devait entraîner la nécessité de quitter l’Union européenne ? »
– OUI: 51,2 % (dont 33,4 % de « oui » et 17,8 % de « plutôt oui »).
– NON: 37,6 % (dont 27,6 % de « non » et 10 % de « plutôt non »).
(pourcentage d’indécis : 11,2 %)
Précision : sondage réalisé en juin sur un échantillon de 1000 personnes.
On notera au passage que l’hebdomadaire Polityka, favorable à l’accueil des immigrants et au multiculturalisme, a tenté d’orienter les réponses en parlant de « réfugiés » plutôt que de « demandeurs d’asile », puisque les immigrants concernés par le programme de relocalisation sont des personnes qui ont demandé l’asile (ce que font tôt ou tard tous les immigrants clandestins pour ne pas se faire expulser) et non pas des personnes qui l’ont obtenu. On peut supposer que sans cette manipulation il y aurait eu pour les deux questions une proportion encore plus importante de « OUI ».
C’est la première fois qu’un institut de sondage s’intéressait à la question de savoir jusqu’où les Polonais étaient prêts à aller dans leur refus du modèle immigrationniste et multiculturaliste que l’Europe occidentale voudrait imposer à l’Europe centrale et orientale. Un sondage de mai réalisé par l’institut OBOP (sur un échantillon de 1004 personnes) et publié par la chaîne publique d’information en continu TVP Info montrait simplement que 73 % des Polonais étaient contre l’accueil des réfugiés et immigrants musulmans (46 % tout à fait contre et 27 % plutôt contre) quand on leur posait la question suivante : « Selon vous, la Pologne devrait-elle accueillir les réfugiés et immigrants musulmans ? »
Cette opposition à la relocalisation des immigrants arrivés illégalement en Grèce et en Italie (même si c’est avec l’aide des navires européens) se traduit en termes de popularité du PiS. Après un passage à vide au début du printemps, le PiS atteignait pour la première fois 41 % (contre 26 % pour le parti libéral PO de Donald Tusk) dans un sondage IPSOS commandé fin juin par le journal libéral-libertaire Gazeta Wyborcza. C’était au moment où la Commission européenne venait d’annoncer le lancement d’une procédure de sanctions contre la Pologne, la Tchéquie et la Hongrie pour leur refus du programme de relocalisation des immigrants. Ainsi, si Bruxelles continue sur cette voie, elle pourrait permettre au parti conservateur PiS de gagner haut la main les prochaines élections, peut-être même avec une majorité constitutionnelle. Le PO pâtit en effet de ses déclarations contradictoires sur la question de l’accueil des immigrants illégaux. C’est d’ailleurs très probablement grâce à l’engagement pris en septembre 2015 par le premier ministre PO Ewa Kopacz (qui avait remplacé Donald Tusk après le départ de ce dernier à Bruxelles) de prendre 7000 immigrants dans le cadre du programme de relocalisation que le PiS, fermement opposé à ce programme, a pu obtenir la majorité absolue au parlement polonais aux élections du 25 octobre 2015. C’était la première fois depuis la chute du communisme en Pologne qu’un parti obtenait à lui seul la majorité absolue au parlement.
Le gouvernement de Beata Szydło a donc tout intérêt à continuer de résister, surtout qu’il a avec lui sur ce sujet la plupart des pays d’Europe centrale et orientale et qu’il a reçu un soutien appuyé des États-Unis avec le discours prononcé par Donald Trump le 6 juillet à Varsovie. Un discours où le président américain a appelé les peuples d’Europe à se battre pour leur famille, pour leur patrie, pour leur civilisation et pour Dieu ! Ceci explique d’ailleurs pourquoi les médias mainstream français ont préféré, pour que cela ne se sache pas trop, relayer le fake news de l’épouse du président polonais qui aurait refusé de serrer la main du président Trump.
(Article publié initialement sur le site Visegrád Post)
Voir aussi :
6 Comments
Comments are closed.